LES REGRETS ET LES REMORDS REPRÉSENTENT SOUVENT DES MOYENS DE SE COMPLIQUER L’EXISTENCE ET DE SE DÉCOURAGER AFIN DE SE JUSTIFIER DE SA VOLONTÉ DE NE PAS CHANGER OU DE SON SENTIMENT D’IMPUISSANCE À LE FAIRE…

Bouddha a enseigné : «Bonne est l’action qui n’amène aucun regret et dont le fruit est accueilli avec joie et sérénité.»

On peut définir le regret comme l’état de conscience douloureux causé par la perte d’un bien, l’éloignement d’un lieu, le chagrin de ne pas avoir fait ou accompli quelque chose dans le passé, le déplaisir d’être responsable d’une situation ou de se retrouver dans une nécessité.  Il s’agit du déplaisir causé par une réalité qui contrarie une attente, un désir ou un souhait.  Au sens spirituel, il prend le sens de contrition ou de résipiscence, et il atteste du fait qu’on réalise qu’on ne s’est pas encore fait la démonstration de l’idée la plus élevée qu’on se fait de qui on est ou du meilleur qu’on puisse accomplir.

Quant au remords, il évoque le sentiment douloureux, ce genre d’angoisse accompagnée de honte, que cause la conscience d’avoir remordsmal agi et de pouvoir s’attirer une sanction.  Dans les deux cas, c’est l’ego qui, dans son perfectionnisme, cri sa douleur de devoir se reconnaître inaccompli.  Lequel vaut mieux, d’avoir des remords ou d’avoir des regrets, si le remords est le regret de ce qui aurait pu être, mais ne s’est pas produit comme on l’entendait?  Ne vaut-il pas mieux réfléchir avant d’agir que de regretter une fois l’acte accompli?

Le fait d’éprouver un regret revient au fait que l’on éprouve une certaine sensation de culpabilité et de torture psychologiques.  Avoir un regret exprime le fait qu’on se sent coupable d’avoir agi d’une façon non désirable après un long débat intérieur.  Il représente une évaluation négative d’une action commise dans le passée qui engendre du mécontentement et du chagrin, l’un pouvant dominer l’autre.  Il trahit une culpabilité secrète qui suit un choix délibéré, motivé soit pas les conséquences de ce choix soit par une évaluation différente de la situation.  C’est avec le recul, alors que les besoins ont changé, qu’un être regrette son choix passé ou c’est en constatant les conséquences de son expression qu’il le déplore.  Il se traduit diversement par la tristesse, la honte, l’embarras, la gêne, la culpabilité et la dépression.

Le regret se distingue du remords en ce que ce dernier prend une portée morale : il concerne une action passée que la société ou la religion réprouvait, la trouvant offensante, honteuse ou violente.  Ce dernier comporte en outre un désir de s’amender auprès de la personne lésée plutôt qu’un simple retour sur ses actes antérieurs.  Notons qu’un être peut déplorer autant ce qu’il a fait que ce qu’il n’a pas fait ou n’est pas parvenu à faire.

Le regret signale qu’un être a changé son évaluation des résultats de ses choix et c’est le degré de ses émotions qui révèle l’importance de son changement de perspective.  Ces informations lui servent à se réajuster par rapport à la réalité passée qui retentit toujours dans son présent.  La nature du regret peut l’amener à s’en servir pour fausser ses rapports avec les autres, car il peut s’en servir dans l’intention de manipuler autrui et d’obtenir des autres la réaction qu’il désire, par exemple l’indulgence ou la compassion.

Pourtant, il faut savoir que tout être grandit plus vite à se donner raison qu’à se donner tort.  À chaque instant, au-delà des apparences, chacun agit toujours au meilleur de sa compréhension et des moyens dont il dispose.  Que le résultat soit bon ou mauvais, c‘est l’apprentissage, la leçon de lumière qu’il comporte qu’il faut retenir, non l’acte lui-même.  Il faut apprendre à voir ce qu’un acte ajoute à la compréhension, non seulement le tort qu’il cause.

Pour tout dire, tout être incarné s’illusionne à se dire qu’il y a un bon et un mauvais chemin pour évoluer.  C’est à lui qu’il appartient de choisir ce qui paraît le mieux pour lui-même, même si cela ne l’est peut-être pas, apparemment, du point de vue ontologique.  Pourtant, il faut comprendre que tout ce qu’il décide de faire, qu’il le comprenne ou non, favorise parfaitement son évolution.  Et nul autre ne peut en juger.  À faire le mal, un être se fait du tort et il finit par se lasser de s’en faire, à moins d’être débile ou masochiste.  À faire le bien, il améliore son destin et il finit par en faire sa préférence.  Dans le présent contexte, il ne faut pas interpréter le mot «bien» dans le sens moralisateur des religions, mais dans le sens spirituel de ce qui sert le mieux son évolution.

Nul ne peut changer le passé, mais tous peuvent apprendre de lui.  Un rétablissement sain amène une charge de regrets à diminuer continuellement.  Préférer rester embourbé dans la culpabilité à propos des actes posés dans le passé amène un être à répéter ses erreurs et l’empêche d’utiliser correctement ce qu’il apprend des leçons de chaque jour.

Des études ont démontré que, en Amérique, les principaux regrets des gens tournent autour d’un amour perdu ou d’une idylle manquée, de conflits familiaux ou du comportement à l’endroit d’un membre de la famille, du degré ou du type d’éducation, du genre de carrière (fait de ne pas avoir suivi sa passion), l’attitude à l’endroit de l’argent et de la santé et les erreurs parentales.  En Australie, chez les personnes âgées, il s’agissait plutôt du manque de courage pour vivre à sa manière, plutôt que de la manière qu’on attendait de soi;  du fait d’avoir travaillé comme une bête de somme;  de l’impossibilité d’exprimer ses sentiments;  d’avoir coupé les liens avec ses amis;  de ne pas s’être autorité plus de bonheur.  Il faut dire que, dans leurs limites et leurs souffrances, les regrets des personnes âgées n’ont pas grand-chose en commun avec ceux des jeunes, qui tournent plutôt autour du genre d’éducation qu’ils ont reçu, de leur choix de carrière et des amours impossibles.

Un jour ou l’autre, tous en viennent à éprouver des regrets : il n’y a probablement que les malades mentaux et les personnes atteintes de désordres de la personnalité antisociale qui ne parviennent pas à en éprouver.  L’important, c’est de ne pas se laisser emporter par eux, d’en tirer une lumière permettant d’ouvrir davantage sa conscience.  En soi, il n’y a jamais rien à regretter, peu importe de quoi il s’agit.  Puis nul n’a de comptes à rendre aux autres par rapport à ses choix personnels et à sa manière de mener sa vie.

En fait, le regret peut avoir cela de bon qu’il donne un signe qu’on s’illusionne sur soi-même, mais qu’on garde l’espoir de s’améliorer.  Pour le reste, il est le meilleur moyen de faire incliner vers la paresse et l’hésitation.  Si on veut bien l’admettre, on remarquera qu’on éprouve plus de remords pour les mauvais actes quo ont mené à l’échec que pour ceux qui ont mené au succès, ce qui laisse entendre que le remords s’endort dans un destin prospère ou dans la répétition d’un acte, mais qu’il augmente dans l’erreur qui mène à l’adversité.

Ce qu’un être regrette le plus, c’est ce qu’il n’a pas fait quand il en avait l’occasion.  N’empêche que, en s’embarrassant de regrets par rapport au passé, on gâche son présent, en plus de troubler son avenir.  Dans tous les cas, on regrette en vain puisqu’on ne regrette jamais qu’après avoir agi.  En boutade, Jean-Marie Poupart a déjà lancé, avec raison :  «On passe tellement de temps à regretter ce qu’on a fait qu’il est bien inutile de se donner la peine de regretter ce que l’on n’a pas fait.»

Un être grandit plus vite à se donner raison que tort.  Comme il n’y a pas de hasard, que de l’ordre, à chaque instant, au-delà des apparences, il agit toujours au mieux de ce qu’il sait et des moyens dont il dispose.  Que le résultat soit bon ou mauvais, c‘est l’apprentissage, la leçon de lumière inhérente à celui-ci qu’il faut retenir, non l’acte lui-même.

En fait, il s’illusionne celui qui se dit qu’il y a un bon et un mauvais chemin pour évoluer.  Il appartient à chacun de choisir ce qui paraît le mieux pour lui-même, qui ne l’est peut-être pas, selon les apparences, du point de vue moral.  Pourtant, il faut comprendre que tout ce qu’il décide de faire, qu’il le comprenne ou non, favorise parfaitement son évolution.  Et nul autre ne peut en juger.  Quant à Dieu, trop plein d’Amour, il ne juge jamais.

Ainsi, à se faire le mal, un être se fait du tort et il finit par se lasser de s’en faire, à moins d’être masochiste.  À faire le bien, il améliore son destin et il finit par en faire sa préférence.  Il a toujours la possibilité de se faire du mal plutôt que du bien, et inversement.  À la longue, tous finiront bien par fixer leur choix à partir de la différence des résultats.

Nul ne gagne à accorder plus de soins aux herbes qu’il ne désire pas voir pousser dans son jardin qu’aux plantes qu’il veut voir prospérer.  Un être parvient à changer de solution en apprenant à se centrer sur ce qu’il veut plutôt que sur ce qu’il ne veut pas.

Boccace a dit avec raison: «Mieux vaut agir quitte à s’en repentir que de se repentir de n’avoir rien fait.»  Notre Maîtres spirituel, Janakanandâ, disait qu’il aimait mieux savoir qu’une personne commettait de quinze à cent péchés par jour que de savoir qu’elle ne faisait rien, sous couvert de vertu, parce qu’elle apprenait au moins quelque chose, ce qui la faisait évoluer, même si ce n’était que ce qu’elle ne gagnait pas à répéter.  Comme quoi, il semble que, du point de vue spirituel, le remords vaille mieux qu’une hésitation qui se prolonge.

Pourquoi tant regretter ses erreurs, ses fautes, ses échecs, quand ils apportent tous, toujours, une plus grande lumière : ils instruisent et confirment la maîtrise.  Si bien que l’erreur, la faute, l’échec, cela n’existe pas.  Il n’y a que des errances dans l’ombre pour mieux apprécier la Lumière.  Pour tout connaître, il faut passer par toute la gamme des expériences.

Qu’on se le dise, il vaut mieux faire quinze erreurs par jour que de ne rien faire, puisqu’on y grandit en sagesse et en prudence.  Et une fois une erreur commise, involontairement bien sûr, pourquoi perdre son temps à se désoler plutôt qu’à en tirer les leçons et à se reprendre?  John Barrymore a déjà écrit, à ce propos : «Un homme n’est vieux que quand les regrets ont pris chez lui la place des rêves.»  Il faut admettre qu’il se trouve des jeunes, remplis d’amour-propre, qui s’exposent à vieillir prématurément, puisqu’ils vivent déjà constamment dans le regret ou le remords.  Même qu’il y en a, dans toutes les générations, pour qui, à la vieillesse, la vie ne devient rien d’autre qu’un long regret.  Ce n’est pas ainsi qu’ils échapperont à la mort.

Pour sa part, tous le savent, le remords désigne ce reproche plus ou moins douloureux causé par la conscience d’avoir mal agi.  Pourtant, il vaut mieux avoirs des remords que des regrets.  En d’autres mots, il vaut mieux regretter quelque chose qu’on a fait que quelque chose qu’on n’a pas fait.  Mais cela n’avère que si on peut encore se regarder dans la glace.

Quelqu’un a dit : «Le remords n’est pas un principe moral, puisqu’il ne nous dit pas ce qu’il faut faire, puisqu’il nous dit trop tard ce qu’il aurait mieux valu ne pas faire ; les leçons de ce démon intérieur sont, en général, des leçons perdues ; il est bien rare que la «voix de la conscience» parle en nous comme un instinct ou pressentiment des tâches à venir, comme une précaution contre ce que nous appelons justement les “cas de conscience” ; elle reste muette au moment où, pour agir, nous attendrions ses oracles ; et elle ne se prononce, reproche dérisoire et posthume, que lorsque l’irréparable est accompli.»

Ainsi, le remords, comme le regret, implique une souffrance inutile.  Dans ce dernier cas, on pense avoir mal agi et, se retournant vers le passé, on souffre de cet acte qu’on voudrait ne pas avoir posé.  Mais n’empêche que, cet acte, il a déjà été commis.  Que peut y changer son remords?  Désirer qu’une faute n’ait pas été n’ajoute rien à sa résolution de ne jamais la reproduire.  En pareil cas, ne conviendrait-il pas mieux d’accepter le passé et d’en assumer les conséquences?

Une fois qu’un mal est fait, ce qui importe désormais, c’est ce que cette expérience peut avoir à enseigner. Car dans le remords, on se parle ainsi : «C’est moi qui ai fait ça?  Non! Moi, je n’ai pas pu faire une chose pareille! Je ne suis pas capable de cela.  Je ne suis pas comme cela!»  Et si on souffre, c’est qu’on sent que cet acte, dont le souvenir hante encore, n’exprime pas sa réalité, n’exprime pas l’être qu’on est.

Voilà ce qui peut amener à dire que le remords, c’est le fait de souffrir d’avoir été ce que l’on n’est pas.  C’est pourquoi on peut ajouter qu’il existe aussi un aspect réjouissant au remords.  Certes, il s’agit d’abord d’une souffrance d’avoir fait ce qu’on n’est pas, mais il s’agit encore, plus profondément, de la joie de n’être pas ce qu’on a fait.  Nul ne peut se réduire à sa faute puisqu’il est un autre que sa faute.  Tel est l’enseignement du remords qui, s’il est bien vécu, devient une expérience de connaissance de soi.  Et il convient de le vivre comme la joie d’une retrouvaille avec soi-même, sans quoi il peut dégénérer en son triste contraire, la culpabilité.

Quand on ressasse trop sa faute, parce qu’on souffre du passé, on peut finir par oublier ce qui est à la fois la cause et le sens du message donné par la souffrance.  Celle-ci n’exprime rien d‘autre que l’écart entre ce qu’on a été, une fois, et qui on est, au plus profond de soi.  Tandis que le remords rappelle qu’on n’est pas ce qu’on a fait, la culpabilité, qui ne sait que dire qu’on est coupable, laisse croire qu’on est la faute qu’on a commise.  Ainsi, le remords bien vécu ramène à soi-même et libère de la faute tandis que la culpabilité attache à la faute tant qu’on ne s’en libère pas.

La souffrance de ce qu’on a été ne mène plus à la joie du on est, qu’elle a pour rôle de signifier, mais finit, au contraire, par la masquer.  Trop regretsidentifié à sa faute, on n’est plus conscient de son être vrai.  Pour cette raison, la seule manière d’échapper à cette sombre réalité consiste dans le fait de développer des stratégies de déni ou de négation qui portent sur l’acte lui-même.  C’est ainsi qu’on est porté à dire : Ce n’est pas de ma faute.  Non seulement une telle volonté de justification personnelle rend-elle impossible l’expérience que le remords serve à quelque chose, encore produit-elle également un sentiment d’impuissance.  Elle amène à dire : «Je n’y suis pour rien, je n’y peux rien.»  Voilà comment, séparé de son être, coupé de sa force, partagé entre la douleur de la culpabilité et les faussetés inventées, on se retrouve complètement aliéné.

Au dire des psychologues, à l’heure où l’on entend chanter les vertus d’un retour de la culpabilité comme remède à la violence et aux désordres sociaux, il convient d’apporter une précision.  Le sentiment de culpabilité reste un déni de soi-même, une violence contre soi et un asservissement à la tyrannie du mental moralisateur.  Il génère cette terrible colère qui devient l’une des principales sources de la violence. Toute voie de libération exige un dépassement de la culpabilité.  Mais toute voie de libération impose aussi un discernement rigoureux qui doit se fonder sur le meilleur questionnement.  Car il est question de savoir si ses actes manifestent sa vérité et si sa manière de vivre exprime véritablement son être.  Toute voie de libération passe forcément par un usage bien compris du remords.

Ainsi, la culpabilité est la première raison qui amène à se torturer constamment en se demandant si on a bien fait ou pas, si on va être apprécié ou pas, si on est à la hauteur ou pas…  Ou on se met constamment de la pression par peur de ne pas en faire assez, s’ajoutant une tension supplémentaire.  Souvent, on agit avec soi-même comme un bourreau qui torture sa victime jusqu’à ce que, paralysée, elle sombre dans le désespoir, rongée par la honte.

Au regret, comme au remords, on peut toujours substituer cette forme de repentance ou de contrition qui amène à réparer convenablement les torts commis et à suivre léger, par la suite, la route de son cœur.  Non de son cœur au sens de siège  des sentiments et des émotions, ce qui est plutôt du ressort du foie et de la rate, mais à titre de siège de l’âme et de royaume de l’Amour pur.  Chacun connaît ses phases de méchanceté ou de problèmes, sauf que ce qui importe, c’est de continuer à avancer.  Le retour sur le passé porte à vivre de regrets et de remords;  la projection dans le futur, à se bercer d’illusions;  la vie dans le présent permet de corriger son parcours s’il ne satisfait pas.

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *