LE SYMBOLISME DU CHEVALIER, L’HOMME DE CŒUR AUX GRANDES ASPIRATIONS…

   Comme notion historique, le chevalier est le premier degré de la noblesse de cour.  Il s’agit soit d’un seigneur féodal soit d’un membre de la chevalerie, une institution de la condition militaire dans une forme chrétienne pour donner aux rudes guerriers du Moyen Âge, souvent emportés par une force brutale et sanguinaire un idéal plus élevé.  Ainsi, regroupés par un accord de loyauté absolue envers des croyances et des engagements auxquels toute leur vie était soumise, ils devenaient les défenseurs de la justice et du droit.

   En fait, cette organisation résulte d’une lente évolution de la mentalité virile dans lequel l’élément chrétien était étranger, mais finit par devenir prépondérant, amenant une partie de la noblesse féodale à la défense de l’Église et des opprimés.  Même qu’au début, elle se structura plutôt à la faveur des circonstances, mais sans dessein d’ensemble.  En effet, au commencement, surtout chez les Germains, elle marquait simplement le passage imposé de l’enfance à l’âge viril ou de la vie de famille à la vie publique, entre les âges de 15 et 21 ans, après plusieurs années de formation au château de son suzerain.  Alors, on remettait au jeune homme la framée et le bouclier.  Les Francs conservèrent cette coutume sauf que, sous les Carolingiens, l’épée remplaça la framée.

   À l’origine, dans la Tradition catholique, le candidat à la chevalerie se contentait de faire bénir son épée par un prêtre, afin de lui donner, avec un caractère sacré, la présomption d’une chevalierefficacité accrue.  Entre la fin du X siècle et le tout début du XIe siècle, tout un cérémonial religieux accompagna l’entrée dans la Chevalerie.  De France, elle se répandit en Espagne, en Angleterre et, finalement, dans toute l’Europe, bien que le chevalier français soit resté le modèle typique.

   D’abord,  le candidat, un fervent chrétien, devait se préparer à la cérémonie par un bain, alors qu’il était dépouillé de tous ses vêtements, symbolisant la purification de toutes les souillures du passé.  Au sortir de ce rite lustral, il était revêtu d’une tunique blanche, en signe de pureté, d’une robe rouge, la couleur du sang à verser en cas de nécessité, puis d’un manteau noir, la volonté de lui inspirer des sentiments d’humilité et de lui rappeler la pensée de la mort possible.

   Ainsi purifié et vêtu, il observait une vigile de prières de vingt-quatre heures, dans une église ou une chapelle, veillée accompagnée d’un jeûne rigoureux.  De ce fait, il pouvait méditer à l’aise sur les obligations qu’il allait prendre devant Dieu et les hommes : professer et défendre la foi chrétienne, accorder la protection à l’Église catholique et à tous les faibles, vivre dans la loyauté et la fidélité à la parole donnée, entreprendre la lutte contre tout infidèle et témoigner de bravoure devant l’ennemi.

   Au matin, arrivait la prise d’armes.  Après s’être confessé, le candidat assistait à la messe du Saint-Esprit, communiait, entendait un sermon sur les devoirs de la chevalerie et il recevait, à l’autel même, des mains de l’ecclésiastique officiant, une épée bénite par des formules pleines d’un sens spirituel très élevé, comme : «Seigneur, exaucez nos prières et que la main de Votre Majesté daigne bénir cette épée dont votre serviteur (N…) désire être ceint, afin de pouvoir défendre et protéger les églises, les veuves, les orphelins et tous les serviteurs de Dieu contre la cruauté des païens et afin d’être la terreur et l’effroi de tous les autres qui lui tendront des embûches.» Ceci fait, le candidat se tournait vers le Seigneur qui devait l’armer chevalier, qui lui demandait : «À quel dessein désirez-vous enter dans l’Ordre de la Chevalerie?  Si c’est pour devenir riche, pour vous reposer et vous faire honorer sans faire honneur à notre institution, vous en êtes indigne et vous seriez à l’Ordre des Chevaliers que vous recevriez ce que le clerc simoniaque est à la prélature.» 

   Évidemment, le postulant devait donner à cette question une réponse convenable.  Ensuite, il recevait les éperons, le haubert ou la cotte de mailles, la cuirasse, les brassards et les gantelets, puis l’épée.  Après cela, venait la colée qui consistait, primitivement, en un violent coup de la paume sur la nuque, mais qui fut remplacé plus tard par un coup du plat de l’épée.  Alors, le Seigneur se levait et lui donnait, avec l’accolade, trois coups du plat de son épée sur l’épaule en prononçant les paroles quasi sacramentelles : «Au nom de Dieu, de saint Michel et de saint Georges, je te fais chevalier.  Sois preux, hardi et loyal.»  

   Par cet acte, il assumait des devoirs dont l’Église et la société tout entière réclamaient l’accomplissement.  Après lui avoir fait honneur, il devenait membre de la fratrie dont la devise est : «Fais ce que dois, advienne que pourra.»  Des peines variées frappaient le chevalier traître à son devoir, la plus grave consistant dans la dégradation publique.  En pareil cas, on plaçait le prévenu sur un char ou sur un échafaud, on brisait son armure, on lui détachait son éperon, on effaçait son blason et on faisait traîner son écu à la queue d’un cheval.  Ensuite, les hérauts le proclamaient vilain, traître, mécréant, suivis des prêtres qui récitaient sur lui les malédictions du psaume CVIII.  Puis un héraut demandait qui était cet homme.  Trois fois, on lui répondait en le nommant.  Il reprenait en répondant qu’il ne connaissait pas de chevalier de ce nom, mais un lâche et déloyal individu.  Puis on lui versait de l’eau chaude sur la tête, on le tirait en bas avec une corde, on le plaçait sur une civière et on le portait à l’église, couvert d’un drap mortuaire, où l’on officiait à ses obsèques symboliques.

  À une époque de rudesse, de corruption et de dépravation des mœurs, la chevalerie exprimait un refus de la corruption ambiante lui opposant un grand raffinement et une grande douceur par rapport aux mœurs de l’époque.  Elle visait avant tout la structuration d’une quête spirituelle dans l’identification au roi régnant.  Elle visait à développer une maîtrise qui consistait en une exacte possession de ses moyens, forcément nécessaire par rapport aux buts poursuivis, s’accompagnant d’une sorte de don mystique à un être supérieur, qui pouvait être Dieu, le souverain, la patrie ou une dame.  Bien sûr, cela impliquait le service dans la conduite de la guerre ou l’exercice d’une fonction déterminée par le roi.  Avec le XIVe siècle, la chevalerie connut sa décadence, laissant une empreinte, à faire rêver, de courage, de dévouement, d’honneur, de loyauté, de manières élégantes et de courtoisie, de respect des femmes et des démunis.  Cette vieille institution n’a laissé qu’une ombre méconnaissable dans les chevaliers de la Légion d’honneur.

   En spiritualité, le chevalier désigne le Fils de Dieu qui a repris conscience de sa dignité originelle, ce qui l’a amené à revendiquer ses droits originels, entre autre celui d’hériter de toutes les qualités, biens et bienfaits de son Créateur.  Il se sait noble, c’est-à-dire illustre, par droit de naissance, ce qui l’amène à récupérer les privilèges qu’on lui a spoliés.  Souvent lancé dans l’amour courtois, il révère la femme, c’est-à-dire qu’il respecte l’aspect polaire magnétique qui l’habite et qu’il doit développer en équilibre de son aspect électrique, pour estomper les effets négatifs d’une tradition patriarcale guerrière et dominatrice.  Car lui, son combat, il le mène contre l’anti-Dieu, qui sévit en lui, jusqu’à terrasser le mal en ses profondeurs par l’amplification de sa Lumière spirituelle.

