LE 11 NOVEMBRE, CHAQUE ANNÉE, COMMÉMORATIONS IMPORTANTES, CELLES DE L’ARMISTICE, AU «JOUR DU SOUVENIR»…

Le Jour du Souvenir est une réalité bien nord-américaine, sauf qu’il ne signifie pas la même chose au Canada et aux États-Unis.  Au Canada, elle évoque le jour de l’Armistice et la commémoration des gens morts à la guerre.  Mais, pour beaucoup d’Étasuniens, le «Memorial Day», souvent traduit par «Fête du souvenir», célébré le dernier lundi de mai, renvoie aux souvenirs de la Guerre darmisticee sécession et il  marque le début officieux de l’été.  Historiquement, on le nommait «Decoration Day» et ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la nouvelle dénomination devint courante.  On estime à 37,5 millions le nombre d’Étasuniens qui font 80 kilomètres ou plus au cours de cette longue fin de semaine pour se rendre chez des amis ou des membres de la famille, à la plage ou dans des parcs d’attractions.  D’autres ne feront que profiter de leur temps libre et de la clémence de la température pour se détendre.  Il n’en demeure pas moins qu’à un moment ou à un autre du week-end, la plupart des Américains s’imposent de penser au sens véritable de ce jour, qui est de rendre hommage à ceux qui sont morts pour la défense de leur pays.

Les activités organisées pour la Fête du souvenir varient, allant de vastes manifestations sportives aux célébrations évocatrices de vie dans une petite ville. La course de voitures, qui a lieu traditionnellement à Indianapolis, le rallye «Indy 500», l’une des manifestations sportives d’un jour les plus suivies du globe, attire environ 320 millions de spectateurs de par le monde.

C’est à Waterloo, un petit village de l’État de New York de quelque 5 100 âmes, situé à 450 kilomètres de la métropole du même nom, que la Fête du souvenir est née.  Les festivités annuelles y comprennent une foire d’objets artistiques et artisanaux, un festival de la fraise, des balades en charrettes.  Elle inclut surtout des services religieux au cours desquels on fait la lecture des noms des soldats morts au service durant l’année précédente.  Un personnage représentant Abraham Lincoln raconte la vie du seizième président des États-Unis, un homme qui préserva l’Union, tandis que ceux qui ne se sont pas trop gavés de pizza, durant le concours du plus gros mangeur de ce mets, peuvent participer à une course de 5 kilomètres.

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C’est dans la guerre de Sécession de 1861-1865 que la Fête du souvenir tire ses origines.  Au cours de ce conflit fratricide, qui fit plus de 550 000 victimes, nombre de citoyens commencèrent à fleurir la tombe des soldats morts au combat.  Plusieurs municipalités du nord des États-Unis continuèrent à marquer ce «Jour de décoration» une fois la guerre terminée.  Car certains États du Sud, défaits lors de la Guerre de Sécession, s’opposèrent longtemps à la commémoration de cette journée.  Mais l’événement décisif qui confirma cette coutume se produisit en 1866 à Waterloo.

En effet, l’un des résidents du village, Henry Welles, le pharmacien local, eut l’idée de consacrer une journée à l’hommage des soldats morts pendant la guerre de Sécession.  John Murray, qui avait été promu général de brigade dans l’armée de l’Union et qui était employé du Comté de Seneca, était l’un de ses clients.  Il s’appropria l’idée et fit tout ce qu’il put pour qu’elle se traduise dans la réalité.  C’est ainsi que, le 5 mai 1866, Waterloo célébrait son premier «Jour de décoration».

John Murray comptait parmi ses amis le général John Logan, un commandant des forces de l’Union lors de la bataille d’Atlanta, en 1864, un militaire qui était également responsable d’une importante organisation fraternelle influente d’anciens combattants de l’Union.  Convaincu par John Murray de la nécessité de célébrer une telle fête, John Logan déclara, en 1968, le 30 mai «jour réservé à la couverture de fleurs ou à la décoration appropriée des tombes des camarades morts en défendant leur pays durant les derniers moments de la rébellion et dont le corps repose maintenant dans les cimetières de pratiquement toutes les églises de toutes les villes, de tous les villages et de tous les hameaux de la nation».

Ce jour-là, de nombreuses cérémonies se tinrent, dont une au Cimetière national d’Arlington, en Virginie, de l’autre côté du fleuve Potomac qui borde Washington, la capitale.  C’est le président Ulysses Grant qui présida à la cérémonie.  Après les discours et les hommages de circonstance, des milliers de personnes — des orphelins de guerre, d’anciens combattants et autres personnes – décorèrent les quelques 20 000 tombes des morts de la guerre du cimetière d’Arlington.

Une trentaine d’années plus tard, pratiquement tous les États du pays avaient officiellement institué le 30 mai comme «Jour de décoration».  Après la Première Guerre mondiale, on profita de ce jour pour rendre hommage à tous ceux qui étaient morts pour la patrie.  Mais ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que ce jour prit le nom de «Jour du souvenir».  En 1971, le Congrès en fit un jour férié officiel et il fixa sa commémoration au dernier lundi de mai.  Pour compléter le tableau, en 1966, le président Lyndon Johnson proclama Waterloo (État de New York) lieu officiel de naissance du «Jour du souvenir», ce qui rehaussa son prestige, surtout au niveau touristique.

Toujours aux États-Unis, le 11 novembre, on célèbre le «Veteran’s Day», soit le «Jour des anciens combattants», en honneur de tous ceux, hommes et femmes, qui ont servi dans les forces armées, autant en période de guerre qu’en période de paix.  Pour sa part, le «Memorial Day», le Jour du souvenir, rend un hommage spécifique à ceux qui ont vraiment offert leur vie pour la patrie, à savoir qu’ils sont morts au champ d’honneur durant l’un ou l’autre conflit dans lequel les États-Unis étaient impliqués.

La première commémoration de cette journée, menée à Waterloo, impliquait spécifiquement la décoration des tombes des soldats, la mise en berne des drapeaux et l’organisation de défilés d’anciens combattants.  Aux quatre coins des États-Unis, dans les villes et les municipalités, de telles cérémonies se poursuivent toujours aujourd’hui.  En général, le président ou le vice-président assiste aux cérémonies organisées au Cimetière d’Arlington, tandis que des cérémonies solennelles se tiennent sur les sites des champs de bataille de la Guerre de Sécession, notamment à Gettysburg (en Pennsylvanie), et, en rappel de la Bataille d’Antietam, à Sharpsburg (dans le Maryland).

C’est ainsi que, à 15 heures, un «moment national du souvenir» unit les Étasuniens dans la prière et dans les pensées alors qu’ils réfléchissent aux sacrifices faits pour eux.  C’est la raison pour laquelle la tristesse peut envahir les Étasuniens au moment où ils entreprennent le long week-end férié du Jour du Souvenir au moment même où s’annonce l’été.  Ils ne manquent jamais de déposer des gerbes et des couronnes de fleurs aux endroits appropriés, d’offrir les remerciements qui s’imposent et d’incliner la tête en hommage à ceux qui ont fait le sacrifice suprême de leur vie pour la patrie.

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Le Canada célèbre également, d’un océan à l’autre, soit de l’Atlantique au Pacifique, le Jour du Souvenir, diversement appelé «Veteran’s Day»,  «Remembrance Day» ou «Poppy Day».  Au jour précis du 11 novembre de chaque année, les Canadiens se recueillent en silence pendant quelques instants en souvenir des hommes et des femmes qui ont servi leur pays en temps de guerre à un endroit ou l’autre du monde, ce qui se répercute jusqu’à Manille, aux Philippines.  Il s’agit d’honorer comme il se doit ceux et celles qui ont combattu au nom du Canada pour assurer sa liberté et l’affirmation de son autonomie.  En effet, plus de 1 500 000 citoyens de notre pays ont servi outre-mer et plus de 116 000 d’entre eux y sont morts.  Ils ont donné leur vie, sacrifiant leur avenir, pour que leurs concitoyens puissent vivre en paix, croître et prospérer.  Curieusement, sur le territoire de Terre-Neuve et Labrador, le «Memorial Day» se célèbre le premier juillet, conjointement à la Fête nationale du Canada.

