LA QUÊTE DE LA PERFECTION, UNE EXPÉRIENCE FOURVOYANTE, DÉCEVANTE, DÉMOTIVANTE ET ÉPUISANTE…

Pourquoi tant chercher à être parfait quand on l’est déjà  de toute é ternité, ce qu’il ne reste qu’à reconnaître ou à redécouvrir.  Le Créateur ne demande à personne de devenir parfait, mais d’apprendre à être pleinement, à chaque instant de son existence, concentré sur le moment présent, dans la découverte progressive, toute intérieure, de Cela qu’il est déjà de toute éternité, un Être divin engendré à l’image et à la ressemblance de l’Absolu.

En fait, la quête de perfection traduit davantage un leurre pour naïfs et une faiblesse psychique qu’une aspiration spirituelle réaliste.  La Perfection ne réside que dans l’Absolu, dans son état immobile, impassible, imperturbable, de neutralité complète et permanente.  Mais il s’agit d’un état idéal statique qui confirme le fait d’être parvenu à une Réalisation éternelle et infinie à laquelle rien ne peut être ajouté et qui prive, du coup, de toute possibilité de recherche et d’expérience.  En fperfection1ait, la Perfection interdit même toute velléité de réalisation, ce qui comprendrait la nécessité d’être passé par un état évolutif et d’avoir réussi ce parcours, ce qui impliquerait déjà une imperfection.  Alors, s’agit-il vraiment d’un destin intéressant pour l’être curieux, épris d’aventures, qu’est l’être humain, qui veut tout savoir comme Dieu?

Le mot «perfection» l’enseigne en lui-même : il s’agit d’un état qui réunit de par son essence toutes les qualités ou qui démontre, la possession innée du degré les plus élevé dans une échelle de valeurs ou de la détention éternelle de toutes les caractéristiques de l’Être unique.  D’accord, pour établir une distinction entre l’état idéal d’un être individuel et celui de l’Absolu, on parle de «Perfection» et de «Perfection des Perfections», mais il ne s’agit là que d’une astuce mentale pour l’être incarné qui cherche à comprendre la Réalité infinie à travers les approximations de son entendement diviseur et limité.  En fait, il n’existe qu’une Perfection, celle de l’Absolu en tant qu’il inclut tous les êtres qui ne peuvent qu’illusoirement s’en sentir séparés ou exclus.  Car, lorsque l’Absolu s’exprime, il fait vibrer tous les êtres et lorsqu’un être apparemment individuel s’exprime, il implique vibratoirement la totalité de l’Absolu.

Alors, ne réalise-t-on pas, simplement par ces élucubrations mentales véridiques, mais pourtant absurdes, que la Perfection ne peut en rien représenter une aspiration valable de l’être incarné?  La volonté d’agir parfaitement ou d’atteindre la Perfection ne résulte que d’une infatuation de l’ego!  Elle traduit le sentiment de désarroi et d’impuissance secret d’un être porté à se comparer, à imiter, à émuler pour s’accorder une compensation psychique.  Tout être qui se sent petit et limité est porté, soit à rabaisser les autres, pour se sentir supérieur, ou à les dépasser tous, pour se démontrer supérieur.  Dans les deux cas, il mine ses énergies dans un but qui est d’autant plus vain et stérile qu’il ne lui est que demandé d’être lui-même dans son unicité qui le rend précieux, détaché du regard des autres et de leurs jugements, afin de démontrer l’infinie variété des aspects divins de l’Absolu.

Dans l’expérience de la vie, il n’y à rien à devenir, à gagner, à perdre, à mériter, à juger, à déplorer.  Tout est, tout simplement.  Alors, pour chaque individu incarné, il n’y a qu’à accepter qu’il détient sa valeur dans ce qu’il représente, à savoir dans Ce qu’il est (sa Nature spirituelle) et Qui il est (son Essence divine), fusion de l’Esprit et de la Matière.  Ainsi, l’idéal de tout être incarné, c’est de découvrir le Dieu-Homme, l’Homme universel, l’Adam Kadmon qu’il est derrière ses déguisements temporaires.  Cela ne peut se réaliser que dans la mesure où un être, dit «évolutif», donc à la découverte consciente et progressive de lui-même, s’accepte comme il est, au lieu de vivre dans un sentiment d’indignité qui l’amène sans cesse à penser qu’il n’est pas à la hauteur de son destin, qui l’amène à se croire taré et perfectible de manière innée, alors qu’il n’est que Gloire à la découverte d’elle-même.

Et c’est là que réside le Triomphe du prétendu élu, cet être éveillé, que de dépasser ses limites apparentes, qui ne sont qu’un leurre, pour se reconnaître dans sa Réalité éternelle, un état qui n’a besoin d’aucune amélioration.  La vie n’est jamais qu’un Grand Jeu amoureux de cache-cache qui dure le temps qu’un être se cherche dans sa Perfection, au lieu d’être tout simplement dans le Moment d’Éternité, une réalité qui lui échappe et lui échappera toujours, du fait que, ce qu’il court après, lui court après, rendant impossible la rencontre ou le face à face avec lui-même révélateur.  Il ne peut y parvenir qu’en étant un digne représentant de l’Amour de l’Esprit de Vie, en tant que fruit de cette énergie qui est, en elle-même Perfection.  En laissant l’Amour pur s’exprimer librement à travers lui, il permet aux aspects supérieurs de son Être total poursuivre leur intégration dans son destin d’être humain incarné, une Étincelle divine temporairement déguisée, le temps de s’étudier ou de se contempler dans ses différents aspects.

La quête de perfection mène à vivre dans le perfectionnisme, qui ne tarde pas à devenir «perfectionnite», une faiblesse psychique, une inflammation de la personnalité qui se sent inutilement blessée dans son amour-propre parce qu’elle prend le regard négatif d’autrui pour un verdict de valeur, pour une attaque personnelle ou pour une certitude de dévalorisation.  C’est refuser de réaliser qu’on accorde plus d’importance au jugement d’autrui qu’au verdict de l’Absolu, qui ne juge pourtant pas, mais qui représenterait bien le seul être qu’il faille satisfaire pour celui qui tient à satisfaire un autre être, plutôt que sa conscience.

Le perfectionnisme désigne la recherche obsédante de la perfection dans tous les domaines.  Il exprime le désir d’être ou de se montrer parfait, de répondre constamment à des standards de performance, ce qui revient à se garder la barre bien haute : il finit par vider des énergies vives et faire sombrer dans la dépression.  On oublie trop facilement que l’ambition tue son maître.  En effet, cette quête lancinante d’égaler le modèle qu’on se fait d’une réalité, voire à le dépasser, devient exténuant et il vide de ses meilleures énergies.  Par exemple, il amène à donner constamment le meilleur de soi-même, sans se donner de répit, tout en sachant que, quoi qu’on fasse, on se reprochera de ne pas en avoir fait assez.  On se pousse et on se défonce sans cesse, s’acharnant de façon excessive à réaliser un but, vivant dans une tension qui finit par brûler et par écarter du but visé.  En pareil cas, on refuse de suivre son rythme intérieur, de prendre le temps de se reposer, de jouer, de s’accorder du temps à penser dans le silence, y voyant des pertes de temps.

Ainsi, toujours sérieux ou crispé, agissant en adulte responsable, en parent fort,  ou en artiste virtuose, donc en être sévère et compassé, un être mine son estime personnelle et il perd sa joie de vivre, toujours en train de performer, comme s’il était en concurrence avec lui-même et le monde entier.  Le perfectionnisme naît de la peur d’être perçu comme moindre que ce que l’on est ou montre.  Par le souci d’être impeccable, il amène à produire de grandes et belles œuvres, mais il dirige l’attention vers le faire plutôt que vers l’être, vers les apparences plutôt que vers la réalité.  Il amène à vouloir tout faire de façon exemplaire et exceptionnelle, ce qui engendre une tension insupportable.  On refuse de s’accepter dans ses limites présentes d’être incarné dans le temps et l’espace.  On devrait se contenter de faire de son mieux eu égard aux circonstances.  On doit viser l’excellence, mais en retenant qu’on n’atteindra pas la perfection dans le faire, mais dans l’être.

Le perfectionnisme peut tirer son origine d’un narcissisme voilé qui amène à se valoriser à travers des accomplissements hors de la norme.  Il peut surgir d’un manque d’estime de soi qui fournit une raison de s’aimer dans la réussite, mais qui place dans de grandes difficultés en cas de résultats mitigés.  Il peut encore s’agir d’un désir d’attirer l’attention d’êtres en position d’autorité, d’une peur de devoir essuyer des critiques, d’un désir de tout contrôler ou de maîtriser du premier coup, peut-être même d’un manque de confiance dans ses moyens d’invention.  Quoi qu’il en soit, le désir de toujours faire mieux qui se transforme en volonté acharnée prive du plaisir de vivre en plus de causer de sérieux dégâts autant dans la vie personnelle qu’autour de soi.

En fait, le perfectionniste est un être torturé.  Il n’a qu’une idée en tête, exprimer la perfection, se montrer impeccable, invincible, invulnérable, inattaquable.  Il est l’esclave de son ego ou de sa personnalité.  Aussi ressasse-t-il sans cesse ses défauts et ses lacunes possibles ou reprend-il constamment ses œuvres, toujours insatisfait.  Il se justifie de sa supériorité apparente par le fait qu’on ne peut jamais le prendre en faute.  Mais, si cela se produit, il s’effondre.  S’il lui arrive de se tromper, de commettre une erreur, il ne parvient plus à se le pardonner… et, bien souvent, il ne cherche alors qu’à se cacher pour passer inaperçu.  Vivant sans cesse dans la tension, il performe, il n’accomplit pas grand-chose et il ne comprend pas davantage.

Trop de gens s’obligent à la perfection absolue bien qu’ils se rendent compte de leur équilibre immédiat précaire et de leurs limites actuelles passablement grandes.  Même s’ils comprennent le ridicule de cette attitude, ils se culpabilisent encore par le subterfuge du «J’aurais pu faire mieux».  Et ils s’obligent à toujours reprendre ce qu’ils ont accompli.  C’est de la torture mentale.  Il y a perfection des perfections et perfection du moment.  Dieu n’a demandé à personne d’entrer dans la perfection ultime en un jour, mais, à tire d’être évolutif, il demande à chacun d’agir au meilleur de sa compréhension et de ses moyens.  Chacun est mû par un rythme intérieur immuable qui l’y conduit.  Dieu requiert plutôt un engagement sincère à faire de son mieux avec la compréhension qu’on a développée et les moyens qu’on a réussi à se donner.  Pour le reste, chacun est un enfant de l’Infini.  Il faut vivre, au jour le jour, la perfection de l’instant.

Le perfectionnisme est un état fort inhibant par la tension qu’elle inculque.  Il est contreproductif puisqu’il empêche d’atteindre le but qu’on vise en toute aise, en toute grâce, en toute facilité.  Aussi, à la perfection des perfections, faut-il préférer la perfection du moment qui consiste à rester ouvert et attentif aux milliers de possibilités que la vie place devant soi en acceptant d’intégrer de nouvelles connaissances par l’expérience, sans juger en termes de bien et de mal.  Elle implique la compréhension du fait qu’on est toujours au bon endroit et au bon moment pour faire une prise de conscience utile à son évolution.  Alors, il suffit de rester présent à soi peu importe le choix qu’on fait pour en évaluer les conséquences pour soi.  Vivant dans le présent, on vibre de la perfection d’étudier ce qui se passe au meilleur de ses moyens et de sa compréhension.  Cette forme de perfection est moins astreignante d’où elle développe moins de tensions et d’angoisse.

Il faut savoir doser ses exigences.  Si l’écart entre les buts qu’un être se fixe et ce qu’il est réellement capable d’accomplir est trop réduit, il n’y trouve aucun défi à relever, d’où sa vie reste morne, ordinaire.  En revanche, si l’écart est trop grand, le but devient inatteignable, ce qui amène à se retrouver dans une souffrance permanente.  La quête de perfection peut servir à stimuler, mais elle ne doit amener à vivre dans la tension et la souffrance.  Cela ne signifie nullement qu’il ne faille pas viser haut, puisque la volonté de toujours mieux réussir peut devenir motivante.  C’est du reste la qualité des artistes en général, qui doivent consacrer des heures de travail pour parvenir à ces instants de perfection qui les induisent dans des émotions intenses.  Mais cette même exigence peut devenir source de paralysie, d’insatisfaction, de frustration permanente.  Il y a danger quand un être en arrive à prendre beaucoup plus de temps que les autres pour accomplir un travail identique tout simplement parce qu’il se montre pointilleux ou tatillon, quand il n’arrive pas à déléguer des tâches, pensant qu’il est le seul à pouvoir diriger les situations et à les mener à bon port ou quand il se morfond et se considère comme nul lorsque tout n’est pas parfait.

Le problème du perfectionnisme, c’est qu’il condamne à vivre dans l’esprit de performance.  L’esprit de performance mène à viser une réussite remarquable à la manière de celle de l’athlète, du virtuose, du prodige, du spécialiste ou d’un maître.  Le désir de performer amène à tenter d’atteindre une réussite inégalée qui ne peut qu’attirer le respect et l’admiration.  Mais combien de gens qui ont souhaité battre des performances antérieures ont fini par sombrer dans la dépression et le désespoir, en plus d’avoir torturé et déformé leur corps, après que les acclamations se soient tues, conservant de leurs exploits des séquelles permanentes?

De nos jours, un grand nombre de personnes vient avec le stress de performance du fait qu’ils entretiennent des attentes élevées, très souvent irréalistes, envers eux-mêmes, ressentant constamment une obligation de se surpasser, de se montrer à la hauteur des attentes d’autrui, de bien faire les choses.  La quête de performance a sûrement quelque chose à voir avec  des blessures de l’ego.  Il y a là une tentative de récupérer quelque chose qu’on n’a pas ou qu’on croit avoir perdu.

S’il y a un domaine où la performance n’a pas droit de cité, c’est bien en spiritualité, où il n’existe pas de raccourci évolutif.  Bien des personnes sont fascinées par la spiritualité mais ne réalisent pas qu’il s’agit d’une voie de vie où sont refoulés les apprentis-sorciers, les fraudeurs, les fourbes, les imposteurs, les empressés.  Elles veulent développer des pouvoirs mentaux et psychiques pour se simplifier la tâche ou pour épater la galerie par leurs exploits.  N’y parvenant pas, elles en viennent à nier et à ridiculiser ceux qui continuent de suivre ce sentier.  Elles, elles voulaient percevoquete-de-perfectionir les auras pour satisfaire leur curiosité vaine ou malsaine, découvrir des filons d’or pour ne plus avoir à travailler, réussir à allumer ou à éteindre des feux pour s’amuser, réussir à lire indiscrètement la pensée des autres, faire de la lévitation pour étonner leurs voisins, etc.

En général, plus un être s‘est senti humilié dans ses résultats dans le passé, plus il en vient à vouloir devenir performant.  La performance, c’est une perversion du mental qui veut s’enfler et assurer sa pérennité, cherchant comment il pourrait se substituer à Dieu, refaire le monde à sa mesure, selon sa compréhension et ses limites.  Malheureusement, l’évolution doit d’abord être spirituelle et vise un plan prioritaire: l’achèvement du Cosmos et l’accomplissement de l’Homme.  Il n’est donc pas plus sage d’entrer sur la voie mystique simplement pour faire son salut.

La seule motivation légitime d’emprunter le Sentier mystique, c’est d’accéder à la réalisation totale dans un choix bien éclairé et librement consenti.  Autrement dit, un être doit chercher l’évolution pour apprendre à être pleinement en redécouvrant qui il est et ce qu’il est, qu’il a toujours été, mais a oublié.  La quête de la réalisation doit être une détermination spontanée et naturelle.  C’est le but même de la Vie, son seul but, du reste.  Il ne faut chercher aucune utilité à la Vie.  La Vie est, un point c’est tout.  La Vie évolue de façon naturelle et délibérée.  Mais, en cherchant d’abord à accéder à la Conscience suprême, là on peut être partout tout de suite, voir partout, participer à tout en même temps.  C’est un résultat inévitable, non le fruit d’une réponse arbitraire.  C’est le résultat du déterminisme naturel, non d’une volonté personnelle impérative.

On entre sur le Sentier spirituel pour apprendre à être pleinement en découvrant son Centre divin et en s’accomplissant par lui.  On ne peut y chercher que le pouvoir qui mène à la réalisation, guérissant par ricochet toutes les misères, dissipant la mort, annulant les distances, éliminant l’opacité et la rigidité de la matière, oblitérant ou télescopant le temps et l’espace.  Celui qui se met en route attendra longtemps le Pouvoir, résultat du Savoir, non de la force, parce que, ce qu’il doit y chercher d’abord, c’est l’ouverture de conscience, la dissolution du voile mental, l’unification en Dieu.

Lanza Del Vasto a fort bien expliqué : «Il ne convient pas de considérer si un homme est visité par des visions, des inspirations, des divinations, s’il accomplit des guérisons ou des prodiges, mais il faut considérer d’abord s’il est muni de toutes parts de solides vertus, ensuite on considérera ses extases et ses miracles sans crainte de se tromper.»  JeanPaul Oswald Wirth (1860-1943), un ésotériste suisse, avait fort bien lancé le débat quand il avait écrit : «Soucieux de se gouverner modestement lui-même en réprimant ses penchants inférieurs, le sage abandonne la domination de l’invisible aux sorciers et aux faux adeptes, occultistes prétentieux qui s’affublent de titres dénonciateurs de leur puérile vanité.»  Et il ajoute toujours avec pertinence : «Uni d’intention avec la Sagesse coordonnatrice de l’Univers, le bon ouvrier travaille à l’exécution d’un plan qui n’a rien d’arbitraire ni de fantastique.»

Sri Aurobindo Ghose met d’ailleurs en garde en ces mots: «Ce qui est interdit à quiconque ayant un fort sens spirituel, c’est d’être un faiseur de miracles qui accomplit des choses extraordinaires pour la galerie, pour gagner de l’argent, pour devenir célèbre, par vanité ou orgueil.  Il est interdit d’employer ces pouvoirs pour des raisons purement vitales, d’en faire montre de manière asurique ou de les transformer en un soutien de l’arrogance, de la prétention, de l’ambition ou de quelles autres aimables faiblesses auxquelles est encline la nature humaine.»

Surtout aujourd’hui, l’être humain aime performer, s’activer, produire, entrer en concurrence, être efficace, quitte à craquer, parce qu’il a oublié sa destination spirituelle.  Ne s’investissant dans la matière que par son mental et sa force de bras, pas étonnant qu’il cherche à se survivre de façon artificielle plutôt qu’à s’accomplir.  La majorité semble avoir oublié que c’est dans le plaisir qu’un être apprend le mieux à se dépasser car, alors, il y va à son rythme, dans le respect de ses possibilités immédiates.  En tout temps, il faut savoir ajuster ses résultats à ses potentialités, à ses capacités, à ses aptitudes.

Alors, pour en revenir à nos moutons, comme on l’a dit plus haut, en principe, la Perfection devrait désigner la réunion de toutes les qualités portées à leur degré le plus élevé.  État de ce qui atteint un degré si sublime qu’il ne peut plus être amélioré ou état d’achèvement complet dans l’excellence.  Il s’agit de la Réalité qui présente toutes les qualités ou attributs propres à son Essence.  Dans ce contexte, en spiritualité, la perfection ne peut que suggérer qu’une détermination, non de ne jamais commettre d’erreur,  mais de ne jamais faire consciemment d’erreur.

À vrai dire, il y a la perfection du moment, la Perfection qui représente l’état individuel de celui qui s’est redécouvert un Être divin parfait ou qui a réintégré la Vérité totale — à moins que, comme les entités sans destin évolutif de la Hiérarchie de support de la Création, il s’agisse de l’état d’un rayonnement habituel, plutôt intangible —  et la Perfection des Perfections, qui désigne l’Absolu.  En cela, la perfection du moment consiste à rester ouvert et attentif aux milliers de possibilités que la vie place devant soi, à chaque instant, en acceptant d’intégrer de nouvelles connaissances par l’expérience, sans juger en termes de bien et de mal.  Elle implique la compréhension du fait qu’on est toujours au bon endroit et au bon moment pour faire une prise de conscience utile à son évolution.  Alors, il suffit de rester présent à soi peu importe le choix qu’on fait pour en évaluer les conséquences pour soi.  Vivant dans le présent, on vibre de la perfection d’étudier ce qui se passe au meilleur de ses moyens et de sa compréhension.

La perfection est une notion que la plupart des gens jugent très abstraite.  Elle n’est souvent considérée que comme un objectif irréalisable duquel chacun doit se rapprocher.  Il est plus ou moins convenu que celle-ci n’existe pas, tout du moins sur Terre, «en ces bas monde».  Mais que sait-on de la perfection?  Rares ont été les recherches sérieuses relatives à ce sujet.  Sous prétexte que ce monde est, dans l’ensemble, le berceau de l’imperfection, toute perfection y serait inexistante.  C’est évidemment faux!  Cela démontre simplement qu’on se fait une fausse idée de la perfection.  Et cette image erronée empêche de la reconnaître et de s’y perdre, pour se retrouver pleinement.

Beaucoup diront naïvement que la perfection se reconnaît au moindre coup d’œil, car la perfection crève les yeux, c’est l’évidence même.  Car la perfection serait tellement différente du reste, tellement remarquable, qu’elle se reconnaîtrait immédiatement comme telle, et à l’unanimité.  Mais de telles affirmations sont autant de préjugés sans fondement.  Pour avoir une réelle idée de ce qu’est la perfection, il faut tout d’abord savoir la définir.

En effet, la perfection existe à tous les niveaux du développement d’un être en expansion, mais la perfection d’une étape ou d’un état n’a rien à voir avec celle l’œuvre achevée.  La perfection est donc un phénomène bien réel, et très peu connu, et elle ne correspond en rien à l’idéal que l’on s’en fait communément.  Bien que pour être considéré comme parfait, un être doive détenir toutes les qualités et que des qualités, celles-ci développées au maximum et dans un autre plan, selon les sujets, le mot «perfection» prend des aspects multiples et des acceptions diverses.

Pour commencer, on doit comprendre que la Perfection, qui exprime l’état le plus sublime de Dieu, en tant qu’Absolu, ou le plus achevé d’un être particulier, ne peut se mettre en mots.  Tout ce qu’on peut en dire, c’est qu’il s’agit d’un état d’absorption complet dans la Conscience cosmique, une connaissance parfaite de Dieu, la fusion totale dans l’Être-Un, la réintégration dans l’Infini, au terme d’une longue expérience qui va de l’Alpha (Point d’origine) à l’Omega (Point de réintégration).  Ce qui s’explique mieux, ce sont les moyens de parvenir à cet état grandiose.  Or, il suffit d’aimer d’amour, de reconnaître sa condition éternelle de serviteur de Dieu, d’agir pour lui sans aucune autre attente, de tout mettre en œuvre pour se connaître en activant toutes ses potentialités, de voir à ranimer en soi la conscience, d’investir tous ses moyens et ses énergies pour y parvenir.

Mais on a tort de concevoir la perfection comme un but, alors que c’est, pour ainsi dire, une voie spirituelle, mieux dit, un parcours «évolutif», une découverte constante.  À trop miser sur la Perfection ultime, un être ne parvient plus à concevoir sa perfection du moment.  Car c’est bien le cas, à chaque instant, tout être est parfait.  Et nul ne peut développer une perfection plus grande qu’en acquérant des connaissances nouvelles glanées au fil des expériences personnelles sur la Terre.  L’âme humaine aime la nouveauté, ce qui lui permet d’ajouter des cordes à son arc, en explorant toutes sortes de situations, afin d’accroître la conscience du sujet qu’elle anime.  La perfection ultime s’atteint par étapes dans cette reconnaissance profonde que tout est déjà parfait à chaque instant, que tout évolue vers un plus grand achèvement, que tout ouvre davantage la conscience à ce qui est déjà.

