LE SÉRIEUX INCLINE VERS LA GRAVITÉ ET IL RALENTIT LE FLOT VITAL

Pierre-Henri Cami, un humoriste et dessinateur français du début du dernier siècle, a lancé : «Les têtes de mort ont toujours l’air de rigoler parce que les morts rient de s’être pris au sérieux de leur vivant.» Comme on le sait, le mot «sérieux» évoque ce qui mérite considération, ne peut être traité à la légère, ne peut être estimé sans conséquence, appelle un comportement responsable adapté à la circonstance.  Par extension, il désigne celui qui ne rit pas ou ne sait pas manifester de gaieté, impliquant un air ou une expression grave, un caractère posé ou réfléchi.

 gars-serieuxLe sérieux s’exprime notamment dans l’attention empreinte de gravité, dans le besoin de performer, dans la diligence accordée à ce qu’on croit urgent, dans un grand soin de se montrer digne de confiance et responsable, dans l’urgence d’opérer son salut éternel.  Il amène à se sentir totalement impliqué dans tout ce qu’on pense important ou de valeur, faisant de l’existence un véritable fardeau.  En plus de priver de la joie dans le quotidien, le fait de se prendre au sérieux revient à attacher à sa personne ou à ses actes une considération excessive.

En somme, on peut dire que la volonté de faire sérieux mène à la gravité qui maintient dans la dualité.  Car, l’être sérieux cherche en tout temps à se comporter correctement, à répondre aux normes et à témoigner de maturité, d’où il entend éviter d’être ridicule et de porter à rire.

Le sérieux, c’est une affaire d’adulte perfectionniste trop impliqué dans ses présumées responsabilités, c’est le jeu de l’être compassé qui empêche l’esprit d’enfance de renaître.  Il se traduit par un air rigide, solennel, pesant, soit, pour tout dire, ennuyant, même assommant pour ceux qui l’entourent.  Il se contraint constamment, il ne cesse de s’interroger et de se remettre en question, de reprendre ou de critiquer les autres, de leur donner des avis ou des conseils, devenant rapidement impérieux pour ses proches.  Du matin au soir, il se tient sur le pied de guerre, vivant dans une indignation permanente, n’en retenant pas moins ce qui le concerne en lui, cachant ses émotions, incapable d’accepter sa vulnérabilité.  Alors, ses traits se durcissent, son visage se creuse de rides, son corps se tend, son regard se fige et se ternit, sa bouche prend la forme d’un arc.

L’être grave et sérieux est un être complexé qui manque forcément de maîtrise et qui veut éviter que les autres s’en rendent compte.  Il peut faire croire à la compétence, cacher les défauts personnels, aider à échapper au ridicule, se vouloir respectable, il n’en rend pas moins la vie triste et ennuyeuse.  L’humour, qui aide à ramener les choses dans leur juste perspective, est l’une des plus grandes forces de l’amour de soi.  Fermé, il respecte les règles et il évite de se remettre en cause.  Plutôt, il tend à maintenir les idées reçues, à conserver ses convictions, à agir selon les principes, à garder toutes choses en ordre.

C’est un art raffiné que de savoir ramener les problèmes à leur juste proportion puisqu’on exagère toujours ce qu’on redoute.  Il faut se ramener à l’esprit de jeu pour retrouver sa confiance, sa candeur, sa naïveté, sa spontanéité.  Dans une belle simplicité, la joie sereine, il faut savoir garder le monde à l’aise et en harmonie.  Dans la vie, il faut agir dans la légèreté, faire ce que l’on aime, rire, jouer, s’amuser, se divertir, se délasser, se détendre, se reposer, tout prendre avec un grain de sel.  Le monde ne va pas s’écrouler du fait que, momentanément, quelque chose ne tourne pas rond et qu’on essaie de lui faire diversion.

En fait, l’être qui fait preuve d’un trop grand sérieux déteste certains aspects de lui-même.  Il se voit des obligations partout.  Il se sent irresponsablfille sérieusee de se concentrer ailleurs que sur ses responsabilité ou sur ses problèmes, même lorsqu’il ne peut rien y changer.  Dans ses croyances figées, il ne parvient pas à ajouter à ce qu’il voit, il ne réalise que ce qui est acceptable aux yeux des autres. L’être trop sérieux devient tendu, rigide, hostile, improductif.

En fait, c’est la vision trop terre-à-terre du monde qui rend sérieux, crispant l’être, le rendant craintif, méfiant, grave et compassé.  Sri Aurobindo Ghose parlait ainsi : «Si les hommes prenaient la vie moins au sérieux, ils pourraient bien vite la rendre plus parfaite. Dieu ne prend jamais son travail au sérieux; c’est pourquoi nous avons le spectacle de cet univers prodigieux.»  Pour sa part, Henri de Montherlant, un écrivain français, un auteur profane, a assuré : «La vie est une chose délicieuse dès que l’on décide de ne plus la prendre au sérieux.» Quant à Platon, ce philosophe grec de l’Antiquité, il avait commenté, bien avant eux : «Nul homme sérieux ne parle sérieusement des choses sérieuses.»

Bien que tout soit important, il n’y a rien à prendre au sérieux.  Un être peut travailler avec conscience sans prendre sa tâche ou sans se prendre lui-même au sérieux.  Il suffit de garder le sens de la proportion, de cultiver le sens de l’humour, évitant de s’analyser continuellement ou de tenter de réussir à tout coup.  Après tout, la Vie n’est-elle pas un Grand Jeu amoureux de la Source divine?  Cela prend la même énergie pour faire de chaque situation un bonheur plutôt qu’un drame.  Ne prend la vie au sérieux que celui qui a perdu sa spontanéité, l’esprit d’enfance, le sens du jeu.  Il ne comprend rien à la vie, serveuse de leçons de discernement et de sagesse.

Entre le délire de l’inconséquent ou de l’idiot et le sérieux de l’être grave, il existe la joie sereine, inébranlable, l’idéal à atteindre.

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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