Le jour du Souvenir renvoie à un congé férié, célébré le 11 novembre dans tout le Canada à la mémoire des Canadiens qui ont servi le pays en temps de guerre et qui sont morts au combat.  Originellement, il commémorait l’armistice qui mit fin à la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 1918, à 11 heures précises.  D’abord appelé «Jour de l’Armistice», nom qu’coquelicoton lui donne toujours à Terre-Neuve, ce rappel fut célébré de 1923 à 1931, le même jour que l’Action de grâces, mais il ne tarda pas à revenir au 11 novembre et à prendre sa désignation actuelle.  Ce jour donne habituellement lieu, au Canada et dans les autres pays du Commonwealth, à des cérémonies patriotiques et commémoratives officielles près des cénotaphes et des monuments aux morts.

En ce jour, la Légion Royale canadienne distribue des répliques du symbole de cette journée, le coquelicot des Flandres, que les militaires et les dignitaires aiment porter à la boutonnière.  Ce symbole, universellement adopté, provient d’un poème destiné à sa famille qu’un militaire canadien écrivit sur le sol européen.  Il s’agit du lieutenant-colonel John McCrae, un médecin militaire qui avait été témoin de la terrible seconde bataille d’Ypres et qui, dans son texte, avait repris une allusion d’un auteur français qui avait établi un lien entre cette fleur et les champs de bataille durant les guerres napoléoniennes du début du XIXe siècle.  Cet auteur européen avait constaté que les champs nus avant le combat se couvraient rapidement de coquelicots, par la suite.  L’auteur canadien en avait tiré l’image d’autant des gouttes de sang qui surgissaient après les combats, d’où il jugeait pertinent qu’on en fasse le symbole du bain de sang de la guerre des tranchées ou le rappel admirable de la mémoire des soldats morts au combat.

Madame Michael, membre du personnel du «American Overseas», au cours de la dernière année de la guerre, fut la première personne à se servir du coquelicot dans ce contexte.  À ce moment, elle lut le poème de l’auteur canadien et elle en fut si touchée qu’elle composa également un poème en guise de réponse.  Comme elle le précisa plus tard : «Dans un moment fort de résolution, j’ai pris l’engagement de garder la foi et de toujours porter un coquelicot rouge des champs de Flandre comme symbole du Souvenir afin de servir d’emblème et de garder la foi avec toutes les personnes décédées.»

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Au Québec, en raison de la différence de culture et de la dissidence assez généralisée de cette province francophone, les gens célèbrent peu la Journée du Souvenir, bien qu’ils aiment profiter de cette journée fériée pour se déplacer, se reposer ou se divertir.  Dans cette province, ce sont surtout les militaires et les gens de langue anglaise qui célèbrent, car, dpatriotesepuis la Confédération canadienne, les Canadiens-français de souche se sont toujours opposés, historiquement, aux conflits armés qui, trop longtemps, ne servaient qu’à accroître le prestige de la Monarchie anglaise et à affermir l’hégémonie anglophone au pays.  Leur ferveur s’attisait surtout à la Fête d’Adam Dollard des Ormeaux, un personnage historique plutôt obscur dont l’Église catholique et l’élite francophone avait fait un grand héros.

En cette année 2010, depuis sept ans, en lieu et place de la Fête du souverain, présentement appelé «Fête de la Reine», qui remonte à une proclamation du Parlement canadien, en 1901, suite à la mort de la reine Victoria, le Québec préfère célébrer la «Journée nationale des patriotes».  Il s’agit d’un jour férié du fait que, ironiquement, il coïncide toujours avec la Fête de la Reine, tant prisée des anglophones du pays, mais largement boudée par les Québécois.  Cette fête se tient le 24 mai, sauf lors que cette date tombe un dimanche, auquel cas, on retient plutôt le jour du 25 mai.

Ce jour-là, malgré que cette fête reste encore largement inconnue des citoyens québécois, un bon nombre de gens participent à des activités nationalistes et culturelles, procédant aussi à la décoration, à la remise de prix et à l’expression d’hommage à l’endroit de citoyens qui ont fait avancer la cause de la québecité.  Surtout, on organise un gala, où on nomme un patriote de l’année, et on dépose des fleurs au pied du monument érigé à la mémoire de l’un des patriotes, Joseph Papineau.  Encore, on organise une marche jusqu’à l’ancienne prison du Pied-du-Courant où ont été pendus plusieurs patriotes, notamment François-Marie-Thomas, le Chevalier de Lorimier, le 15 février 1839.

Pour les étrangers, il faut dire que l’épisode des Patriote renvoie à un événement historique peu glorieux de l’implantation du Régime anglais au Canada.  Dans les manuels d’histoire, on l’appelle la Rébellion des Patriotes, la Rébellion du Bas-Canada ou les Rébellions de 1837-1838, trois noms donnés au conflit militaire qui s’est livré dans la colonie britannique du Bas-Canada (aujourd’hui le Québec).  Elle représentait l’aboutissement d’un conflit politique larvé qui persistait depuis le début du XIXe siècle entre la population civile et l’occupant militaire colonial.  Simultanée à la rébellion du Haut-Canada, elle a commencé au printemps 1837, pour se poursuivre jusqu’à l’été, marquée par des oppositions armées en divers points des deux territoires politiques.  Il faut dire que, par la différence des cultures, des religions et des langues, le Bas-Canada s’est opposé plus farouchement à l’hégémonie britannique que le Haut-Canada, largement formé d’anglophones, ce qui a y rendu cet épisode bien plus violent.

En fait, au cours du printemps et de l’été 1837, les chefs réformistes du Bas-Canada, dont le principal était Louis-Joseph Papineau, ont tiré parti des tensions politiques qui s’éternisaient pour y mettre sur pied une large force rebelle.  La situation était tellement tendue que, en Octobre 1837, toutes les Troupes britanniques régulières furent retirées du Haut-Canada pour être transférées afête-des-patriotesu Bas-Canada.  De toute évidence, les troupes rebelles, peu nombreuses et mal armées, ne faisaient pas le poids devant l’importante force militaire coloniale, placée sous la direction du Général John Colburne, et complétée par un grand nombre de miliciens orangistes loyaux en provenance du Haut-Canada.  Les patriotes rebelles n’en firent pas moins face aux troupes et aux milices loyalistes à trois occasions : à Saint-Denis et à Saint-Charles, sur le Richelieu, et à Saint-Eustache, au nord de Montréal.  Le gouvernement ne tarda pas à proclamer la loi martiale, forçant de nombreux rebelles, dont Louis-Joseph Papineau, à fuir aux États-Unis.  Parmi ceux qui sont restés, des centaines ont été arrêtés, dont plusieurs ont été déportés en Australie, tandis que les principaux chefs étaient pendus à la prison du Pied-du-Courant, dans la métropole.

En ce jour sombre, au lieu de célébrer des antihéros, puisque toute guerre représente une aberration et une infamie, voire une insulte à la dignité humaine et à la Création divine, peut-être vaudrait-il mieux célébrer paisiblement la joie de vivre universellement dans la fraternité et la solidarité dans des pays dépourvus de contraintes, de discrimination, de gouvernants, surtout de tyrans, et de frontières.

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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