Dans une manie qui se développe généralement à l’enfance ou à l’adolescence, le collectionneur aime rassembler les objets les plus hétéroclites, s’adonnant à la mono ou à la poly-collection.  En compensation ou en surcompensation, sa passion peut l’amener à se lancer dans des achats onéreux ou compulsifs, ce qui, avec le temps, peut devenir dévastateur autant pour lui que pour sa famille ou son entourage.

   Le collectionneur, souvent un cas pathologique, peut collectionner les timbres, les cartes postales, les pièces de monnaie, les médailles, les pins, les insectes, les cartes de sport, les billets numismatede spectacle, les jouets, les livres, ce qui peut aller jusqu’aux œuvres d’art ou aux lingots d’or.  En fait, de nos jours, tout se collectionne, jusqu’aux épingles et aux pochettes d’allumettes.  Le collectionneur réunit et conserve, dans une acquisition et une accumulation sans fin, des objets symboliques auxquels il attribue une valeur subjective, peut-être même une âme, les réunissant et les conservant en leur apportant toute sa tendresse et tous ses soins.  Il aime les contempler, les ranger, les garder en ordre car, pour lui, en général, l’ordonnance, la symétrie et la propreté prévalent en tout.

   N’étant pas spécialiste en la matière, nous n’allons pas nous attarder sur le psychisme du collectionneur, bien que nous ne puissions le passer entièrement sous silence, puisque certains en développent une compulsion, voire une névrose.   Certains psychologues le décrivent comme un être qui, dans sa maturation, aurait manqué une phase de son individualisation, notamment au niveau de l’érotisme anal, ce qui en ferait un sadique refoulé.  Cet être tente de se garder dans le passé, de se prémunir contre l’éphémère ou le transitoire, il tente de retenir le temps, à moins qu’il tente de se valoriser par ses possessions.  Il est vrai que cet être vit dans l’obsession de la découverte et de l’acquisition d’objets nouveaux dans le registre de son inclination, ce qui lui apporte un grand plaisir, mais sans pouvoir expliquer ce besoin fondamental, souvent impérieux.  En fait, il s’agit d’un acheteur et d’un consommateur passionné, mais quelque part frustré et insatisfait, qui tente de combler un manque, une privation, une perte, une vulnérabilité intime, soit une part de vide intérieur, par une substitution appropriée.

   Ce qui caractérise le vrai collectionneur, c’est sa quête perpétuelle d’objets nouveaux pour compléter une collection qui grandit sans cesse.  Par là, il attribue inconsciemment un pouvoir et une valeur à des objets, qui vont du plus anodin au plus artistique ou au plus cher, parce que leur présence dans son environnement comporte une fonction réparatrice ou palliative.  Car le collectionneur est souvent un être morose, tendu, sévère, grave, sérieux, affligé de tendances dépressives, qui, par les objets qu’il rassemble, meuble son temps, rehausse sa valeur de soi et son sentiment d’unicité.  Dans un travail de solitaire, il trahit une mauvaise relation avec le monde extérieur, ce qui le porte à chercher plus de réconfort dans les objets que dans la relation avec des êtres humains.  Par le type de possession qu’il privilégie, il révèle le lien le plus intime qu’un être puisse avoir avec ses objets fétiches, qui représente un prolongement de son être.

  Chez le collectionneur, chaque trouvaille nouvelle l’aide à refaire le plein d’estime de lui-même, compense le doute et l’incertitude qu’il peut avoir à son sujet, ce qui le porte à une quête perpétuelle d’objets nouveaux.  Ensuite, même si elles encombrent son milieu et, probablement, sa conscience, le fait de les parader, de les étaler et des les montrer lui permet de se mettre en scène, attirant du coporte-clefsup, la plupart du temps, les félicitations ou l’admiration de ses visiteurs.  Il trouve souvent dans les objets rares ou originaux la manière de combler son besoin d’être approuvé ou reconnu comme exceptionnel.  À défauts d’autres atouts ou compétences, les éloges d’autrui l’aident à croire qu’il détient des qualités personnelles à part.  D’autant plus que, souvent, il détient, dans son domaine propre, de sources d’informations secrètes et qu’il trouve l’occasion de faire l’étalage de ses connaissances… même si, souvent, elles sont futiles.

   La plupart du temps le collectionneur s’identifie d’autant à sa collection qu’il la considère comme une valeur sûre, stable et viable et qu’elle suscite l’intérêt d’autrui.  On découvre dans cette propension la part de voyeurisme qu’elle comporte surtout lorsqu’elle a trait au domaine des images et des illustrations : affiches, peintures, vidéos, films, enregistrements d’émissions télévisées.   Et on découvre l’inclination au narcissisme surtout dans la collection des photos de famille, encore plus dans l’audace d’accumuler les photos personnelles.

   À ce propos, si un être connaissait le contenu symbolique qui se cache derrière ses engouements, il renoncerait à plusieurs d’entre eux.  En effet, même une photographie prise dans un but utilitaire révèle un attachement plus ou moins morbide au passé, qui finit par se remplir de cadavres.  Mais la propension à collectionner des photos éclaire souvent une grande difficulté à rester dans le mouvement de la vie, peut-être une grande peur de l’avenir.  La collection de ses propres photos relève d’un égocentrisme profond, à moins qu’elle éclaire une attitude infantile et régressive (soit le désir de perpétuer son enfance).

   Le fait de prendre une photo décrit un acte de coloration sexuelle dans lequel on se fait voyeur et preneur.  Alors, imaginez le sens de se prendre soi-même en photo!  Ou celui de les exhiber un peu partout!  Dans ce contexte, en général, le photographe-amateur passionné révèle impuissance sexuelle ou ses malaises en regard de la sexualité et une difficulté à entrer sainement en communication avec les autres.  S’il s’agit d’un homme, il peut dévoiler une propension à l’onanisme, à l’éjaculation précoce ou un problème dans l’approche du sexe opposé.  Il pourrait être porté à se cacher derrière son objectif pour compenser à son incapacité de jouir de la bonne manière ou son refus du plaisir sexuel.

   Dans le même ordre d’idée, quand une jeune fille demande une photo à un garçon en particulier, c’est qu’elle compte s’en servir pour supporter ses fantasmes et la montrer.  Si le garçon répond à sa demande, elle se hâte de se gratifier grandement de cette réponse, car elle sait, inconsciemment, avoir mis son pouvoir de séduction à l’épreuve de façon détournée et s’en être démontré la puissance.  On trouve la même explication de revalorisation par interposition de personne chez le garçon qui aime s’afficher avec la fille qu’il croit la plus populaire, la plus intelligente ou la plus belle de son milieu.  Par elle, il révèle la puissante conquérante qu’il peut afficher aux yeux des autres. collectionneur-barbie-collector

   À partir de ces quelques exemples, on comprendra qu’il n’est jamais très sécuritaire de laisser traîner ses photos ou de les distribuer avec trop de largesse ou sans trop de discernement.  Certains peuvent s’en servir pour parasiter, par les voies subtiles, un être d’admiration ou un objet de fantasme, ce qui peut aller jusqu’à opérer des passes négatives ou des envoûtements néfastes, avec ou sans technique.

   Il faut savoir que, en principe, dans le domaine vibratoire, la photographie et l’être photographié ne font qu’un, les deux détenant la même incidence de réalité.  La conservation des photos, qui figent le passé,  révèle une nostalgie latente qui lie vainement à une réalité révolue, dépassée.  Elle exprime la difficulté à aller vers l’avant, parfois l’impossibilité d’évoluer avec son temps ou avec les énergies ambiantes.  C’est le problème analogue qui se pose chez les vieillards qui ne cessent de se complaire dans un passé dépassé en répétant : «Dans mon temps…»  Chaque époque comporte ses difficultés ce qui n’empêche que, en général, l’époque d’après amène à faire un pas évolutif.

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