L’ANGOISSE, CETTE SENSATION PÉNIBLE, VOUS CONNAISSEZ?

On confond souvent avec l’anxiété, qui en est le point culminant dégénérant en trouble psychique, impliquant une frayeur qui provoque une perte de contrôle de ses moyens, par mauvaise traduction de l’anglais.  Il n’empêche qui chacun gagnerait à comprendre l’un et l’autre, avec ce qu’ils suggèrent, car les temps présents, qui achèvent la dissolution d’un monde révolu, devraient souvent y disposer, même incliner à l’extrême du premier.  En effet, ce que l’on comprend, on lui trouve généralement la solution, puisque tout problème comporte sa propre solution.  Par exemple, celui qui craint la pénurie sait qu’il manque de confiance en la Vie, souvent appelée la Providence, d’où il doit chercher le moyen de grandir en confiance en elle.  De même, la résolution de l’angoisse réside dans une intériorisation qui permet de mieux s’unir à son Centre divin qui, étant à la barre de sa barque, ne peut que conduire au bon port, et de retrouver confiance en la vie afin de combler un abîme intérieur qui donne l’impression de ne pas avoir de véritable prise sur sa propre vie, de risquer, à tout moment, de sombrer dans ses méandres dangereux efemme-angoisséet arbitraires.

L’angoisse traduit un sentiment de grande inquiétude, souvent vague, qui s’accompagne de malaises physiques (oppression, palpitations, tics nerveux, constriction de la gorge).  Elle fait partie de l’escalade d’une peur sourde non réglée qui peut passe par l’inquiétude, l’anxiété et, finalement, l’angoisse, mais qui peut encore, à son extrême, basculer dans la phobie ou la névrose.  C’est un malaise d’origine psychique par anticipation d’un danger hypothétique, en grande partie inconnu ou complètement inconnu, comme la peur d’avoir peur, la peur d’avoir mal, la peur d’être anéanti, la peur d’être humilié, etc.  Il résulte du refoulement d’épreuves traumatisantes du passé qu’on redoute de revivre.  Et il se répète sans qu’on n’y puisse rien.

La gorge serrée, les jambes qui tremblent, l’estomac qui se noue, le pouls qui augmente, la transpiration qui s’en mêle, la concentration qui se disperse, qui ne connaît pas ces symptômes agaçants qui accompagnent un sentiment d’impuissance ou une perte momentanée de maîtrise.  Et, dans des cas plus aigus, on peut ajouter des sensations d’engourdissements, des frissons ou des bouffées de chaleur, une impression d’étouffement ou d’étranglement, de gêne thoracique, la nausée, des sensations de vertige ou d’évanouissement, la déréalisation ou la dépersonnalisation, une grande fatigue, la peur de prendre le contrôle, de devenir fou, même de mourir.

Ces marques de l’angoisse, ponctuelles, surgissent le plus souvent pour un rien.  Mais il y a les médias qui s’en mêlent en martelant chaque jour les nombreux dangers – attentats, désastres ou maladies mortelles – qui pèsent sur la tête des contemporains.  Comment vivre sans penser à tout cela?  Les psychologues, les psychanalystes, les philosophes, même des artistes, en ont traité, sans pourtant parvenir à vraiment éclairer.  Par exemple, Georges Gusdorf en a dit qu’il s’agit du «vertige de l’individu auquel s’offre une pluralité de possibilités contradictoires».  Louis Lavelle opine plutôt qu’il s’agit de «cette conscience de notre destinée personnelle qui nous tire à chaque instant du néant en ouvrant devant nous un avenir où notre existence se décide.  Les béhavioristes l’ont définie comme le «comportement lié à une émotion durable de peur sans objet externe clairement identifié».

D’après une étude étasunienne, les six principales catégories de troubles anxieux sont les suivantes : phobies, trouble panique avec ou sans agoraphobie, trouble d’anxiété généralisée, trouble obsessionnel-compulsif, trouble de stress aigu et syndrome de stress post-traumatique.  Bien que, à certains égards, ces troubles soient différents les uns des autres, ils présentent des points communs : une peur irrationnelle et excessive ;  un sentiment d’appréhension et une tension ;  de la difficulté à accomplir les tâches quotidiennes ou un sentiment de détresse à l’idée de les accomplir.

Ces études, avec les traitements qui en ont découlé, n’ont pas pour autant empêché que tous les gens en viennent à éprouver de l’angoisse de temps en temps, à un moment ou à un autre de leur vie.  Surtout, ils ont rarement guéri un être qui en était gravement atteint.  Rares sont les personnes qui passent une semaine sans éprouver de l’angoisse, source de tension, leur donnant l’impression que quelque chose de grave est arrivé ou risque d’arriver.   Car, si l’angoisse peut se manifeste à l’occasion d’un événement important, par exemple lors d’un examen, d’une entrevue d’emploi, d’une visite chez le médecin, de l’imminence d’un accouchement, ou lorsque font irruption un doute, une menace ou un danger, comme lorsque qu’un bruit étrange interrompt le sommeil, qu’un coup de fil attendu ne vient pas, qu’il faut répondre à une échéance,  que la nuit tombe….  Toutefois, en règle générale, cette angoisse du quotidien ne dure pas et cause peu de soucis et de dégâts, alors que l’angoisse d’une personne anxieuse, qui survient fréquemment, se démontre plus intense et peut se prolonger dans le temps.

Seul celui qui peut dépasser les spéculations et les cogitations de l’intellect pour s’ouvrir à l’intuition peut saisir de quoi l’angoisse retourne.  Car cette sensation intraduisible de vide et d’insatisfaction, qui persiste chez un être, n’exprime rien d’autre que le mécontentement divin, traduit par l’âme, qui pousse un être de l’avant et réclame qu’il regarde à l’intérieur de lui pour donner la vie à l’extérieur de lui de sorte qu’il n’existe plus de part vide de la substance spirituelle.

En fait, l’’angoisse révèle un sentiment d’incomplétude, de vide intérieur, d’insatisfaction inconsciente, résultant d’épreuves antérieures refoulées dans l’inconscient.  C’est un mécontentement intime qui devrait faire reconnaître la nécessité d’une conversion, d’un retournement vers l’intérieur pour se dégager et pouvoir s’accomplir.  Car l’angoisse crée des tensions intenses qui bloquent la circulation de l’énergie vitale et répriment l’élan créateur.  Elle révèle à coup sûr qu’on a pris la mauvaise direction ou les mauvais moyens pour se satisfaire.  L’angoisse ne peut reposer, à proprement parler, sur la peur de l’inconnu.  L’inconnu est inconnu.  De ce fait, il peut être autant bénéfique que maléfique.  Commeangoissent pourrait-on présumer de l’avenir qui échappe à la conscience objective?  On redoute plutôt de répéter ses erreurs du passé, dans l’avenir, et d’avoir encore à en souffrir. On ne peut craindre que ce qu’on a déjà éprouvé.

Lanza del Vasto nous éclaire sur cette obsession psychique en disant: «L’angoisse est un orgueil renversé, rétracté et doublement tendu, tendu jusqu’à la crainte, un orgueil qu’on peut dire malheureux dans le sens où l’on parle d’un amour malheureux.  Car elle part de la conviction de l’échec total qui est l’aboutissement de l’orgueil.  C’est un attachement acharné de la personne à soi-même en pleine conscience de son étroitesse et de sa fragilité.  C’est une aversion méfiante et craintive de tout ce qui est autre, une négation désespérée de ce qui la dépasse et de tout moyen de la dépasser et de la sauver.»

Un être devrait éviter d’étaler ses angoisses, car toute personne perspicace pourrait comprendre qu’elle présente, sous des dehors de vertu ou d’appel à l’aide, de l’immaturité spirituelle, une tare du psychisme.  Dans l’angoisse, il y a inconsciemment, une culpabilité qui, en quelque sorte, appelle une sanction, ou de l’immaturité, la peur de ne pas être à la hauteur des événements ou d’affronter les expériences de façon responsable.  Car l’angoisse est sans prise sur celui qui assume son destin, qui a fait la paix avec lui-même et avec ses semblables, qui a conscience de vivre comme il le faut.

Le problème de l’angoisse, c’est qu’il brandit une connaissance nouvelle, que le sujet devrait accepter, mais qu’il refuse ou retarde d’intégrer, parce qu’il ne la saisit pas, la nie, néglige de lui porter attention ou ne parvient pas à l’identifier.  Pour accepter un changement, il faut laisser aller ce qui est devenu stérile, désuet, suranné, vétuste, anachronique dans sa vie.  Un être ne peut remplir une urne pleine; il ne peut davantage mélanger le vieux vin avec le nouveau.  Malheureusement, chacun est trop attaché à ces attitudes rétrogrades qui sécurisent et rassasient.  Tous veulent le bonheur, mais peu de gens osent immoler ce qui lui fait entrave, comme l’alcoolique ne parvient pas à renoncer à sa bouteille, bien qu’il sache qu’elle le tue.  Chacun croit toujours qu’il reste assez de temps pour lui permettre de s’amender.  Comme la Vie veut aller de l’avant, ce qui se produit à contresens des attachements malsains, elle provoque de l’angoisse chaque fois qu’elle veut suggérer un nouveau sacrifice et inculquer un nouveau dynamisme.

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