L’ERREUR?  MAIS IL N’Y A JAMAIS D’ERREUR!

L’erreur traduit un jugement mental qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement ou il désigne l’action regrettable, maladroite, déraisonnable, comme l’écart de conduite ou la transgression d’un principe ou d’une norme.  Sauf que la notion d’erreur ne sert qu’à culpabiliser et à atténuer l’estime de soi quand nul ne peut atteindre la perfection sans répéter les expériences.

La majorité des gens ont peur du mot «erreur» parce qu’ils se culpabilisent fortement de leurs faux pas, pour avoir reçu une éducation morale trop rigide ou pour avoir développé un sens exagéré de la perfection.  La première chose à comprendre, à propos de l’erreur, c’est qu’elle constitue une part inhérente et inéluctable de l’apprentissage.  Comment un être peut-il entrer dans un Monde de dualité, où il vient s’incarner pour mieux se connaître dans sa totalité, donc pour explorer ses potentialités, à partir du point zéro de l’oubli, entre les limites ultimes des ténèbres et de la Lumière, et récupérer sa pleine conscience sans faire la moindre erreur ?

Disons-le clairement, à son plan actuel de conscience, aucun être humain ne peut venir explorer le monde terrestre, ce qu’il fait par tâtonnements, sans se tromper un jourerreur ou l’autre.  Et tant mieux, s’il se trompe souvent, c’est signe qu’il s’investit dans l’expérience, au lieu de ne rien faire, retenu par ses complexes de culpabilité ou par son amour-propre !

L’erreur se définit comme l’acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux ou l’acte concret qui est erroné par rapport à une norme.  Ce dernier mot de «norme» importe, car il faudrait savoir qui l’a établie.  Dans des mots plus simples, on pourrait dire que l’erreur, c’est le fait de mal agir ou d’agir moins bien qu’on pourrait le faire.  En métaphysique, on définit l’erreur comme l’acte partiellement manqué d’un être en évolution qui, loin de mériter une punition, mérite d’obtenir une occasion de comprendre et de se corriger, pour parvenir à mieux agir dans la suite.  On dit encore qu’il s’agit d’un faux pas d’un être engagé sur le Sentier évolutif, acte dont il doit tirer une leçon de vie salutaire, donc qu’il gagne à convertir en apprentissage spirituel.

Wilhelm Busch disait : «Qui ne fait rien ne commet pas d’erreur.»  Et le Maître Janakanandâ disait avec humour : «Il vaut mieux faire quinze erreurs par jour que de ne rien faire, car, au moins, on apprend quelque chose.»  Dès lors, ne convient-il pas de dédramatiser les faits et d’apprendre à rire un peu de soi ?  Car l’important, ce n’est pas de porter toute son attention sur une erreur, mais de comprendre pourquoi on l’a commise, ce qu’elle peut apprendre des limites qu’elles précisent et ce qu’on peut en faire pour grandir spirituellement.

En réalité, l’erreur ne résulte jamais d’une ignorance complète, mais d’une connaissance limitée.  On entend par là qu’elle exprime une vérité qui reste partielle.  Ainsi, l’être humain n’avance pas sur la Voie évolutive d’erreur en vérité, mais d’une vérité partielle à une vérité plus grande, jusqu’à ce qu’il comprenne la vérité parfaite.  Voilà qui situe les faits dans leur juste perspective et évite qu’il sombre dans la déception et la tristesse chaque fois qu’il ne se sent pas à la hauteur d’une norme.  Ce qui importe le plus, par rapport à une erreur, ce n’est pas ce qu’on a fait, mais comment on s’en amendera, comment on agira plus sagement dans l’avenir.  La désolation, par rapport aux faits du passé, n’est rien d’autre qu’une réaction stérile.

En regard de l’erreur, ce qui serait vraiment involutif, ce serait de savoir qu’une chose n’est pas vraie, mais de l’affirmer quand même, ou de savoir qu’elle ne donne pas les résultats escomptés, mais de la faire quand même.  Bien qu’encore là, on pourrait trouver une explication valable à une telle attitude ou à un tel comportement.  Quand on persiste à commettre une erreur, c’est qu’on n’a pas encore complètement intégré un principe.  On peut le connaître dans sa tête, mais il peut y être resté, ne pas avoir descendu dans son cœur et ses tripes, ce qui fait qu’il ne suscite pas encore son adhésion, ni la motivation plus adéquate de mieux agir.

Même en répétant ce qu’on pense être une erreur, on prend une bonne décision, car on se permet d’approfondir les notions de l’ordre, de l’harmonie, de l’équilibre.  Chaque fois qu’on n’atteint pas le but visé, on apprend au moins qu’on peut encore faire mieux, comme ce qu’il ne faut plus faire ou répéter.  À force de se faire mal ou de se faire du tort, on finira bien par comprendre.

En fait, l’erreur n’existe pas, pas plus que le péché, du reste.  Il n’existe que des expériences plus ou moins bien réussies, plus ou moins bien imprégnées de conscience ou de lumière.  Au fond, dans l’erreur, on ne trompe jamais que soi-même.  Alors, on peut la percevoir comme une expérience heureuse qui appelle à trouver une nouvelle solution en ouvrant davantage sa conscience.  L’être humain s’est incarné pour expérimenter, ce qui lui donne un droit plénier à l’erreur.  Expérimenter signifie agir à tâtons pour découvrir, manifester ses créations mentales pour en étudier les résultats, apprendre de façon progressive à travers ses actions.

Sur Terre, le chantier de la vie se présente comme une école d’expérience où l’être humain apprend par essai et erreur, donc par erreur et réussite.  Au plus profond de lui, il ne désire rien  moins que de faire des erreurs puisqu’il désire affiner sa technique de création.  C’est son mental qui l’amène à se culpabiliser, pas son âme, qui est compassion incarnée.  Qui hésite trop, par crainte de faire une erreur, ne va jamais bien loin, ne réussit jamais grand-chose.  C’est par ses erreurs que l’être humain progresse le plus.  Quand on se fait du bien, on peut s’y complaire.  Il est probable qu’il en soit autrement du mal qu’on se fait, à moins qu’on soit masochiste.  Le discernement appelle à établir un juste milieu : une trop grande prudence agit comme un frein à l’évolution; le manque de prudence conduit à l’inconscience et à la témérité, ce qui menace également l’évolution.

L’expérience créatrice se déroute ainsi : on commet un acte, on en observe les résultats ou les conséquences, on mesure son degré de succès, on corrige ce qui n’a pas fonctionné.  Puis on recommence et recommence, jusqu’à ce qu’on réussisse à la perfection.  Où se loge l’erreur dans ce processus inéluctable de l’apprentissage.  Bien sûr que le perfectionniste en sera frustré, lui qui veut toujours aller vite et réussir du premier coup.  Mais hélas, ce n’est pas toujours le cas, et il faut s’y faire, avoir la patience de ses limites, sans toutefois se complaire en elles.  Dans ce processus, la plus grande erreur, ce n’est pas de commettre des erreurs, mais de ne pas respecter sa vérité en choisissant d’appliquer celle des autres.

En effet, quelles que soient ses croyances ou ses certitudes, il faut les respecter, en restant ouvert à de nouvelles façons de voir les choses, si elles peuvent apporter plus de joie et de bien-être, car c’est ainsi qu’on reste soi-même et près de soi, évitant de se dépersonnaliser ou de vivre par procuration.  Le besoin constant d’approbation et de validation, de la part des autres, témoigne d’une faiblesse d’esprit ou d’un manque d’estime de soi, ce qui coupe le contact avec son être profond.  Bien qu’il soit gratifiant de se sentir approuvé, il faut éliminer ce besoin pour garder sa foi en soi-même.  En suivant sa vérité, on ne peut pas plaire à tout le monde, mais on affirme au moins sa différence, apportant sa juste quote-part à l’expérience de la créativité collective.

Au premier chef, au-delà des apparences, l’erreur n’est rien d’autre qu’une fausse vision temporaire, une vérité partielle, mais jamais la cécité ou l’obscurité complète.  Chaque erreur conduit progressivement à la Vérité totale ou absolue.  C’est un défaut provisoire de conformité ou de jugement par rapport à l’Être ou à la Réalité ultime, non une absence complète de conformité.  Cela n’invite pas à commettre délibérément l’erreur.  Toutefois, dans la dynamique de la découverte de la Vérité absolue, l’erreur tient la même place, en regard de la vérité, que la nuit tient, dans une journée, par rapport au jour.  Le juste milieu se découvre dans l’exploration des extrêmes.  Le jour est-il mauvais ?  La nuit est-elle mauvaise ?  Chacun de ces éléments de la journée détient sa fonction propre, ni plus ni moins.  Aussi, l’erreur ne doit-elle jamais attenter à sa paix d’esprit.  On doit plutôt la ranger au nombre des expériences utiles et irrécusables, non s’en servir pour diminuer sa confiance en soi ou pour réduire son sens de la dignité.

Un être sain peut se frustrer d’une erreur, mais jamais il ne se peinera au point de se désoler, de se culpabiliser, de s’inférioriser de ce qui n’est qu’un trébuchement sur la Voie de l’apprentissage.  Les regrets et les remords, fondement de la culpabilité, sont des pièges insidieux et stériles du mental tyrannique, qui se masque derrière les apparences de la bonne conscience.  Par ses erreurs, un sujet se révèle les faiblesses qu’il porte encore, ce qu’il manque encore pour maîtriser son plein pouvoir.  Mais, il n’est pas l’erreur qu’il a commise, d’où il ne doit pas s’identifier à elle.  En lui-même, il est un être parfait qui n’a pas encore tout redécouvert de lui-même.  Après une erreur, il garde toute sa pureté originelle d’enfant qui s’amuse à se redécouvrir.  Par son erreur, il découvre la direction lumineuse qu’il doit prendre par rapport à une autre direction qui est plus ombreuse.  Inutile de porter un jugement de valeur sur l’une ou l’autre direction.

Dans sa compassion, Janakanandâ faisait remarquer : «C’est par manque de connaissance, par manque d’attention ou par manque de jugement qu’on commet une erreur.  En repensant à l’action qu’on a posée, on peut découvrir la raison de son erreur et on comprendra qu’on a agi de la bonne façon, malgré les apparences.  Alors, si on accepte sereinement les conséquences de son geste, on surmontera plus facilement l’état de fait et son état d’être, préférant amender sa conduite à se chagriner.  Mes amis, l’erreur porte sa part de Lumière dans la mesure où on se permet de grandir dans l’usage qu’on en fait.  Ceux qui refusent d’agir, de peur de commettre une erreur, retardent grandement leur évolution.  Mieux vaut agir, dût-on commettre cinquante erreurs par jour, que de ne rien faire, bloqué par la peur.»

Pour sa part, Omraam Mikaël Aïvanhov avait dit avant lui : «Je peux vous prouver que toutes les erreurs, tous les événements fâcheux, proviennent de ce que l’homme n’a pas ajusté ses relations avec le centre, avec Dieu lui-même.  Et même ceux qui cherchent Dieu ne savent pas le chercher, ils le cherchent abstraitement, de façon désordonnée.  Il faut le chercher dans les trois mondes, il faut que les trois mondes soient harmonisés.  Dans le plan physique, le centre, c’est le soleil; dans le plan spirituel, c’est le Christ ou l’Âme universelle; et dans le plan divin, c’est Dieu lui-même.»  Ce commentaire laisse entendre que, suite à une erreur, il convient mieux de mener la quête qui ramène à son centre que de se désoler.

Puisque cela rassure de savoir ce que les Maîtres enseignent au sujet de l’erreur, ajoutons cet avis de Sri Aurobindo : «En fait, l’erreur est une demi-vérité qui trébuche à cause de ses limitations; souvent, c’est la Vérité qui porte un masque pour s’approcher de son but sans qu’on la voie.»  Et il s’empressait d’ajouter : «Il est évident qu’il ne faut pas commettre une erreur dans l’intention de l’extérioriser, ni l’accepter une fois commise;  mais si elle se produit, il faut en profiter pour changer.»  Pour avoir lu plusieurs œuvres de ce Guide spirituel, nous comprenons qu’il veut dire qu’il faut éviter de commettre délibérément l’erreur, éviter de se formaliser si on en commet une, mais en profiter pour tirer sa leçon.

Satprem, un autre Guide spirituel, disciple d’Aurobindo et de la Mère, renchérissait : «La bataille de l’évolution ne consiste pas à ne jamais se tromper, mais à saisir toutes les occasions dans le sens vrai.  Alors on est toujours dans le Sens, par n’importe quel détour.  C’est le besoin de vérité qui crée la vérité, c’est le besoin d’un autre air qui crée le prochain air évolutif…» Le faux-pas de l’erreur n’amène pas à régresser, à reculer, si on en fait un bon usage, il prépare un meilleur avenir en rendant plus circonspect et prudent.  Celui qui trébuche ne dégringole pas forcément au pied de la colline.  En général, il tombe là où il est et il n’a qu’à se relever, à panser sa blessure et à reprendre sa route.  À quoi lui servirait-il de se mortifier des heures avant de songer à repartir ?  Bien utilisée, chaque erreur peut servir d’expérience pour affirmer un plus grand savoir.  Il faut savoir se pardonner au lieu de s’apitoyer sur son sort et de mourir avec elle.

Quelle prodigieuse invention divine que l’erreur qui motive à poursuivre l’idéal, en stimulant à l’action, afin de se rapprocher toujours plus de la Maîtrise totale !  Ne donne-t-elle pas le goût de sortir de l’ombre, de l’illusion, par la douleur ou la souffrance qu’elle engendre ?  Car on peut toujours se reprendre pour mieux agir.  Ne révèle-t-elle pas simplement qu’on cherchait, soit au mauvais endroit soit un faux bien ?  N’exprime-t-elle pas uniquement qu’on avance sur un territoire mal éclairé où on devrait mettre plus de Lumière ou dont on devrait s’écarter ?  Un vieux proverbe hindou va comme suit : «Ce par quoi tu tombes est cela même par quoi tu t’élèves.»  Pris entre ses faiblesses et son aspiration vers l’Infini, l’homme se désespère et se déchire vainement.  Le premier principe de la Sagesse requiert qu’on sache s’aimer et s’accepter comme on est, ce sans quoi on ne peut progresser.

Inutile de lutter contre ses faiblesses, de réprimer ses désirs, de pleurer ses erreurs.  On doit plutôt veiller à repérer en soi ses tendances obscures, saisir leur fonctionnement mécanique et compulsif, les suivre jusqu’à leur racine, dans la dernière sédition, en les offrant à la Lumière qui se chargera de les dissoudre d’elle-même.  Mais il faut demander cette harmonisation, si on veut qu’elle se produise, car, du fait qu’on est libre, rien ne peut se passer sans sa permission.

Toute erreur doit être observée dans le détachement.  Elle n’est rien d’autre qu’une défaite personnelle apparente, qui peut instruire, si on en fait bon usage.  Et ce n’est pas faire l’apologie du mal que de parler ainsi.  Il s’agit de comprendre que rien ne peut être assimilé et intégré sans passer par les termes complémentaires, apparemment opposés, de la polarité, au niveau de la dualité ou de l’incarnation.  Sur Terre, chacun reste un être en évolution en potentiel d’accomplissement parfait.

S’accepter comme on est, ce n’est pas lâcher la bride à toutes ses pulsions, ni se glorifier de ses erreurs, ni prendre ses échecs pour des réussites.  Mais il faut bien comprendre qu’on nourrit et amplifie ce sur querror-erreuroi on focalise son attention.  Quand on cultive un jardin, on n’accorde pas ses soins aux «mauvaises herbes», ce qui les amènerait à proliférer, on accorde ses soins à ses fleurs ou à ses plantes potagères.  Dans la vie courante, il en va de même : l’amour qu’on s’accorde, avec l’attention qu’on porte à ses qualités et à ses réussites, constitue l’essentiel de l’œuvre alchimique.

 On a du mal à comprendre de tels propos parce qu’on a été déformé par une éducation trop moralisatrice dans son passé.  On attirait toujours son attention sur ses faiblesses, en faisant une sévère critique, mais très peu sur ses qualités.  Agir au meilleur de soi constituait la norme et le critère, ce qui était dû à sa famille, à son milieu, à l’église et à la société.  Ainsi, on soulignait rarement sa bonne conduite.  Mais s’il arrivait qu’on fasse une erreur, là, on se faisait tomber dessus, certain d’entendre parler pour longtemps de sa mauvaise conduite, quand elle n’était pas exposée à la parenté et au public.  Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, même devenu un adulte autonome, on accorde tant d’importance à ses erreurs.  Pourtant, Dieu n’en juge même pas, préférant s’en amuser, comme les parents s’amusent de la maladresse d’un tout jeune enfant.  Dieu laisse agir sa loi de Causalité, qui ne vise jamais à punir, mais à amener à comprendre et à s’amender.

En vérité, l’erreur est le levier du salut, car elle oblige à reconnaître ses illusions.  D’un quart de vérité, on passe à la demi-vérité; de la demi-vérité, aux trois quarts de vérité; des trois quarts de vérité, à la vérité.  Et de vérité en vérités, on accède finalement à la Vérité ultime qui illumine tout son être.

La pire erreur, c’est la peur de commettre des erreurs et d’éviter d’expérimenter.

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L’erreur de la répudiation désigne la séparativité.

L’erreur des astronautes réfère à l’impair de celui qui, faisant l’important ou se gaussant de sa science, veut aider un autre, mais sans réussir à percevoir clairement son monde intérieur.  Alors, ne pouvant le rejoindre dans son âme ni dans son projet évolutif (son plan de vie), il lui suggère de mauvaises solutions de vie.  Bien qu’infime au départ, son erreur de perception peut grandir de jour en jour et lui masquer de plus en plus les besoins réels de celui qu’il tente d’aider.  Malgré ses bonnes intentions, par ses suggestions ou ses conseils, il ne réussit qu’à l’emprisonner davantage dans son problème ou sa difficulté.

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