L’ADULTÈRE, UNE DÉMONSTRATION D’INFIDÉLITÉ CONJUGALE?

   En morale religieuse, on définit l’adultère comme le fait, pour le partenaire d’un couple, de se livrer à des relations sexuelles ave une personne autre que son conjoint.  Pourtant, la fidélité conjugale, c’est, pour un être, une question de choix personnel dans la mesure où il peut raisonnablement penser pouvoir tenir à sa promesse.  Du reste, l’appel spirituel à la fidélité conjugale, mieux que de réserver l’exclusivité sexuelle à l’autre partenaire d’un couple, sert d’abord à démontrer que le monde inférieur agit conformément à la Loi unique ou aux préceptes divins, rendant tout apprentissage facile et rapide.  Elle évoque une union interne, une heureuse intelligence entre l’esprit et le cœur, une harmonie entre la volonté et l’imagination, entre le corps de la pensée et le corps du désir (mental et astral).  Elle suggère un grand synchronisme entre les diverses tendances de l’âme.

   Pour le reste, la fidélité se définit, de par son étymologie, comme l’«acceptation humble».  Dans ce contexte, elle témoigne d’un choix de se faire réceptacle, d’accueillir en soi et de conserver dans un état d’abandon total.  Elle peut encore exprimer le dévouement à un idéal ou à une cause.  Mais la loyauté ne peut se maintenir sans la fidélité et la fidélité sans l’authenticité.  La fidélité consiste à bien remplir ses engagements, les clauses de son contrat, et à témoigner de son attachement sincère à l’idéal commun, donc à tous ses collaborateurs.  Nul n’est tenu à être fidèle aux autres.  Chacun doit plutôt être fidèle à sa parole, à ses engagements, à ses responsabilités, surtout à son destin en commençant par être fidèle à lui-même.  Car la fidélité implique la conseradultere-infidelitevation de son identité personnelle en répondant à ses propres engagements ou choix, non à ceux d’autrui.  En tout et partout, il faut commencer par être fidèle à soi-même.  Être fidèle veut dire avoir foi, d’où tout commence par la foi en soi.  La fidélité bien comprise mène à la joie et à l’accomplissement.  Rien ne vient sans discipline et sans foi.

   Nul ne peut être fidèle qu’à lui-même, mais quand un être a accepté des responsabilités ou signé des contrats, il gagne à les respecter.  Il n’avait qu’à bien y penser ou qu’à faire ce qu’il devait pour s’en tirer de façon honorable ou il doit renégocier ses engagements.  L’engagement à la fidélité maintient dans l’inhibition.  Jean Gameau, un psychologue, a admirablement bien dit : «La plupart du temps, la promesse d’être fidèle équivaut à un engagement à l’exclusivité sexuelle. Selon les couples, cet engagement peut être la promesse de s’abstenir de relations sexuelles avec tout autre partenaire, la promesse d’avoir un comportement asexué avec toute autre personne ou même la promesse d’éviter tout désir ou tout fantasme sexuel impliquant quelqu’un d’autre. Pour d’autres, il s’agit plutôt de la promesse d’un amour exclusif (l’exclusivité sexuelle n’étant alors qu’une des dimensions de cet engagement). / À bien y réfléchir, cet engagement repose sur une vision capitaliste, contrôlante et judéo-chrétienne de la relation. En effet, cette promesse définit, par rapport à l’autre personne, des droits analogues à ceux qu’on aurait sur un objet précieux nous appartenant plutôt qu’un lien librement consenti et renouvelé entre partenaires autonomes. La promesse, un peu comme une ceinture de chasteté, vise à forcer l’autre à l’abstention alors qu’on suppose qu’il voudrait céder à son désir. L’engagement implique qu’il est important de contrôler par un effort de volonté les désirs, les pulsions et les émotions qui pourraient nous envahir.»

   Et le même auteur poursuit : «Parce qu’il contredit directement la réalité, cet engagement est voué à l’échec et les statistiques à ce sujet le confirment sans équivoque. L’adultère n’est pas un phénomène rare ; il touche directement au moins 70% des couples. Si on ajoute les cas où la tentation d’infidélité est repoussée pour des raisons religieuses ou socio-économiques, on arrive sans doute à une proportion bien proche de 100%. La question se pose naturellement : pourquoi persistons-nous à faire des promesses tellement peu réalistes qu’elles ne sont pratiquement jamais respectées? / J’ai déjà mentionné la fonction expressive des serments de fidélité. On tente par ces promesses de traduire la force du sentiment qui nous anime et l’ampleur qu’il prend en nous.  /  Il y a aussi le fait que cet engagement répond à des insécurités inavouées. En s’engageant pleinement dans une relation qu’on espère durable, on se sent nécessairement très vulnérable et on craint de devenir dépendant de l’autre. Une rupture possible devient alors une menace grave qu’on souhaite contourner ou contrôler autant que possible. Le développement d’une relation aussi importante dans laquelle on s’engage totalement constitue une aventure dont on est incapable de prévoir les issues. Les promesses de fidélité éternelle tentent de prendre le contrôle sur l’avenir et de nous protéger contre l’échec toujours possible. Bien sûr, elles apportent un certain réconfort (illusoire) mais elles n’apportent aucune solution à l’insécurité fondamentale.»

   Sans préconiser l’infidélité, il faut l’aborder parce qu’elle cause bien des ravages dans les couples et les familles.  L’infidèle part à la quête de sa mère, par personne interposée.  Ce qu’il cherche, dans ses escapades, c’est un giron maternel dans lequel il pourrait retrouver la tranquillité, la sérénité et la sécurité de l’enfance.  Il cherche à retrouver sa mère, mais en même temps il réprouve ce désir inconscient, alors il multiplie ses fugues pour se déculpabiliser ou pour affirmer son indépendance.  Au fond, c’est un être mal sevré.  Il a tellement peur de voir les personnes aimées partir qu’il prend la fuite le premier pour s’habituer à la douleur de la séparation ou pour se donner l’impression de prendre lui-même cette initiative.

   L’infidèle essaie de se prouver que la femme qu’il a le plus aimée, sa mère, ne lui est pas tout à fait indispensable, après tout, puisqu’il peut trouver d’autres femmes à aimer, même s’il ne leur accorde qu’une attention fugace et superficielle.  En trompant sa conjointe, qu’il aime, il essaie d’achever sa séparation d’avec sa mère, parce qu’elle n’est pas encore complétée (et ne le sera peut-être jamais).  Il tente maladroitement de la mettre à l’abri de ses désirs incestueux, souvent impérieux, et il se libère de la dépendance douloureuse qu’il ressent à son égard.  Jusqu’à un certain point, il tente de mettre la femme qu’il a vraiment aimée et estimée, sa mère, à l’abri de ses désirs sexuels refoulés.  L’infidèle recherche ou recrée, dans toutes les femmes de passage, sa mère.  Et s’il, passe vite, de l’une à l’autre, c’est qu’il n’est pas tout à fait dupe de ce qu’il cherche.  Pour ne pas avoir le temps d’approfondir sa réflexion, il butine de fleur en fleur.

   N’empêche que le fait d’avouer à son partenaire qu’on aime une autre personne, ce n’est pas de l’infidélité, mais de l’honnêteté, même une forme d’amour supérieur.  Nul n’est invité à n’aimer qu’une personne.  Et le fait qu’un être cher aime une autre personne ne réduit en rien son amour pour soi.  Si un être veut être aimé dans l’exclusivité, bien que cela soit pernicieux et très accaparant, il lui faut l’exprimer à son partenaire, mais il ne peut pas l’exiger.  Et si l’autre ne répond pas à cette attente, indue du reste, il doit comprendre ce qu’il lui reste à faire, il n’a qu’à se retirer respectueusement, sans jugement.  L’autre n’a pas le devoir de supporter ses fragilités émotionnelles et affectives ni de combler ses besoins.

   Celui qui accuse l’autre d’infidélité, en raison de sa quête de répondre à ses besoins ou désirs propres, témoigne souvent de sa propre confusion entre l’amour et le besoin d’être aimé de façon exclusive, ce qui démontre un être plein de trous intérieurs, presque vide de lui-même.  Nul ne gagne à aimer quelqu’un pour les besoins qu’il comble ou pour ce qu’il apporte dans sa vie.  Au contraire, chacun doit aimer l’autre pour lui-même.  Aimer quelqu’un n’a rien à voir avec le fait d’en avoir besoin.  Nul être ne peut à la fois aimer une personne et l’accueillir parce qu’il en a besoin.  Quoi qu’il en soit, il ne doit surtout pas dire aimer l’autre du fait qu’il en a besoin.  L’amour vrai ne met aucune condition, aucune limite ni aucune attente.

   La fidélité est une notion culturelle et une affaire de contrat de couple.  Mais les contrats n’ont jamais garanti la fidélité pour nombre de raisons, dont nous n’en mentionnerons que quelques-unes.  D’abord, de la façon que les partenaires se choisissent, pour vivre en couple, et de la manière qu’ils mènent cette expérience, ils assurent mal leurs arrières.  De nos jours, les unions de couple reposent rarement sur une alliance ancrée dans des valeurs sacrées, à toute épreuve.  Il y a belle lurette que les gens n’obéissent plus à une morale hypocrite ou utilitaire.

   En fait, les gens se hâtent de trouver un partenaire pour trop de raisons frauduleuses: pour recréer la présence de son père ou de sa mère; pour échapper à une névrose d’abandon;  pour mettre un terme à une quête morbide d’affection;  pour être pris en charge;  pour trouver la sécurité;  pour assouvir son désir de domination ou de servitude;  pour vivre un amour illusoire à deux; pour faire comme tout le monde;  pour compenser leur incomplétude ou leur vide intérieur;  pour éviter la réprobation sociale;  pour alléger un sentiment d’abandon ou de rejet;  pour échapper à la peur de la solitude.  Mais qui songe d’abord à se marier intérieurement, à fusionner ses dimensions?  Dans un monde idéal, le mariage intérieur est nécessaire à celui qui veut réussir un mariage extérieur, de la même manière que l’enfantement de soi par soi-même est un préalable à l’acceptation de procréer des enfants, car, autrement, on ne saurait comment les aider à accoucher d’eux-mêmes, donc on les garderait inaccomplis, on les garderait dans l’infantilisme.

   La liste des motifs pernicieux de s’unir n’en finirait pas.  Sauf que, dans ces conditions, l’autre n’étant qu’un objet, une béquille, un moyen de dépannage, l’un des partenaires ne tarde pas à avoir le tour de l’autre: il a dévoilé ses attributs physiques, il a sondé son idéal, il a découvert ses limites.  Les sens s’émoussent rapidement; l’imagination est assouvie, d’où elle s’assoupit.  Ne s’étant pas unis à partir de valeurs bien solides, pouvant susciter des interdits, il ne se prive pas pour chercher d’autres émois.  Tout fruit nouveau et tout fruit interdit ne suscitent-ils pas beaucoup de convoitise?  Alors, il se lance dans une suite d’aventures, les voilant du mieux qu’il le peut, couvrant ses escapades d’astucieux prétextes.  En outre, il tente d’y récupérer sa jeunesse, jusqu’à ce qu’il se lasse de courir ou qu’il soit découvert dans son jeu!  Car toutes les aventures sont plus décevantes les unes que les autres quand rien de stable ne peut en sortir.  Puis s’ajoute la culpabilité du geste…  L’imagination peut le nier, mais pas la réalité.

   Tout couple qui s’installe dans la routine, jusque dans les habitudes sexuelles, se condamne de lui-même.  Encore plus s’il est coupé d’aspirations spirituelles valables.  Alors, les partenaires peuvent facilement commencer à s’exploiter mutuellement de façon bien subtile, ou se complaire dans une contemplation mutuelle béate.  Dans trop de couples, la vie sexuelle est ravalée au rang de rituel coutumier ou d’hygiène mentale routinière.  Les partenaires copulent pour assouvir leurs désirs, ce qui se passe sans lien avec la vie affective.  Pas étonnant qu’à l’apparition d’un candidat le moindrement magnétique, l’un des conjoints sente ressurgir en lui des ardeurs antiques.  Et alors, s’il va jusqu’à assouvir ses appétits sexuels, il trouvera dans cette expérience une richesse qui lui fera mesurer la pauvreté de l’expérience sexuelle, banalisée, de sa relation légitime.  Aussi ne tarde-t-il pas à choisir de récidiver jusqu’à ce que cette autre relation se banalise à son tour.  Dès lors, il entre dans le cercle vicieux de passer de bras en bras.

   Normalement, entre deux êtres, la relation sexuelle doit être un aboutissement ou la confirmation de l’amour.  Elle doit être, en soi, une expérience invitant à pousser toujours plus loin ses limites propres. Les conjoints doivent accepter de «se partager», de se fondre l’un dans l’autre, pour trouver leur identité spirituelle, non seulement le plaisir ou la satisfaction des appétits.  La relation sexuelle devrait d’abord exprimer son plaisir d’être, l’intensité de ses sentiments amoureux.  Pour réussir, elle doit être un partage mutuel, un dadulte-adultèreialogue intime, restant liée à la communication sur d’autres plans, dans une atmosphère profondément enthousiaste.  On se prépare au pire si on s’y adonne pour satisfaire uniquement ses pulsions propres ou si on laisse l’autre partenaire dans une solitude chargée d’amertume, de désillusion, de frustration.

  Supposons maintenant la commission de l’acte d’infidélité.  En pareil cas, d’où provient la douleur du partenaire qui se dit lésé?  À la vérité, elle est injustifiable.  Il souffre parce qu’il a gardé des attentes et parce qu’il a voulu imposer à l’autre ses valeurs.  L’autre n’a jamais à partager ses valeurs!  Dans ce cas, il semble qu’il ne les ait pas partagées.  Alors, le partenaire se torture à tort.  Il s’afflige parce qu’il a le sentiment que l’autre à fait injure à son droit de le posséder de façon exclusive.  Pourtant, pour l’éternité, chaque être a le droit de disposer de son corps et de sa personne.  Nul ne peut se donner à un autre, il ne peut qu’échanger ou partager avec lui.  Alors, en cas d’infidélité, plutôt que de fomenter de l’hostilité, il devrait entreprendre une négociation pour établir ses besoins réciproques en regard de l’amour (besoin d’aimer et d’être aimé) et leur trouver la solution la plus juste qu’il puisse concevoir.  La douleur de la personne qui se dit «trompée» se démontre tout à fait aveugle.  Elle trahit son sentiment d’avoir été blessée dans son image personnelle, dans la satisfaction présumément légitime de ses droits, dans sa dignité sexuelle, dans sa propriété de conjoint légitime.  Elle est affligé et humilié d’avoir partagé avec un autre un objet de plaisir, conçu comme une exclusivité, comme une possession propre.  Rappelons-le: bien qu’elle soit utile, la fidélité n’est qu’une norme culturelle et une affaire de contrat entre deux personnes.  Au-delà du voile d’Illusion, de telles relations, avec pareilles attentes, n’existe pas. Au final, on peut conclure que le mariage humain ne repose sur aucun fondement spirituel.  Il n’existe qu’une forme de mariage cosmiquement approuvée, les noces mystiques.

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

 

A propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *