TOUTE RUMEUR SE PROPAGE COMME UNE TRAÎNÉE DE POUDRE, DEVENANT REN UN RIEN DE TEMPS HORS DE CONTRÔLE, SELON LE DEGRÉ D’INTÉRÊT BIAISÉ QU’ELLE COMPORTE ET LA PETITESSE DE L”ESPRIT AUQUEL ELLE S’ADRESSE, PLUS PERSONNE N’EN RECONNAISSANT LA PATERNITÉ UNE FOIS SES RAVAGES ACCOMPLIS!

Quelqu’un a dit, et il devait s’agir d’un sage: «Si tu n’as pas entendu un propos de tes propres oreilles ou si tu n’as pas personnellement assisté à une scène, ne les invente pas, ce qui révélerait ta petitesse d’esprit, et, surtout, ne les propage pas comme une grande gueule.»  Mais, cette phrase, peut-être que l’ai-je inventée moi-même en raison d’un vague souvenir de lecture!…

Dans le présent contexte, bien sûr, la rumeur désigne la nouvelle plus ou moins fondée qui se répand dans le public et qui peut finir par devenir une légende urbaine.  Elle naît du bavardage enfantin qui n’a pas été canalisé par le sens des valeurs.  Un tel propagateur n’a pas encore complètement pondéré sa propension à provoquer ou à exagérer, encouragé par des auditeurs complaisants.  Avec le temps, le goût de partir des rumeurs se transforme en une force destructrice, capable de balayer des réputations et des amitiés.  Si on y pense bien, la rumeur, c’est un bavardage transmis, emballé ou déformé, amplifié et nourri, gonflé par l’envie et le dépit de chacun qui la reçoit.  Il se transforme rapidement en un raz-de-marée méconnaissable, dévastateur.  La rumeur naît de la curiosité élémentaire à propos du monde et des autres.  Tous portent cette propension à écouter et répéter les nouvelles.  C’est une manière d’attirer un moment l’attention sur soi.  Mais, contrairement au bavardage, elle a le porumeurs-et-papotages-cafeuvoir souverain de tout abaissier et déformer, pouvant se retourner contre celui qui se dit ou se croit blanc comme neige.  Née sur une mauvaise langue, elle peut devenir hargneuse et perfide, fomentant les querelles vaines et mesquines.  Elle n’est plus qu’un bavardage sans complexe, elle devient un poison social entretenant l’ignorance, les superstitions et la séparativité.

La diffusion des rumeurs ou «jeu du téléphone» peut être un jeu divertissant, en société, mais c’est un fléau social auquel aurait tort de succomber un métaphysicien.  On entend par là cette tendance à rappeler des informations présumées que l’on simplifie et restructure de façon éminemment partiale et affective, les altérant sensiblement.  La majorité des gens sont ainsi portés à déformer les faits pour les conformer à leur compréhension ou à leurs désirs, mais s’écartant tout à fait de la réalité, simplement pour se défouler ou se rendre intéressants. Écoutez une émission de télévision avec un groupe et demandez ensuite ce que les gens ont retenu de son contenu.  Vous serez consternés par les monstruosités qu’on débitera parce qu’on n’écoute jamais rien, on projette sa subjectivité.  Or, interpréter ne conduit jamais à connaître la vérité, mais à se complaire dans le préjugé.  Les gens sont alors mentalement paresseux et malhonnêtes, mais sans trop de mauvaise volonté!

Yves Duteil, un auteur-compositeur français admirable, en a fait l’une de ses plus suaves chansons, comme une ritournelle de discrédit remplie d’humour… et probablement de dépit.   Un petit bijou, intitulé «La Rumeur».  En voici ples paroles:

«La rumeur ouvre ses ailes / Elle s’envole à travers nous C’est une fausse nouvelle / Mais si belle, après tout / Elle se propage à voix basse /À la messe et à midi/ Entre l’église et les glaces /Entre confesse et confit

La rumeur a des antennes / Elle se nourrit de cancans /  Elle est bavarde et hautaine / Et grandit avec le temps / C’est un arbre sans racines / À la sève de venin / Avec des feuilles d’épines / Et des pommes à pépins

Ça occupe, ça converse / Ça nourrit la controverse / Ça pimente les passions / Le sel des conversations…

La rumeur est un microbe / Qui se transmet par la voix / Se déguise sous la robe / De la vertu d’autrefois / La parole était d’argent / Mais la rumeur est de plomb / Elle s’écoule, elle s’étend  / Elle s’étale, elle se répand

Jamais nul ne saura / Qui la lance et qui la croit…

C’est bien plus fort qu’un mensonge  / Ça grossit comme une éponge / Plus c’est faux, plus c’est vrai / Plus c’est gros et plus ça plaît / Calomnie, plus on nie / Plus elle enfle se réjouit / Démentir, protester, / C’est encore la propager

Elle peut tuer sans raison / Sans coupable et sans prison / Sans procès ni procession / Sans fusil ni munitions…

C’est une arme redoutable / Implacable, impalpable / Adversaire invulnérable / C’est du vent, c’est du sable / Elle rôde autour de la table / Nous amuse ou nous accable / C’est selon qu’il s’agit / De quiconque ou d’un ami

Un jour elle a disparu / Tout d’un coup, dans les rues / Comme elle était apparue / À tous ceux qui l’avaient crue…

La rumeur qui s’est tue / Ne reviendra jamais plus / Dans un cœur, la rancœur / Ne s’en ira pas non plus / C’est du miel c’est du fiel / On la croit tombée du ciel.»

Voilà, tout est dit.  À chacun d’en tirer une leçon… ou pas.  La rumeur, ça aide si bien à tuer le temps… et les réputations.  Par bonheur, il n’y a que les petits esprits et les faux amis pour croire et propager les rumeurs sans en vérifier la solidité du fondement, car les vrais amis restent compatissants, parce qu’inconditionnels en tout temps.  Comme nul ne peut arrêter une rumeur à son propre sujet ni changer l’esprit des gens qui s’amusent à les répandre, connaissant son droit inéluctable à ses choix, même erronés, afin de grandir en connaissance et en sagesse, il gagne à garder la tête haute, à s’abstenir d’abdiquer la moindre part de son estime personnel et à bien s’amuser du fait que certains se sentent si vides ou petits et qu’ils ont si peu de choses à faire, qu’ils prennent plaisir à un tel vilain jeu.

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.  

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