LA MÉCHANCETÉ

 

L’agressivité désigne le caractère de celui qui se sent menacé et qui marque la volonté d’attaquer sans ménagement ou qui recherche la lutte, la provocation ou la confrontation.

L’agressivité représente un détournement préjudiciable de l’énergie vitale, qui ne demande qu’à être dynamique, créatrice, évolutive, apaisante.  Elle donne l’Évidence d’une énergie vitale mal dirigée qui passe par le plexus solaire, le centre du pouvoir et des émotions.  Elle se fonde sur une forme d’insécurité quelconque pour avoir été brimé ou menacé dans sa jeunesse et elle traduit une angoisse pour ne pas avoir trouvé un exutoire sain à des émotions refoulées.  Psychologiquement, elle consiste à choisir, de façon arbitraire, de se concentrer sur une idée limitative et destructive, en la gardant bien à la pensée et en se créant, à partir d’elle, un désir artificiel de s’imposer ou de se venger.  Tout désir artificiel agit contre nature, puisqu’il comporte une détermination qui pousse le corps et le mental à agir dans le sens d’un désir indu.

mechancete-agressiviteDans l’agressivité, le sujet ne tarde pas à subordonner tous ses autres intérêts à cette pensée dominante et il se meut en permanence dans la direction qui pourra le mieux répondre à son désir privatif.  Ce processus n’implique pas que ses intérêts: il en vient presque toujours à tenter de le rattacher à la source de son agressivité.  Toute agressivité découle d’un refoulement ou d’une entreprise antinaturelle que le sujet entretient en lui comme un idéal.  Il est beaucoup plus facile de revendiquer le droit à la colère que d’examiner en soi la faiblesse qui la supporte, le point vulnérable qui a vibré.  Toute offense, même réelle, ne peut légitimer une répression désordonnée, encore moins disproportionnée à la cause.  L’agressivité inclut le sentiment de pitié, la condescendance, le mépris, la rancune, l’impression de blessure.  Qui est agressif a été dérangé dans sa fausse perception de lui-même ou se sent bien coupable.  La véritable haine laisse indifférent.  Il ne faut pas haïr le fautif, mais réprimer la faute!

Nul ne gagne à attiser l’agressivité d’autrui qui risque de dégénérer en menace sérieuse à son intégrité.  En pareil cas, il faut prendre de la distance et, en observateur, regarder avec compassion le trouble de l’autre en tentant de percevoir la situation de son point de vue, mais sans y participer.  Par exemple, on peut lui prêter une possible fatigue, une réaction de défense maladroite ou immature, qui n’ont rien à voir avec soi.  Il s’agit de rester libre, neutre, transparent.  Puis, on élève son énergie au niveau du centre cardiaque pour envoyer de la lumière à son opposant.  C’est la seule position pour apporter une aide réelle.

La méchanceté élève l’agressivité à un autre niveau.  Car l’agressivité ne s’exprime généralement qu’en cas de frustration intense chez celui qui, dans son égocentrisme de petit maître, n’accepte pas d’être contrarié.  Car la méchanceté se définit comme le penchant à commettre sciemment le mal ou à faire délibérément du mal, du moins à chercher à en faire, simplement par malveillance, le plus souvent ouverte et hostile.  Elle traduit une habitude, une manière d’être.  N’empêche que celui qui fait le mal considère sa conduite comme bien puisqu’elle ne peut que répondre à un besoin, si tordu ou pervers qu’il puisse être.  Chez un être malheureux, elle vise à infliger de la souffrance à un autre pour oublier sa propre souffrance ou pour faire expier, par interposition de personne, le mal qu’il a subi de façon injuste, à son avis.

En effet, chez les êtres humains, il n’existe pas de vrais méchants, il n’y a que des êtres souffrants, sevrés d’amour.  La méchanceté n’est souvent qu’une révolte face à l’injustice que l’on exprime par de mauvais moyens.  Ce qu’on appelle la méchanceté d’autrui n’est rien d’autre que l’écho de sa propre mesquinerie, donc le signe d’un manque d’harmonie en soi.  On attire toujours ce à quoi on correspond ou répond.  Ce qui a pu faire dire à Sivanandâ : Ne détestez pas le méchant, ni le jaloux, ni l’égoïste, ils hâtent votre salut.  Qui comprend les voies de la bonté, accepte que tout être est confronté à des ennemis, des personnes égarées, pour les guider dans une meilleure voie.  Au lieu de s’opposer à eux, il se permet d’être le sel qui leur donne de la saveur.

Celui qui réussit à influencer un autre défavorablement devient, du même coup, son maître.  L’intérêt supérieur de chacun appelle à affirmer sa maîtrise sur le mal par la puissance de la bonté, le seul moyen de garder les rênes de ses relations avec les méchants.  Le bien qui est en soi parviendra tôt ou tard à vaincre le mal qui est dans le méchant.  On gagne à donner à ses ennemis une bonne occasion dans leur vie.  Il n’y a rien de plus exaltant pour l’être humain que de devenir le partenaire de l’énergie spirituelle et de la vérité divine dans la lutte entre le bien et le mal.  Alors, il collabore au triomphe du bien.  Il est enthousiasmant de devenir un canal de lumière pour les mortels perdus dans les ténèbres spirituelles.  Pourrait-on être si lâche qu’on resterait à rien faire sur le bord de la mer pendant qu’un frère, qui ne sait pas nager, s’y noie?  Nul homme n’est un étranger pour un autre: tous sont des frères.  La bonté s’exerce dans la spontanéité, la méchanceté avec préméditation. C’est pourquoi dans un premier temps le méchant emporte la bataille ; mais la bonté bafouée anticipe sa revanche pendant que le malveillant se grise du sentiment de sa supériorité et, finalement, perd la guerre.

Le mot «malice» ajoute une nuance à la méchanceté, en ce sens qu’il s’agit de l’inclination à faire le mal ou à nuire par des voies détournées, du penchant qui amène à prendre plaisir à s’amuser aux dépens d’autrui, d’autant plus qu’on s’esquive pour y arriver.  Alors que la méchanceté est rarement gratuite, la malice l’est presque toujours.  Dans ce cas, le méchant prend plaisir à faire du mal à ses semblables, à les dénigrer, à les rabaisser.

Confucius a enseigné: «Voir et écouter les méchants, c’est déjà un commencement de méchanceté.»  Il ne faut pas se laisser tromper aux grimaces des méchants, qu’ils manient l’humour, l’ironie ou le sarcasme.  Rire des travers des autres par association, c’est aussi grave qu’en rire directement.  Si on le comprenait bien, on ne prendrait pas tant de plaisir à ces émissions d’humour qu’on ne croit que drolatiques, donc inoffensives.  Observez bien que tous les grands humoristes méchants ont tôt ou tard payé de leur personne, dans leur chair ou leur réputation, leur jeu vicieux.

Victor Hugo a dit: «Les méchants envient et haïssent: c’est leur manière d’admirer.»  Mais Marivaux assurait: «Le plus grand ennemi du méchant, c’est celui qui lui ressemble.»  Quoi que souvent, ce sont ces méchants désœuvrés qui forment les «gangs» de rue.  La méchanceté est hardie et trompeuse, car elle veut plaire pour ne pas être percée, bien qu’elle soit prête à tout-faire contre la conscience.

L’agressivité est, en soi, un signe de faiblesse et de désarroi.  Il y a là manque de confiance en soi, mal-être et difficulté à entrer en relation normalement avec les gens.  Certaines personnes s’adonnent à ces jeux troublants pour éviter de souffrir, de se sentir nulles, de se sentir seules, de se regarder en face, ce qui les rendrait lucides et ne pourrait que les attrister, les dégoûter d’elles-mêmes.  À l’occasion, leur comportement leur permet juste d’entrer en contact, car ils ne savent pas s’y prendre autrement pour y arriver.

Ainsi, l’attitude de la personne visée peut varier en fonction de la gravité de l’acte perpétré contre elle, de son rapport à la personne méchante (famille, amis, inconnu), de son degré de sang-froid ou de compréhension spirituelle.  Celui qui parvient à comprendre la situation, en la situant dans sa juste perspective et en relativisant  les faits, évitera de retourner le mal pour le mal, bien qu’il puisse prendre les moyens de se protéger, de maintenir son intégrité et sa sérénité.  Mais il s’abstiendra de prendre l’acte méchant comme une volonté d’atteinte personnelle.  Il s’évitera de prendre la méchanceté d’autrui pour lui-même.  Il y trouvera une autre interprétation, à savoir qu’il a affaire à un malheureux qui exprime ainsi sa détresse ou son impuissance.

En psychologie, on identifie la méchanceté comme un comportement normal, bien que socialement indésirable, dans les cas où elle représente une défense active de soi, de son groupe, par exemple, en cas d’attaque physique ou verbale.  Elle peut encore permettre de défendre ses biens ou son territoire, de réaffirmer sa position hiérarchique, de tenir les indésirables à l’écart.  La violence peut se démontrer utile quand tous les autres moyens ont échoué.  Mais il ne faut pas le faire savoir à ceux qui s’adonnent à la méchanceté gratuite, car ils pourraient se servir de ces arguments pour justifier l’injustifiable de leur conduite.

© 2012 Bertrand Duhaime (Douraganandâ)  Note : Autorisation de reproduire ce document uniquement dans son intégralité — donc sans aucune suppression, modification, transformation ou annotation, à part la correction justifiée d’éventuelles fautes d’accord ou d’orthographe et de coquilles — veillant à en donner l’auteur, Bertrand Duhaime (Douraganandâ), la source, www.facebook.com/bertrand.duhaime, ou le site www.larchedegloire.com, et d’y joindre la présente directive, en tête ou en pied de texte.

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