   En fait, le chevalier renvoie à tout être incarné qui est en éternel combat contre ses propres ennemis intérieurs conservant toujours au premier plan son idéal : la quête de la Vérité.  Il affiche sur son cœur le fruit de l’amour inconditionnel, s’exprimant par la noblesse des sentiments, la pureté du cœur, afin de devenir le partenaire idéal.  Il détient le sens de l’honneur, le courage, la dignité et le sens de la subversion pacifique.  Il porte le Savoir dans le monde des ténèbres avec un cœur pur, un esprit libre et une foi ardente, appliquant une méthodologie rigoureuse, une science habile des multiples états d’être, un sévère assemblage de techniques réalistes, à partir d’une philosophie idéaliste.  Il cherche à comprendre que Dieu n’existe qu’à travers lui et qu’il n’existe qu’à travers Dieu.

   Celui qui cherche à devenir le maître de sa monture (son cheval ou lui-même) par le service du roi et le dévouement à la dame élue.  Cela implique la conduite de la guerre ou l’exercice d’une fonction.  Il se réalise par le service, dans l’action, pour une grande cause.  C’est le héros qui s’inscrit dans un combat complexe pour le spiritualiser par le choix d’une cause supérieure, de moyens nobles, par l’admission dans une société d’élite.  Il recherche un chef extraordinaire à qui il souhaite faire acte d’allégeance.  Son rêve révèle le désir de participer à une grande entreprise, qui se distingue par un caractère moralement très élevé, en quelque sorte sacré, l’appelant à se sacrifier jusqu’à la mort, s’il le faut.  Il lutte contre toutes les forces du mal, y compris les institutions sociales, si elles violent ses exigences intérieures.  Il choisit saint Michel comme patron.  C’est un cerveau exalté, pondéré  par un cœur généreux, avide de se dépasser pour améliorer le monde.  Il cherche à imiter le chœur des anges autour du Trône de Dieu.  Il a pour idéal Perceval, vierge et pur, qui part à la conquête du Graal, dans la Jérusalem céleste, pour en ramener sur la Terre la céleste nourriture, l’Amour.  A travers les aventures de sa vie, il veut s’introduire au cœur du Palais spirituel, se nourrissant de l’hostie, pour devenir lui-même sacré.

   Celui qui combat de façon noble et courtoise, décidé à œuvrer dans la seule intention de faire rayonner la Lumière, comprenant l’effort qu’il devra fournir dans la discipline pour y arriver.  C’est le Chercheur, être solaire, capable de s’élever très haut dans la spiritualité en illustrant la perfection de la courtoisie et de la noblesse.  Ce héros mâle est en quête de la coupe féminine, à laquelle il veut se guérir, se compléter, s’illuminer.  Mais il n’y parviendra pas au contact de la femme humaine, mais de sa femme intérieure, en remontant aux sources de lui-même et de la vie, en suivant la voie de son cœur.  Il doit d’abord explorer son passé, étudier les mythes, retrouver la tradition initiatique, s’il veut se découvrir plus riche qu’il ne le prétend lui-même.  Il découvrira son héritage en retrouvant ses racines dans la sagesse ancestrale qui survit dans son psychisme et sa culture.  Il doit s’éveiller dans une aube nouvelle, s’ouvrir à la fraîcheur d’un nouveau jour, puiser dans ses souvenirs, pour être en mesure de voyager à rebours sur le sentier du temps pour découvrir son héritage grandiose au lieu de son origine, dans la Mère divine.  C’est cela la quête du Vase sacré.

   Le noble chevalier se signale par sa politesse et sa distinction;  sa courtoisie et sa bienséance;  son respect des règles du savoir-vivre;  son maintien noble et digne;  son langage châtié;  la correction dans ses manières et son habillement.  Mais plus encore par la pureté de son cœur et l’élévation de sa quête.

© 2012-16, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.  

 

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *