LE TRÈFLE IRLANDAIS OU SHAMROCK

Entre les résidus culturels d’une tradition et la tradition elle-même, il existe souvent un hiatus d’ignorance qui fausse les données originelles.  C’est rigoureusement le cas pour ce qui a trait au trèfle irlandais nommé «shamrock», un mot gaélique qui signifie «jeune plante à trois feuilles», qui est l’un des symboles de ce pays et qui est exalté lors de la Fête de la Saint-Patrick (Pãdraig), le patron du pays, le 17 mars, que tous les Irlandais du monde prennent grand soin de célébrer.  Au  Vᵉ siècle, lorsque cet ardent missionnaire,  reconnu dans ses hautes vertus par les Églises catholique et orthodoxe, entreprit l’évangélisation du pays,  lors d’un sermon célèbre, prononcé au Rock de Cashel, pour  instruire les insulaires du sens de la Trinité chrétienne, il aurait illustrée ce mystère à l’aide d’une feuille de trèfle, pour faire comprendre le lien intangible qu’il existe entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint.  Il parvint si bien à ancrer cette image dans la symbolique ancestrale que les autochtones en ont fait l’emblème de leur pays.

Il faut dire que, bien avant le Christianisme, par sa religion ancestrale, le druidisme, le peuple celte était déjà très familier avec la figure de la triade (triskel), ce qui conféra au trèfle son aspect magique, mystique ou merveilleux. Mais ce que la présente histoire ne dit pas, en raison d’une interruption dans la Tradition spirituelle celtTrefle-irlandais-ou-Shamrockique, c’est qu’avec la montée du Christianisme, le Druidisme fut identifié comme religion païenne, ce qui fit de ses adeptes des hérétiques à convertir ou à exterminer.

C’est ainsi qu’on a obnubilé, dans la mémoire collective, la vérité relative au shamrock, l’une des plantes du répertoire magique des druides.  En effet, dans la tradition antique de l’Éire, cette plante ne désignait pas le «Trifolium repens», comme l’assure la tradition exotérique actuelle, mais l’«Oxalis acetosella», qui se traduit en français par «oxalide».  Il s’agit d’une plante sauvage à tiges basses, couverte de feuilles trilobées, souvent lancéolées, assez ressemblantes à celles du trèfle, qui donne des fleurs blanchâtres ou rosée, supportées par un long pédoncule.  On l’appelle  parfois «petite oseille» parce qu’elle est très recherchée pour la consommation, en raison de son petit goût acidulé qui relève le goût des salades, comme l’oseille.  On l’appelle diversement «alléluia», «herbe-de-bœuf», «oseille à trois feuilles», «oseille de Pâques», «pain de coucou», «petite oseille» et «surette».

D’après une ancienne légende, Ève, la première femme, compagne d’Adam, aurait cueilli et emporté un trèfle à quatre feuilles dans le Jardin d’Éden.  Dans la Tradition celtique ésotérique, en elle-même, l’oxalide symbolise d’abord la simplicité et la domination des instincts.  Fleurissant le printemps, elle annonce un renouveau dans la vie.  Les gens lui prêtent des vertus réconfortantes en amitié.  Dans son sens inversé, elle exprime les serrements qui émanent du regret.  L’«oxalide de montagne» exprime la joie du renouveau.  En thérapie, on utilise la tisane des feuilles de l’oxalide pour leurs propriétés diurétique et rafraîchissante.  On en tire le sel d’oseille.

Dans sa version de présumé trèfle à quatre feuilles (ou à quatre folioles), l’oxalide symbolise le monde du merveilleux et de l’enthousiasme de l’enfance bien plus que la chance, qui n’existe pas.   En effet, chacun doit se la faire, sa chance, par le recours à sa créativité, puisqu’elle n’existe pas.  Les druides considéraient le trèfle à quatre feuilles comme un charme qui chassait les mauvais esprits.  En effet, ils croyaient que le détenteur de ce trèfle possédait le don de percevoir la présence des démons.  En fait, cette plante rend plus intuitif et plus apte à répondre à ses intuitions.  Elle améliore les réflexes.  Elle attire les occasions favorables.  Elle accorde les corps subtils, procurant plus de clarté, un meilleur sens de son identité et de sa mission.  Elle donne accès aux connaissances émanant des vies antérieures, en plus d’équilibrer les polarités.  Elle permet de voir l’amour en tout.  Elle amène le sens caché des choses à se révéler.  Elle remplit d’espoir permettant d’exprimer son plein potentiel.  Elle instille dans l’être la persévérance et la détermination.

Mais les Celtes n’ont pas été les seuls à se laisser inspirer par cette plante à feuille spéciale puisque Sophocle, le philosophe grec, présumait qu’il contenait un venin terrible alors que, pour Pline, le naturaliste et écrivain latin, le considérait comme un antidote à la morsure de serpent (théorie des signatures)  Chez certains peuples, le trèfle à quatre feuilles est lié au pouvoir. Ainsi, dans la tribu des Abourés, un groupe ethnique du sud-est de la Côte d’Ivoire, membre des Akans lagunaires, celui qui trouvait un trèfle à quatre feuilles prenait le pouvoir de la tribu, jusqu’à ce qu’une nouvelle personne en trouve un à son tour.

Dans l’Antiquité, on s’en servait pour créer des philtres d’amour. Selon une tradition chrétienne chaque feuille du trèfle représente une des vertus théologales : l’espérance, la foi et la charité, ce qui amène la quatrième à exprimer la chance.  Selon une autre légende, la première apporterait plutôt la renommée;  la deuxième, la richesse;  la troisième, l’amour;  et la quatrième, la santé.

Dans la culture populaire, le trèfle à quatre feuille évoque la foi, l’espoir, l’amour et les bonnes occasions (que les ignares appellent la chance).  L’idée que ce trèfle anormal, par une anomalie de son ADN, portait chance se perpétua dans le temps de sorte que, en 1620, Sir John Melton (†1640), un marchand, écrivain et homme politique anglais, écrivit «Si un homme qui marche dans les prés trouve, par le plus grand des hasards, un trèfle à quatre feuilles, il recevra, quelque temps plus tard, de bonnes choses.»  Encore aujourd’hui le trèfle à quatre feuilles nourrit les superstitions.  Ainsi, le constructeur automobile «Alfa Romeo» faisait figurer le trèfle à quatre feuilles (depuis 1923) sur ses voitures, comme signe distinctif d’un véhicule haut de gamme et, avant la Deuxième Guerre mondiale, il apparaissait sur les voitures de course dans l’espoir qu’il porte chance au conducteur au moment des courses de compétition.

De nos jours, on aime toujours croire que si on trouve un tel trèfle, on gagne à le glisser dans la poche de l’être aimé qui ne pourra plus résister à ses charmes.  Autrement, si glisse un trèfle à quatre feuilles sous son lit ou son oreiller, aucun fantôme ne pourra venir troubler le sommeil et les rêves d’amour.  En outre, lié à la chance de sa vie, il mettrait un terme à l’influence des mauvais esprits et des  mauvaises vibrations des amoureux éconduits.  La superstition veut que, dès qu’on le trouve, on doive le placer à sécher dans un livre, à la page qui correspond à l’année (page 13 pour 2013), sauf que ceux qui n’ont jamais lu le moindre livre dans leur existence devraient s’en garder puisque l’énergie du livre se retournerait contre eux pour leur porter malheur.  En pareil cas, on gagnerai à procéder au séchage en le plaçant dans un livre qui ne porte pas la désinence numérique de l’année.   Quoi qu’il en soit, cet emblème, gage de chance et d’amour, passionne tellement certains humains qu’il en existe des clubs de collectionneurs qu’on peut identifier sur la Toile mondiale.

Le célèbre chanteur Charles Aznavour a rendu hommage à cet objet dans sa chanson «Le Trèfle à quatre feuilles», qu’on peut entendre en suivant le lien http://www.youtube.com/watch?v=hw_IG3m7l0o, dont voici les paroles :

«Le Petit Poucet me cherche peut-être
Au long des sentiers semés de cailloux
Le bois de sapins et le bois de hêtres
L´ont vu ce matin repasser partout

Trèfle à quatre feuilles
Et bête à bon Dieu
Fraises que je cueille
Au bois gracieux

Pas plus que Poucet, le Chaperon Rouge
Ne pourra jamais plus me retrouver
Au bord de l´étang, si la feuille bouge
Un saut de grenouille va l´effaroucher

Trèfle à quatre feuilles
Et millepertuis
Fleurs que je recueille
Pour tromper l´ennui

Au fond du château, la belle sommeille
Parmi ses laquais, ses dames d´atour
Elle attend, je crois, que je la réveille
Mais il est trop tard, j´ai perdu mon tour

Trèfle à quatre feuilles
Rose de Provins
Celle que je cueille
Fanera demain

J´ai perdu la source et la feuille verte
Et je ne sais plus le nom des oiseaux
J´ai dû tout passer par profits et pertes
Je n´ai plus le droit d´aller au château

Trèfles à quatre feuilles
Où fleurissez-vous?
Trèfles à quatre feuilles
Vous souvenez-vous?»

© 2013-15 Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *