«LE MÉDISANT A LE DIABLE SUR LA LANGUE, ET L’ÉCOUTANT L’A DANS L’OREILLE…

Mensonge, calomnie, dénigrement, mensonge, diffamation… des sports sociaux populaires!  Qui n’a jamais médit?  Aussitôt que deux ou trois personnes se réunissent, le risque devient évident que l’un ou l’autre commence à dire du mal d’autrui, à déblatérer sur lui, à le dénigrer, à lui casser du sucre sur le dos.  Car, dès que le mental ne sait pas ce qu’il en est d’une réalité, puisqu’il ne peut pas rester inerte, il se met à inventer et à imaginer, il émet des hypothèses, projection d’une anticipation, érigées sur ses connaissances d’une situation antérieure similaire, mais qui doivent servir à son avantage.  Le mental a horreur du vide et du silence, d’où il pousse un être à le meubler de toutes les manières possibles, souvent à parler trop vite,   medisancenotamment en cherchant le dialogue qui tire de l’ennui, la discussion qui lui permet d’étaler ses prouesses intellectuelles dans une joute oratoire ou la stigmatisation qui permet de se hausser artificiellement aux yeux des autres.

Du reste, cela fait du bien de vider son sac, de soulager une frustration, même si cela écorche plus ou moins gravement quelqu’un au passage.  C’est du reste ce qui fait le succès de la presse à sensation, des journaux à potins, des tribunes téléphoniques, des forums de discussion, des réseaux sociaux, des émissions de téléréalité et des bulletins de nouvelles, portés à rapporter, de préférence, les événements négatifs et émouvants  : le goût d’espionner la vie d’autrui, de comprendre le monde, d’entendre des ragots ou de répandre des rumeurs.  Même si on ne corrige rien, en offrant une solution de rechange, cela permet de dévier l’attention sur autrui, de combler un vide intérieur, de masquer le manque d’intérêt de sa personne ou de sa propre vie.  On a beau savoir qu’on dit du mal, on parvient difficilement à se retenir de cancaner.

La médisance consiste à tenir des propos malveillants à l’endroit de quelqu’un, comme révéler ses défauts, dire ce qu’on sait sur lui ou ce qu’on croit savoir, dans l’intention de nuire.  À la calomnie, qui consiste à propager une fausse accusation qui blesse la réputation ou l’honneur, elle ajoute le fait que ce qui est répandu peut-être vrai, mais qu’il n’est pas légitime que cela soit révélé.  Ainsi, médire revient à dire, en l’absence de quelqu’un, ce qui ne lui plairait pas et qu’il ne tolérerait pas.  Du reste, émettre des propos négatifs sur autrui, même s’ils sont fondés, c’est un acte condamnable, c’est une transgression à la loi de l’Amour, de la Non-ingérence  et de l’Innocuité.

La Loi requiert que chacun se mêle des ses propres affaires et le fasse au mieux, ce qui lui laisse peu de temps pour médire ou calomnier.  Car, dans une lapidation du genre, il n’y a que celui qui est sans péché qui peut lancer la première pierre, ce qui, en raison des multiples travers d’une humanité en évolution, désigne peu de candidats aptes à le faire.  Un être n’est autorisé à intervenir dans la vie d’autrui que dans la mesure où il peut ajouter quelque chose à sa sécurité, améliorer son bien-être ou l’aider à mieux assurer ses intérêts.  Par ailleurs, celui qui laisse médire quelqu’un en sa présence sans intervenir s’associe à la faute du médisant.  Surtout que son silence l’encourage à en rajouter.  Car, s’il n’y avait pas d’auditeurs pour l’écouter, nul ne songerait à médire sur autrui.  Aussi convient-il de le rappeler promptement à l’ordre en lui signifiant que si ce qu’il veut dire est aussi important, il est probable que c’est la personne concernée qui pourrait en faire le meilleur usage.  Un être doit reconnaître que celui qui s’adonne au vil jeu de la médisance ne peut que lui servir la même médecine dès qu’il a le dos tourné, ce qui pourrait l’encourager à lui rendre sans remords la service proposé.

Proférée en l’absence du concerné, la médisance consiste à partager des petites et de grandes méchancetés sur le ton de la confidence pour s’attirer des alliés ou renforcer des complicités.  En la matière, il paraît que l’échange de remarques négatives soude plus sûrement que celui de remarques positives, parce qu’il permet à chacun de se sentir, pour un moment, supérieur à celui qui est pointé du doigt.  Dans l’état actuel de la nature humaine, détester en commun engendre des liens plus forts que de parler d’amour et de paix ou de se réunir en silence.  Sans compter que chacun trouve son petit frisson dans la transgression d’une norme sociale ou morale qui impose de dire du bien des autres, de les ménager, de leur témoigner de l’amabilité en tout temps, de savoir tout pardonner.

Dans un groupe, psychologiquement, le fait de dire d’un bien d’un autre n’est pas plus anodin puisqu’il peut facilement éveiller l’envie ou la jalousie de l’un ou de l’autre des interlocuteurs, le forçant inconsciemment à se comparer et à se rabaisser, et, s’il échoue dans son stratagème, à déprimer dans la mesure de la chute d’estime de lui-même et de confiance en lui-même.  Sans compter que, en pareil cas, si un être ne se permet que d’en dire du bien, au départ, dès que la conversation se prolonge, il succombe à la tentation d’en dire un peu de mal, comme pour rétablir l’équilibre quelque part.  Si ce n’est pas l’un, c’est un autre qui s’en chargera avec plaisir.  En outre, selon le degré d’amour-propre de chacun, de tels propos peuvent finir par éveiller l’hostilité, car nul interlocuteur n’apprécie qu’on dise longtemps du bien d’un autre, sans l’inclure dans ces éloges.

À vrai dire, si quelqu’un se charge de médire, c’est forcément qu’il y trouve un bénéfice.  Il se peut qu’il déblatère ainsi sur autrui parce, dans sa frustration, suite à la négation d’un droit, à un refus, à un acte présumément malveillant, il intervient comme en état de légitime défense, au lieu de chercher à comprendre pourquoi l’autre a agi comme il l’a fait ou pourquoi il s’est attiré une telle situation.  Dans une réaction primo primi, il serait simplement porté, d’abord, à vider son sac, à projeter ses torts, par interposition de personnes, plutôt que de les admettre et d’en tirer une leçon de vie.  Car celui qui médit se considère toujours comme une victime, comme le gentil qui se reconnaît en droit de remettre un méchant à sa place dans l’esprit des gens : il agit dans la volonté plus ou moins délibérée de rabaisser ou de détruire dans une réaction ou une rétorsion perçue comme nécessaire.  Il cherche à se faire bien voir et à marquer des points auprès de ses auditeurs.  Il cherche à faire partager son aversion envers la personne injuste qui lui a causé un préjudice.  Ou il exprime simplement son mépris ou son antipathie.  Il croit pouvoir se soulager sans faire de mal puisque les propos qu’il tient ne sont pas censés se rendre au destinataire.  Ou il peut tenter de se justifier de ses échecs en laissant entendre que l’autre n’a pas vraiment mérité son succès.

Mais il peut encore y avoir, dans la médisance, le plaisir d’attiser la curiosité ou de monopoliser l’espace de la parole pour grandir en popularité.  Même si un être ne peut s’empêcher d’être subjectif et partial, il lui est toujours agréable de signaler, par ses propos fielleux ou venimeux, qu’il détient des informations privilégiées ou de première main.  Et chacun prise toujours autant de donner l’impression d’être mieux que la personne qu’il attaque.  Mais il se peut qu’un être médise simplement parce qu’il a du mal à s’en retenir du fait que, au cours de son enfance, dans son milieu, il a toujours vu les gens médire plus ou moins dans l’impunité.  Alors, il ne reproduirait ce comportement que par imitation.  La médisance permet encore de rigoler entre copains ou intimes, ce qui dégage du stress et renforce les liens, par la connivence.  En se payant la tête des autres, à partir de points de répugnance communs, si on rencontre un assentiment, on renforce le lien social, on connaît mieux ses potes et on parvient à filtrer les normes d’un groupe.  C’est le rôle de la tête de Turc, du bouc émissaire et du mouton noir.  Chacun croit pouvoir survivre à ce qu’il immole, tentant de l’éliminer symboliquement.  Il peut encore s’en servir pour se rassurer sur sa normalité ou pour rehausser son statut social.

Peu importe sa raison de médire, un être gagnerait à comprendre les mécanismes psychologiques qui interviennent alors et qui ne proclament pas sa gloire.  Dans  cette manie d’étaler les erreurs ou les travers d’autrui, il oublie les siens.  Il vise toujours ceux qui pointent ses défaillances, ceux qui lui font de l’ombrage, ceux qui le touchent dans ses points de fragilité ou de vulnérabilité.  Celui qui scrute la paille dans l’œil du voisin s’allège temporairement du poids de ses poutres.  Mais, surtout, il est porté à projeter sur l’autre ce qu’il n’accepmedire-imageste pas de lui-même, mais ne veut pas voir.  Nul ne pourrait critiquer un autre sur un point sans porter l’équivalent d’une manière ou d’une autre parce qu’il ne pourrait pas se prononcer et ne penserait même pas à le faire.  Ce qu’un être trouve irritant chez autrui ne lui révèle jamais que ce qui le gêne personnellement parce qu’il y trouve un reflet de lui-même dans ce qu’il est ou a été.

Dans ce soulagement dérivatif, mais illusoire, un être se parle de lui-même et il gagnerait à le reconnaître pour mieux se connaître et grandir.  Car, dans la médisance, il se compare toujours à quelqu’un pour vérifier où il en est dans le regard d’autrui.  S’il le comprenait, il découvrirait sur quoi travailler dans l’immédiat, au lieu de s’en prendre à des bourreaux présumés.  Comme il a été dit plus haut, d’emblée, il témoigne du fait qu’il lance un signal de détresse en raison de son manque d’estime personnel ou de confiance en lui-même.  En réfléchissant le moindrement, il pourrait parvenir à cerner ses émotions et à rationaliser ses problèmes.  Dans la médisance, un être cache presque toujours la crainte qu’un autre ne parvienne à prendre sa place, ne grandisse plus que lui dans l’estime d’autrui ou qu’il ne réussisse à l’amoindrir aux yeux des autres.  Mais le plus grave, c’est que, la plupart du temps, il se contente de répéter ce qu’il a entendu dire, ce qui peut-être sans fondement.   En pareil cas, il s’agit d’une stratégie de faible, de fourbe et de lâche puisqu’elle s’appuie sur des mensonges qu’il raconte aux autres autant qu’à lui-même.

Dans la médisance, un être oublie les défauts sur lesquels il devrait précisément travailler, parce que s’il met ceux d’un autre en exergue, pour oublier les siens.  Tant de gens épient la conduite d’autrui simplement pour avoir quelque chose à raconter et se montrer intéressants.  En détournant l’attention sur un autre, ils oublient à quel point ils sont vides ou dans quelle mesure leur vie est ennuyeuse.  Ils expriment leur peur de s’affirmer dans leur réalité parce qu’ils redoutent que les autres ne trouvent pas d’intérêt dans ce qu’ils peuvent raconter d’eux-mêmes.  À moins que, par envie ou jalousie, ils ne vivent que dans la frustration permanente ou dans celle d’un domaine particulier.

                Lanza del Vasto a su dire : «Il y a chez tout médisant un justicier qui joue. Le médisant se pose toujours en juge. Mais c’est un juge qui frappe et condamne au petit bonheur.  Pour se donner le plaisir de se sentir au-dessus de sa victime et de taper sur elle. C’est aussi un juge sans détachement, un juge qui n’instruit pas le procès qu’il tranche, un juge futile et qui ne châtie pas ceux qu’il condamne, qui ne redresse aucun tort et ne portera aucun apaisement aux disputes. Nul jamais n’est devenu meilleur de ce qu’on ait dit du mal de lui en son absence: l’indélicatesse du procédé constituant par elle-même une offense, l’accusé se hausse à ses propres yeux au rang de victime innocente, même si par hasard les infamies qu’on dit de lui sont vraies. Certains médisants se défendent en affirmant qu’ils ne disent que des vérités sur tout le monde et que c’est un devoir de dire toujours et partout la vérité. Mais c’est une hypocrisie de plus: la vérité est tout autre chose qu’un bavardage d’oisif et un secret honteux. Il faut de tout autres méthodes pour la connaître, un autre cœur, un autre esprit pour l’avoir et pour le dire; elle est vivifiante, impersonnelle et désintéressée.»  Balzac a écrit:«“On dit” et “peut-être” sont les deux huissiers de la médisance.»  Et un proverbe chinois rappelle la loi du Juste Retour : «Qui s’endort médisant se réveille calomnié.»

Des historiens rapportent que  Socrate, le philosophe grec, avait trouvé une stratégie intéressante pour éviter de prêter l’oreille à des médisances. Un jour, quelqu’un vient le trouver et lui dit: «Sais-tu que j’ai appris une nouvelle qui concerne ton ami!»

   — «Attends un instant, répond Socrate, avant de transmettre une nouvelle, je voudrais qu’elle passe l’épreuve des trois filtres.  Tout d’abord celui de la vérité: as-tu vérifié si ce que tu me racontes est vrai?»

   — «Non, je l’ai seulement entendu dire.»

   — «Alors, prenons le deuxième filtre, celui de la bonté.  Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien?»

   — «Non, pas du tout, il paraît qu’il a mal agi!»

   — «Ainsi tu veux me raconter de mauvaises choses sur mon ami et tu n’es pas sûr que ce soit vrai!  Il reste encore le filtre de l’utilité: est-ce utile pour moi de savoir ce qu’a fait mon ami?»

   — «Pas vraiment

   — «Alors, conclut Socrate, si ce que tu veux me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi me le faire savoir.  Et toi aussi, tu ferais mieux de l’oublier

Les gens ont beau dire : «Qu’on parle de moi en bien ou en mal, cela m’indiffère», que ce n’est pas vrai.  La médisance blesse toujours à divers degrés, en plus de souiller celui qu’elle atteint, s’il n’a pas vu venir pour se protéger.    En raison de la montée de la Lumière, dans certains milieux, qui grandissent sans cesse, la médisance est de plus en plus perçue comme de mauvais genre et, émédisance-images2veillant la suspicion, elle est promptement sanctionnée par la mise à l’écart.  D’ailleurs, n’importe où, si les gens parviennent à percer les intentions du médisant ou à découvrir son tort, ils ne peuvent que mettre en doute son authenticité, sa loyauté ou sa crédibilité et s’écarter de lui.  Et c’est tout le danger de la médisance que, avec le temps, le piège en vienne à se refermer sur celui qui s’y adonne de façon coutumière.  Sans compter que certains propos peuvent faire l’objet d’une plainte qui peut être suivie d’une réprimande, d’une sanction ou d’une poursuive judiciaire.

Tout finit par se savoir!  Alors, même en dehors d’interventions de ce genre, en plus de salir la personne concernée, de ternir sa réputation, de lui causer des dommages psychologiques, la médisance dégrade l’ambiance d’un cercle de relations ou d’un milieu de travail et elle en affaiblit le rayonnement, réduisant ses chances d’expansion.  Mais elle avilit tout autant celui qui médit que celui qui l’écoute sans protester, ce qui, dans la troisième dimension, ne peut empêcher une compensation karmique.  N’est-ce pas se compliquer la tâche à un moment où chacun a si besoin de maintenir un taux vibratoire élevé pour s’assurer qu’il réussira à franchir le Seuil de l’Ascension à l’heure fatidique?  Et est-ce se faire moralisateur que de le rappeler?

Comme on ne critique jamais que les personnes qu’on envie, on gagnerait à apprécier la pertinence de ce proverbe chinois, qui se démontre souvent vrai : «Qui médit de moi en secret me craint; qui me loue en face me méprise.»

© 2012-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.  

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