Je suis né nu et je le reste.  J’ai été réchauffé, allaité, éduqué, aimé, mais je demeure un pur éclat de vie.  Maintenant, si je réchauffe, éduque et aime, ce n’est qu’un hommage à la vie que je suis, à son mouvement.  Je suis seul : on ne m’a pas montré comment respirer, grandir, rêver, vivre et être.  JE SUIS de toute éternité.  Si des parents, des amis, des maîtres, des frères m’ont inspiré, édifié par l’exemple, me je dois d’être ainsi non pas en leur mémoire, non pas par gratitude, mais par simple obéissance à la Loi de cause à effet, la Loi de la Vie.  Au-delà du détail, je perçois des circonstances, des individus, du conditionnement, le Souffle divin qui anime, parfait et adorable en lui-même. 

            Que ce soit par ignorance ou par mauvaise volonté, l’esprit de possession est, à sa source, une méprise.  Alors, je prends ce qui passe pour ce qui est, le moyen pour le but, la jouissance pour la joie, l’émotion pour l’amour, le luxe pour l’abondance, la pensée pour la conscience, l’aura pour la lumière, le hasard pour l’intuition, la création pour son auteur : Dieu.  Je confonds le reflet, la manifestation et la Réalité, la Source.  La nuance entre l’illusion et la réalité est infime.  Mon œil n’est pas malade parce que je regarde sans voir.  Mon cerveau n’est pas défectueux du fait que je perçois sans comprendre.  Ma méprise ne découle pas de la nature de l’Univers;  elle surgit de la méconnaissance, du reniement de ma propre nature.

            Dans chaque être humain réside un grain de désir divin.  Chacun désire.  La graine est parfaite. Elle contient déjà en elle le germe, la plante et sa moisson.  Je suis libre par rapport à l’objet de mon désir, méprise ou pas.  Mais, ultimement, la graine meurt pour assurer une autre moisson.  «Désirer jusqu’à ne plus désirer.»  Et cela, pour la joie du semeur.  N’est-ce là l’objet réel du désir, son comble?  Parce que je crains le semeur, le moissonneur, je m’attache au désir, soucieux qu’il ne soit jamais comblé tout à fait de crainte qu’il ne meure et ne porte fruit.  Quand vais-je réaliser que la joie du semeur correspond à celle de la graine, représente sa raison d’Être, que le Divin Dessein du semeur sous-tend la joie de la graine, sa floraison?   Qu’ils sont UN?

            Nul ne poserait le problème du détachement s’il n’y avait pas d’attachement.  L’attachement sert d’excuse, de justification pour mon existence et sa limitation du même coup.  La Vie, JE, la Graine, la Conscience, ce sont des notions tellement simples que, au fond, elles désarment tous les êtres.  En elle-même, la vie me semble insignifiante.  C’est bien parce que je mets nombre d’obstacles à la détente, à l’amour, à la méditation et à la vie que la vie me semble fade et que je me sens obligé de lui imposer un sens, une raison d’être.  Pourtant, elle est pur mouvement, explosion merveilleuse.  À mésestimer ainsi la vie, je paralyse son mouvement, je m’étouffe.  Il me faut toutes les ressources de l’intellect et des émotions pour limiter la vie et pour justifier que j’en suis réduit à un filet de vie.

            Se détacher, ce n’est pas une invitation à renier l’abondance que la vie offre, mais à s’en servir, à la partager, à la glorifier.  Se détacher, ce n’est pas s’attacher à la vie, à Dieu, mais s’abandonner à eux, devenir Dieu.  

 

Janaka-anandâ © 1980-2014 Yogi Inn, Vermont, USA.

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