En elle-même, la perfection désigne une fin, un terme, un arrêt, un état statique d’accomplissement.  Il s’agit d’un état où il n’y a plus rien à faire, à apprendre, à découvrir.  C’est une illusion du mental qui cherche à éviter l’effort ou refuse de suivre le mouvement éternel.  Dans l’Éternité, la fin d’un terme ou d’un cycle évoque toujours le début d’un autre terme ou cycle.  À l’inverse, ce qui est parfait ne peut être amélioré.

L’être humain a été créé parfait, à l’image et à la ressemblance de Dieu.  De ce fait, atteindre la perfection signifie, pour lui, se souvenir pleinement de ce qu’il est déjà.  À trop chercher la perfection, un être vit dans la tension et l’angoisse, il s’isole, il se condamne à l’échec.  Le but de la vie n’est pas de devenir parfait, mais d’apprendre à être pleinement, de rester perpétuellement vivant ou vibrant, de rester en mouvement.  Dans la quête de perfection, c’est le mental qui cherche à s’accorder des vacances prolongées.  Mais, dans les faits, la perfection ne consiste pas à collectionner les vertus, mais à s’accomplir dans la Lumière.  Elle se conquiert non pas à coups de lance comme un trésor matériel, mais par l’intériorisation, une transformation radicale de l’esprit et du cœur.  Hélas, la société exige la perfection à partir des critères qu’elle a fixés, ce qui lui permet de couvrir de honte et de dénigrer celui qui ne parvient pas à se conformer à ses mœurs.

D’un point de vue réaliste, ce monde est un lieu de densité et de dualité, un monde d’apparences de labeur, de limitations, de douleurs et de souffrances, où il est difficile de concevoir la perfection.  De ce fait, on a besoin d’un point de vue transcendant pour la comprendre.  La perfection, si elle existe, c’est la vision du processus global de l’Évolution qui permet de se voir soi-même et le monde avec un cœur ouvert pour percevoir que toutes les joies et les peines ont un sens, que tout arrive dans un ordre parfait et prépare un grand but ultime.  Cette idée de processus évolutif est particulièrement utile aux perfectionnistes et aux idéalistes qui développent leur obsession jusqu’à la manie du détail.

D’un point de vue réaliste, il n’y a rien de parfait ni de correct dans les douleurs et les souffrances du monde, mais, quelque part, il existe une justice invisible, immanente, voilée dans la Causalité.  On ne peut le comprendre qu’en sautant dans l’inconnu, au-delà du corps, de l’entendement, de sa vie, de son drame, de sa conscience sociale, pour embrasser tout ce qui est.  Mais on n’en garde pas moins l’impression que le Tout reste aussi indifférent au drame de l’être humain que l’êtrediamant-parfait humain à celui de la fourmi.

Pourtant, si on accepte une perfection ultime, on peut au moins, malgré les apparences et la peur qu’elles engendrent, trouve une certaine sérénité ne pensant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.  Voilà qui peut même stimuler à amener plus de vérité, de bonté et de beauté dans le monde, à devenir plus responsable, à trouver de meilleures réponses aux dilemmes quotidiens.  Car on ne peut soulager la souffrance d’autrui tant qu’on n’a pas apaisé les siennes.  Il y a une perfection même dans un processus de tâtonnement et de croissance, car l’Évolution répond à des lois.  On peut en tirer l’intime conviction en observant que les leçons que l’on tire chaque jour de ses expériences surviennent toujours au bon moment, au bon endroit et de la meilleure manière.  La foi parfaite reconnaît que l’entendement ne peut savoir, comprendre ni deviner ce qui est ou ce qui n’est pas pour le plus grand bien.  Tout est simplement en mouvement et en changement constant.

En passant, en spiritualité, la pyramide dans le cercle exprime la Perfection divine dans le sens de Fusion de l’Esprit de Vie et de la Nature, expression de l’Absolu, le Moteur non mu qui meut tout.

© 2013-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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