L’ORGUEIL ATTIRE LA CHUTE, CAR CELUI QUI S’ÉLÈVE PAR LUI-MÊME, LES ÉVÈNEMENTS NE PEUVENT QUE LE RABAISSER TÔT OU TARD…

L’orgueil désigne le sentiment exagéré de sa propre valeur, une opinion très avantageuse qui agit au détriment de la considération ou du respect du à autrui.  Les Maîtres orientaux opinent qu’il s’agit d’une domination de l’ego vital, appelé «abhimana», qui provient d’un débordement du faux-ego et qui amène à confondre la fin avec les moyens.

L’orgueil est le vice de celui qui s’imagine être supérieur, croit déprendre de rien ni de personne, présume être redevable de tout.  Surestimant sans cesse sa valeur, son importance, ses capacités, il vit dans la crispation et l’arrogance, ce qui le conduit directement à exprimer du mépris, de l’intolérance, du snobisme à l’égard des autreconceits, ce qui aboutit à l’hostilité.  Bien sûr, il y en a qui sont orgueilleux par narcissisme mitigé.  Leur vanité devient pour eux une sorte de récompense.  Ils se félicitent indirectement d’avoir bien agi, d’avoir été bons, d’avoir répondu à leurs plus nobles aspirations.

Ces deux formes d’orgueil couvrent des carences graves, comme un manque de confiance en soi, de la culpabilité, une infatuation gratuite.  Mais la forme la plus dissolvante de l’orgueil, c’est celle de la vertu. Elle se fait apparente condescendance pour les faibles, mais mépris réel pour leurs difficultés.

Lanza Del Vasto a rappelé: «L’orgueil est une erreur touchant le moi, qui consiste à se regarder du dehors, à se prendre pour son enveloppe, à exalter cette enveloppe, s’efforçant de la faire prévaloir, à imaginer que c’est arrivé, et qu’elle brille par dessus tout.»  Krisnamurti semble confirmer cet avis en disant : «L’orgueil vient de l’ignorance.»  Janakanandâ a complété le tableau en affirmant : «L’orgueil résulte d’une fausse identification avec le petit moi. C’est le petit moi qui crie muettement pour se faire entendre et prend tous les moyens voyants pour être aperçu.»  Considérons ce mot foudroyant de J. E. Buteau: «Si un homme a une grande idée de lui–même, vous pouvez être sûr que c’est la seule grande idée de sa vie.»  L’orgueilleux n’a de cesse de se vanter, en paroles ou en actes, dans un désir d’éclipser les autres et de prendre toute la place.  Qui cherche à se donner de l’importance ne doit pas en avoir réellement.  C’est un inférieur qui se déguise en supérieur.

Parmi tous les obstacles évolutifs, cet amour-propre représente le plus grand danger que le chercheur puisse rencontrer sur son chemin, puis qu’il attise la séparativité et que, par le gonflement de l’ego matériel, il tisse une carapace impénétrable à la Lumière.  Il naît d’un réflexe de défense de la personnalité, le petit moi, qui mesure sa propre valeur selon le regard des autres egos, dans un besoin permanent de concurrencer afin d’être reconnu, valorisé et rassuré.  En général, l’orgueilleux vit comme s’il était immortel et il construit autour de lui une armure d’illusions, constituant des repères qu’il se donne à lui-même. Il s’enferme dans un monde où sa personnalité devient le centre d’intérêt.  Il existe une forme d’orgueil qui provient d’un narcissisme mitigé.

En pareil cas, la vanité ou la prétention devient un genre de récompense qui permet de se féliciter de sa prestance, de ses succès, de faire le bien, d’être bon, de répondre à ses plus nobles aspirations.  Ce type d’infatuation repose généralement sur un manque de confiance en soi, une culpabilité latente, un sentiment d’infériorité déguisé.  Mais sa forme la plus dissolvante repose dans l’étalage de la vertu, car elle rend alors condescendante et arrogante vis-à-vis des faibles, ce qui implique du mépris ou de l’indifférence pour leurs difficultés.  L’orgueil peut amener un individu à se croire son seul maître et à croire qu’il peut se couper de Dieu impunément, qu’il domine la Nature et qu’il peut exploiter ses richesses.  Il quête sans cesse l’admiration des autres pour ses exploits ou sa grandeur, n’ayant de cesse de se vanter et d’imposer l’admiration et la reconnaissance dans un désir inconscient d’éclipser les autres ou de les abaisser pour prendre toute la place.

L’orgueil est un débordement de la personnalité qui amène diversement à croire que les autres sont des arriérés et des primitifs ou des êtres inconscients;  à se croire supérieur aux autres;  à croire détenir seul la vérité ou à seul posséder la connaissance;  à croire mériter le respect pour sa supériorité;  à croire qu’on ne doit pas accepter l’opposition, la contradiction, les mises en doute ou en question, par qui que ce soit.  Il consiste à chercher à s’imposer artificiellement là où on a naturellement sa place et à agresser un royaume qui est offert d’emblée.  Il s’agit de trouver sa place et de s’y maintenir en respectant celle des autres.

L’orgueil va généralement de pair avec la jalousie, donnant naissance à l’envie, pour former un triangle maléfique.  En fait, il s’exprime de bien des manières et, toujours, très habilement.  Il est un péril, car la personne visée est rarement atteinte, mais les intentions de son auteur ressortent toujours clairement pour autrui, même s’il les dissimule bien.  Ce vice visite le riche, celui qui est imbu de son ego, mais qui manque profondément de confiance en lui parce qu’il n’a pas de discernement spirituel et de richesse intérieure véritable.

Car le sage est naturellement humble et modeste pouvant mesurer la trajectoire qu’il lui reste à couvrir, peu importe le stade qu’il a atteint.  Celui qui sait que sa véritable nature est au-delà de toute évaluation ne sent plus le besoin de se valoriser de sa personnalité illusoire.  Quand on est conscient, on ne commet plus l’erreur de s’identifier à ce qu’on n’est pas, de perdre son identité dans la forme, car on s’identifie à quelque chose de plus vaste.  Et ce quelque chose, c’est l’Essence ou l’Esprit.  À ce niveau, on se perçoit comme un être de lumière dans un univers où tous es êtres sont égaux et unis parce qu’ils ont la même importance vis-à-vis du Tout et qu’ils en font tous partie.  La meilleure défense contre l’orgueil est de demander à son auteur d’expliquer le pourquoi de ses menées.  On aura vite fait de comprendre ses mobiles profonds et on saura pourquoi il convient de s’écarter de lui.

L’orgueil masque un désespoir et une grande souffrance qui colorent toutes les entreprises du prétentieux.  En fait, à un certain niveau, celui-ci sait qu’il est en situation d’échec dans sa vie, qu’il sera probablement la victime de son incurie ou de son irresponsabilité, mais il préfère prétendre que personne n’a permis à son grand talent de se développer.  Ainsi, en évitant ou en écartant les contacts, il révèle clairement sa peur de ne pas être aimé ou de ne pas être à la hauteur.  Il craint la concurrence.  Il croit valoir cent fois mieux que les autres, d’où les  autres ne sont pas assez bien pour lui.  Il évite les autres de crainte d’être rejeté.  Il refuse sa vulnérabilité.  Il s’interdit de dévoiler avec franchise et simplicité ses véritables sentiments.

En revanche, il n’y a pas d’orgueil à accepter et à reconnaître qui on est, sa valeur réelle, sa compétence dans un domaine.  Il s’agit d’exprimer la vérité telle qu’elle est sans en ajouter par prétention ni en soustraire par fausse modestie.  L’erreur serait de s’en vanter, d’en tirer avantage ou de les nier.  Il faut partager ce que l’on est tel qu’on est, le vivre de plus en plus dans la simplicité, au fond de son cœur, en partageant et en échangeant, en s’entourant d’êtres comme soi, sans fermeture, vivre dans l’extase et la plénitude de chaque instant, remercier et accueillir toujours davantage.  Il faut savoir reconnaître sa grandeur en sachant qu’elle ne dépasse pas celle d’autrui.   

                Mais la pire forme de la vanité, c’est l’orgueil spirituel qui consiste à s’accorder une supériorité qui implique qu’on se croit un élu de Dieu, qu’on mérite des faveurs et des privilèges, qu’on est plus évolué que les autres, les gens ordinaires, et qu’ils ne méritent pas sa considération.  Le sujet affligé de ce vice n’accepte que Dieu pour Maître, ce qui le rend réfractaire à toute autorité, même légitime, peu enclin à la collaboration.  Il affirme ne dépendre de rien ni de personne, mais il présume être redevable de tout. Il croit toujours avoir une meilleure idée que les autres, qu’il quitte s’il ne parvient pas à s’imposer à eux, peu soucieux du sentiment d’autrui et de ses responsabilités en regard du bien commun.

Surestimant sans cesse sa valeur, son importance et ses capacités, se plaçant la barre trop haute, cet être vit dans la tension et l’angoisse.  En plus de sombrer dans l’intolérance, le mépris, le snobisme et l’hostilité, il ajoute la susceptibilité, l’esprit de rancune et la vindicte.  Il existe une certaine griserie dans le fait de se sentir différent des autres dans sa quête d’absolu.  Mais il peut dégénérer en sentiment de non appartenance à la famille humaine, puis en une certitude d’être plus noble que tous.

L’être véritablement supérieur, s’il existe, doit devenir le serviteur des autres, sans être leur domestique, pour partager avec euxconceit-images sa force et ses compétences.  Quelqu’un a dit : «Le serviteur ne creuse ni ravins ni fossés, mais au contraire, il lance des passerelles et des ponts, là où certains arrêteraient habituellement leur course.»  C’est une façon de dire qu’il n’agit pas en diviseur.

Le problème c’est que, à se sentir trop différent, un être devient marginal, erratique et excentrique, creusant sa différence, ce qui le conduit à l’isolement et au malheur.  Si le désir d’évoluer vient de la soif de l’âme de s’accomplir, l’ego peut faire dévier ce désir sincère.  Alors, il pourrait décider d’un modèle de perfection et chercher à lui correspondre, plaçant les uns sur un piédestal, les autres aux pieds de l’échelle.

L’orgueil spirituel amène à construire les barreaux d’une échelle graduée qui permet de mesurer son évolution et celle des autres.  Cet orgueil peut se déguiser en humilité, poussant le sujet à adopter une attitude modeste et simple, dont il profitera pour critiquer ceux qui n’adoptent pas la même attitude.  Il passe son temps à faire des personnalités et à scruter la conduite des autres, réprimant avec véhémence ce qu’il croit être leurs erreurs.  En général, il possède deux poids et deux mesures pour juger des faits : l’un, avantageux, pour lui, l’autre, moins juste, pour autrui.

© 1992-2015, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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