L’AMBITION N’EST PAS L’AUDACE, LA MESURE DE SES MOYENS OU LA PRISE DE RISQUES BIEN CALCULÉS…

   Il paraît que l’ambition peut tuer son maître, même mener à la régression spirituelle, si elle amène à mal évaluer ses moyens ou à prendre la fin pour les moyens…  Elle sert les inclinations humaines, pas les aspirations spirituelles.  On sait ce qui est arrivé à la grenouille d la fable qui voulait se faire plus grosse que le bœuf.  Dans l’immédiat, sur une mer changeante, le frêle esquif n’est pas le yacht somptueux ni le solide et puissant paquebot.

   On peut définir l’ambition comme le désir ardent de réalisation personnelle dans un domaine ou dans un autre (société, affaires, notoriété ou honneurs, pouvoir).  La motivation, la raison d’ordre physique, intellectuel ou affectif qui pousse à agir, soit à poursuivre dans une voie ou à se désister, est légitime, voire indispensable, puisqu’elle est le moteur de l’action.  Mais l’ambition peut facilement devenir maladive et pousser à la performance qui, pour avoir déployé des efforts au-delà de ses possibilités, amène la volonté à casser.  C’est alors que, pour réduire le recours à l’effort, un être peu scrupuleux peut songer à recourir à des moyens illicites.

   ambition-fPoussé à l’extrême, l’oubli de soi, tel qu’on l’a longtemps enseigné dans les milieux chrétiens, invitant à la modestie et à l’humilité, peut amener à limiter ses perspectives, à écarter des projets audacieux, à perdre confiance en soi, à adopter inutilement un profil bas dans la société, à rejeter les desseins intéressés, à perdre le sens de l’initiative personnelle, à empêcher un être talentueux ou compétent de se mettre en avant, et, ainsi, réduire des êtres humains à la dépendance.  Chacun doit toujours croire en lui-même et accepter de mener toutes les expériences qui peuvent agrandir sa conscience.

   À l’inverse, celui qui a peur de lui-même ou des autres, de la vie, de la pénurie, de l’avenir, de la maladie, de la vieillesse, de la mort, peut devenir très ambitieux dans une tentative d’échapper à son sort.  L’ambition trop puissante peut amener celui qui est peu soucieux de la conséquence de ses choix, à bousculer les autres, à marcher sur leurs plates-bandes, à lutter contre tout le monde, dans un désir de s’aménager une plus grande place au soleil.   Elle peut conduire à l’abus des autres, au risque de causer de grands dégâts sociaux, en détruisant certains liens, pouvant entraîner dans la ruine des êtres qui ont témoigné de leur confiance.  De toute manière, en plus d’amener à déplorer le passé et de constamment projeter dans l’avenir, elle installe rapidement dans la concurrence qui comporte toujours sa part d’hostilité, de rivalité.  Car l’être humain incline facilement vers la loi du moindre effort en plus de tenir à ses acquis.

   Mais l’ambition, surtout si elle implique une trop haute idée de soi ou si elle représente une recherche maladive d’affirmation de soi, ne risque-t-elle pas de devenir une véritable drogue chez celui qui, vide de lui-même, tente de se remplir par ses activités, pourquoi pas ses exploits valorisants, ses réalisations, sa notoriété ou ses possessions?  Comment expliquer qu’un être millionnaire aspire au premier milliard et, après, à davantage, alors qu’il faut relativement peu d’argent à celui qui choisit, comme priorité, son évolution spirituelle?

   Nombre de maîtres et d’éducateurs vantent à tort les vertus de l’ambition puisque, du point de vue évolutif, il n’a rien de séduisant ni de productif.  À moins que, comme plusieurs, ils ne confondent ce terme avec la motivation qui, dans la quête d’idéal, se transmue en aspiration à s’accomplir pour être pleinement.  Car la seule ambition que l’on puisse reconnaître légitime, s’il en existe une de ce genre, c’est qu’un être excelle dans le rôle fonctionnel que la Providence lui a dévolu, ce qui est conforme à l’Ordre cosmique.  Or le rôle de chacun, c’est, après s’être procuré le nécessaire, de passer à l’essentiel, soit de tout mettre en œuvre pour se découvrir lui-même dans l’intériorisation, plutôt que dans l’extériorisation.

   En effet, l’ambition entretient la tension et conduit à une recherche exagérée qui peut être celle de la richesse, de la gloire, des honneurs, du succès, de la performance (concurrence ou émulation), de la productivité.  Elle ne tarde pas à dégénérer en orgueil et en vanité, en raison d’une comparaison constante avec les autres, rapidement perçus comme des rivaux.  Ou elle dérive en insatisfaction de ses expériences et de ses accomplissements habituels.  Car, sous-jacente, elle cache toujours un désir d’obtenir plus qu’on ne peut employer ou tolérer pour un moment donné.  Surtout, comme l’écrivait David.-Augustin De Brueys, un dramaturge français, ((en portant nos yeux vers l’avenir, … nous empêche de jouir du présent)).

   L’ambition se met toujours au service de ce qui sert l’ego et honore l’amour-propre, amène à se distinguer des autres,  pour compenser un sentiment de vide ou d’infériorité.  C’est ce qui a fait dire à Pierre l’Arétin: «L’ambition est le fumier de la gloire.»  Quant à Jonathan Swift, il a écrit: «Souvent, l’ambition fait accepter les fonctions les plus basses;  c’est ainsi que l’on grimpe dans la même posture que l’on rampe.»  En effet, non maîtrisée, elle remplit d’une obsession et d’une fureur qui ne permet plus de regarder derrière les bons moments qu’on a pu perdre ou les zones qu’on a dévastées.  Car, chez l’être dénué de scrupules, par manque de spiritualité, elle s’élève souvent sur la crédulité et les misères des plus faibles. Surtout, elle extrait du moment présent, projette vers l’extérieur et le futur, conduisant à une sorte de désespoir qui mène à l’oubli et à l’abandon de l’aspiration intérieure.

   Il n’est demandé à personne de «performer» jusqu’au «burn-out» pour assouvir ses ambitions, surtout pas en spiritualité, il n’est que demandé de bien vivre le moment présent et d’avancer jour après jour vers l’idéal, à son rythme, au meilleur de ses connaissances, de ses moyens et de sa compréhension.  L’ambition, c’est l’affaire du matérialiste qui cherche à rivaliser avec les autres et à s’édifier dans le monde un paradis artificiel ne sachant pas comment s’y prendre pour retrouver le Paradis perdu, retourner au Foyer originel.

   Probablement que, pour l’être incarné, la meilleure manière de se montrer pondéré réside dans le fait de s’investir dans ce qu’il aime et qui correspond à ses aptitudes, car c’est sûrement le meilleur moyen de vivre heureux, même si cela ne conduit pas à ce que les autres définissent comme le succès ou la richesse.  Dans la vie, du plus humble au plus prétentieux, du plus pauvre au plus riche, du plus débile au plus intelligent, du plus obtus au plus conscient, chacun détient une fonction, au sens que chacun est important et sert à quelque chose, d’où il importe de découvrir à quoi le fait de s’être incarné peut bien servir.  Chacun peut montrer un visage vertueux ou fourbe : l’occasion fait le héros ou le larron, le saint ou le pécheur.

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