LES RELIGIONS DIVISENT PLUS QU’ELLES N’UNISSENT, CE QUI EN FAIT DES RÉALITÉS DÉPASSÉES…

Il doit exister près de trois trillions de religions sur la planète et chacune des sectes religieuses dit parler au nom de Dieu.  N’est-ce pas intriguant?

«Toutes les religions ont raison dans ce qu’elles affirment et tort dans ce qu’elles nient» disait le Frère Lao.  Très sage, Ramakrishna recommandait: « Ne discutez pas les doctrines et les religions, elles sont une. Toutes les rivières vont à l’océan. La grande eau se fraie mille chemins le long des pentes. Selon les races, les âges et les âmes, elle court en des lits différents, mais c’est toujours la même eau.»  Quant à Paul Claudel, il s’est permis d’affirmer: «Tout ce qui monte converge.»  Ainsi, dans le présent texte, il n’est pas question de dénigrer les religions ni de tenter de décourager un fidèle dans sa foi, puisque la religion et la spiritualité ne s’opposent pas et que la foi qu’il a adoptée ne peut empêcher celui qui est ouvert d’esprit de parvenir à la Maîtrise suprême.  Sauf qu’il doit comprendre que toutes les religions s’équivalent, que nulle n’est supérieure à une autre, pas même les religions monothéistes sur le polythéisme, l’animisme ou les religions primitives, qu’on a considérées, à une époque, comme idolâtres ou hérétiques.

Par définition, la religion, qui vient du mot latin «religare», qui signifie «relier», désigne la fonction éternelle de l’être qui consiste dans le service spirituel et absolu de Dieu dans l’amour et la dévotion.  En principe, comme elle devrait se fondre dans le mot spiritualité, elle devrait orienter vers le Bien supérieur, assurer l’accomplissement spirituel, permettre la rencontre avec le Créateur et opérer la fusion du Moi et du Soi, de l’être humain avec son Étincelle divine.  Dans cette conception, elle exprime l’état vécu par celui qui croit et fait confiance sans réserve aux Forces spirituelles de religionsl’Arbre de Vie, capables de vivifier, de guérir et de réaliser.  L’Évolution vise l’éveil de l’Étincelle de vie en chacun, portant, au moyen de l’apprentissage de la résolution et de la conciliation des oppositions apparentes, à la Réalisation parfaite ou à la Maîtrise totale, ce qui représente le résultat de la connaissance intégrale de sa Réalité originelle.  Donc, elle devrait tirer l’être humain de l’apathie, du désabusement et de la résignation à son sort par une prise en charge de son propre destin.  En cela, essentiellement, nul n’a besoin d’un intermédiaire, puisqu’il peut s’y appliquer selon son inclination personnelle, selon ses moyens, selon sa nature spécifique et selon son propre rythme.  Autrement dit, l’être humain peut vivre une spiritualité parfaitement naturelle sans le support d’une religion.

Les Bauls du Bengale, des yogis qui se disent les «fous de Dieu», ne craignent pas de dire : «Nous n’adorons aucun dieu, nous n’appartenons à aucune caste, et nous n’acceptons pas de faire partie de tout système qui pousse les êtres à se battre entre eux.  Notre culte est celui de l’être humain.  Nous n’avons pas besoin de divinité, de mosquée, d’église ou de tout autre lieu de culte.  Nous prions pour l’être humain et souhaitons ainsi le rendre heureux, lui apporter la joie intérieure.»  La liberté et la communion, voilà le fondement des Bauls.  Nous les citons parce que nous pensons comme eux.  La vie spirituelle n’est pas liée à des rites, ni à une religion, elle se vit à chaque instant de façon toute naturelle en se concentrant sur le moment présent, pour le vivre au mieux de sa conscience.  Elle se vit à l’intérieur de soi, dans la présence profonde de l’âme.  Elle se manifeste par une qualité de paix et d’adaptation dont les enfants sont un exemple.  Ils sont si proches de l’évidence qu’ils révèlent une sagesse naturelle que nous avons tous dès la naissance.  En libérant l’esprit nous ouvrons notre cœur. Il existe en chacun de nous un espace d’innocence et de bienveillance, qui s’appelle le cœur profond.  C’est le «lieu» de l’émergence spirituelle. La spiritualité est une démarche de conscience.  Une spiritualité authentique ne peut être que simple et accessible. Elle doit conduire à un épanouissement, une confiance et un amour toujours plus pur.  Même si le diamant est perdu sous la poussière vous pouvez quand même le retrouver. Et la plus grande joie de la vie, c’est de le redécouvrir.

La spiritualité correspond à un éveil de la conscience, un épanouissement de l’être, un réveil.  L’être humain se doit d’unifier ses capacités analytiques, intuitives et créatrices pour tendre vers l’épanouissement.  La spiritualité est  indispensable à la pleine croissance de l’être.  Ce n’est pas seulement un développement intellectuel, ni une adhésion idéologique.  Il s’agit plus exactement d’une expérience de vie qui conduit à une véritable ouverture du cœur.  L’expérience spirituelle est universelle, elle n’est pas réservée aux religieux.  L’être humain peut s’ouvrir à plus grand que lui, hors des cadres de la religion.  Il ne s’agit pas de renier le phénomène religieux, mais d’observer la réalité.  La conscience n’est pas limitée par l’ego.  L’évolution de la conscience conduit chacun à réintégrer sa dimension de profondeur, c’est-à-dire à développer une véritable Science spirituelle universelle.

Il est étrange que les personnes d’une religion se méfient parfois des autres religions, ou même, les méprisent.  Cela arrive aussi à l’intérieur d’une même religion.  Face à des personnes qui n’ont pas la foi religieuse, cette méfiance ou ce mépris peuvent devenir encore plus forts.  De même, les personnes peu attachées à une religion se méfient parfois des personnes croyantes pratiquantes, ou même les méprisent, pouvant les croire des faibles d’esprit.  Il en résulte parfois des frictions, des conflits ou pire, des violences.  Et ce faisant, les personnes concernées se retrouvent en contradiction avec leurs propres valeurs.  Pourtant, si des personnes qui se croient si différentes, culturellement ou sur le plan de la foi, dépassent leur méfiance pour échanger sur les valeurs humaines de l’un et de l’autre, elles découvriront à quel point des personnes si différentes partagent et vivent des valeurs communes.

L’évolution des religions…

Au cours des âges, aucune religion n’est vraiment parvenue, dans aucune race ni aucun pays, à faire comprendre le véritable sens de la démarche évolutive à l’être humain, comme aucune d’elle n’a finalement survécu à l’apparition d’autres formes de spiritualité.  Car toute religion ne tarde pas à se substituer à l’individu et à lui imposer ce qu’elle croit qu’il devrait faire, selon sa propre interprétation, qu’elle superpose, d’autorité, au-dessus de la sienne.  En peu de temps, elle demande à tous de la croire sur parole, de tirer des leçons de l’expérience d’autres entités, présentées comme idéales, d’accepter des conclusions extérieures à son vécu, d’explorer d’abord les pensées d’autres penseurs et de les adopter comme siennes.  Toute religion cherche à convaincre de ses dogmes plus qu’elle n’aide ses fidèles à trouver leurs réponses en eux-mêmes.  Ainsi, elle se substitue à leur Divinité intérieure et elle retarde leur expansion.  Elle cherche à les amener à se conformer à ses valeurs au lieu de les aider à se réaliser dans une démarche d’individualisation.  Pour ce faire, elle présente un ensemble de doctrines et de pratiques qui visent à établir les meilleurs rapports de l’être humain avec la Puissance divine, mais elle contribue davantage à perpétuer des concepts de vie stéréotypés et standardisants, portés à se figer, d’où elle écarte du mouvement de la vie dans l’immédiateté et met en marge de l’Évolution cosmique.

Chaque religion a élaboré un code de comportement relativement acceptable pour la conduite des réalités du monde à partir de prescriptions et d‘interdits.  Mais la formule du salut ou de la réalisation varie selon chaque «foi» qui ne s’en dit pas moins la seule vraie.

Au plan historique, on émet la probabilité que la religion serait née de la magie, de cette croyance vague à des Forces surnaturelles ou supra-humaines émanant du monde ambiant, des Forces subtiles souvent incontrôlables, pour lesquelles on ne trouvait pas d’explication rationnelle, ce qui a amené à conclure qu’elles transcendaient la raison.  Naturellement, l’être humain éprouve, en présence de certains grands phénomènes naturels, un sentiment qui peut varier de la simple considération à l’admiration béate, à la mystification ou de l’inquiétude à la terreur, d’où il est porté à les respecter, à les magnifier, à les glorifier, à les déifier, à tenter de s’attirer leurs bonnes grâces.  Alors, il ne lui reste qu’un pas à faire avant de les adorer, de les flatter, de les implorer, de les révérer, dans une tentative de les amadouer, de s’attirer leur pitié, d’obtenir des privilèges, de mériter leur protection ou de gagner leur collaboration.  C’est justement au moment où il déifierait ces phénomènes naturels et où il établit avec elles une transaction que le sens de la magie se transmuerait en religion.

À ce stade, la communauté ne tarde pas à instituer, progressivement, un agent de culte et une classe sacerdotale chargée d’inventer des symboles, des rituels, des cérémonies, des prières, des règles de conduite susceptibles d’apaiser les dieux, de les rendre propices, d’aider à se rapprocher d’eux, de demander leur intervention tutélaire ou leur assistance puissante.  Joignant la pensée à l’acte, elle commence à inclure dans ses hommages les meilleurs produits de la Nature, considérés comme agréables aux dieux, puisqu’ils le sont pour soi et qu’ils semblent provenir d’eux.  Elle se met à leur offrir ses plus beaux fruits, des fleurs magnifiques, des parfums rares, des fumées aromatiques, parfois des animaux ou des victimes du clan.  Elle finira par multiplier les cérémonies, les rites, les rituels, les sacrements, les fêtes pour marquer les étapes importantes des cycles naturels et des cycles de la vie humaine.

Sous l’aspect ésotérique, la spiritualité enseigne que le Grand Maître solaire prépare un Pasteur spirituel, par l’Illumination, au cours de chaque cycle de mille ans et qu’il l’envoie, comme un Avatar incarné, fonder un nouveau courant spirituel dont les êtres humains font rapidement une religion.  Le rôle de ce Berger de Lumière consiste à transmettre les enseignements du Grand Esprit solaire et à rappeler les moyens de parvenir au salut (la Sortie de la Roue de la Vie ou la Libération transcendantale).  Ainsi, à chaque millénaire, un Maître cyclique opère les correctifs intérieurs ou les modifications spirituelles susceptibles d’ajuster les religions au degré d’évolution acquis par l’Humanité.  De ce point de vue, à un certain niveau, toutes les religions sont animées par le même Esprit ou la même Essence.  Un Maître spirituel peut être révéré dans une religion, un autre Maître dans une autre, mais cette vénération ne doit pas dégénérer en conflit spirituel ni en guerre de religion.  En effet, tous les rayons proviennent du même Esprit solaire.  Malheureusement, les êtres humains entrent dans la confusion à propos des noms qu’il porte et ils commencent à se chamailler à leur propos.  Ce faisant, ils blessent le Grand Esprit, leur Père-Mère commun, qui est amour et qui, par amour, leur envoie des Guides pour éclairer la Voie de l’Évolution collective.

En effet, on peut croire que la religion naît naturellement chez l’être humain incarné en raison des souvenirs vagues, souvent exprimées en nostalgie, du Paradis perdu, de sa propre origine divine et, du coup, de l’existence de l’Absolu, le Dieu des Dieux.

Dans l’Esprit, il n’y a pas d’identité, de limite, de séparation.  Par l’amour seul, un être peut comprendre que l’Univers est une grande entité qui forme un tout unique.  Ce sont les êtres humains qui, par leur mental, morcellent et divisent, imposant des limites, des critères et des frontières.  À ce chapitre, les religions, qui posent des balises psychiques, empêchant de vivre en paix, sont plus dangereuses que les gouvernements qui établissent des bornes territoriales.  Qui comprend que le sens de toute religion est de s’unir au Créateur dans l’amour, saisira qu’il est nuisible d’entrer en concurrence avec une autre.  Il est toujours pernicieux de s’opposer à un autre pour imposer une supériorité présumée, dans une tentative d’établir quelle est la meilleure religion, quel est le meilleur message, quel est le plus grand fondateur de religion, quelle est l’Église la plus puissante et la plus nombreuse, quelle est celle qui est présente dans le plus de pays, etc.  Du seul fait d’appartenir à une religion, un être devrait être invité à l’acceptation des différences, à une vie paisible, à une attitude de bonté, à un comportement de compassion, à une activité honnête, en répandant l’amour.  Car il n’y a qu’un seul Dieu, le même pour tous, qui est l’Intime puisqu’il habite partout, surtout le cœur de chacun.

Pour ce qui concerne la période historique, on constate que les diverses cultures ont varié les manières et les moyens d’établir une communion, d’abord avec les dieux, puis, depuis l’avènement du monothéisme hébreux, avec Dieu, alors appelé «Jéhovah».  Ces manières et ces moyens sont aussi diversifiées que les religions qu’elles ont instituées et elles sont aussi souples ou rigides que leur imagination.  Leurs hommages ont pu s’adresser à une collectivité de divinités ou, simplement, à l’Être suprême ou à l’Être-Un.  Mais le plus amusant, c’est que chacune des religions a tenté de faire entrer Dieu dans des catégories limitées, alors que chacune assure qu’il est bel et bien illimité et infini.  D’autre part, par anthropomorphisme, chacune est portée à attribuer à ses divinités des penchants humains, ce qui ne semble pas altérer leur puissance ni leur gloire.  De tous temps, l’être humain à tenté de rabaisser la Divinité à sa mesure au lieu de s’élever à sa stature.

En fait, s’adressant à la masse, toute religion présente au monde les éléments exotériques, relevant de la dualité, ramenés à un commun dénominateur, s’appuyant sur les phénomènes, les effets et les reflets de la réalité extérieure et de certains éléments apparemment transcendants, de manière à convenir à la plus grande partie de la masse.  Elle impose une dévotion purement sentimentale pour trouver l’accord avec le Créateur et obtenir son salut dans des rites, des rituels, des dogmes rigides, des prescriptions figées.  Elle s’accompagne diversement d’une ambiance feutrée ou exubérante, accompagnée de parfums et de bougies, de sons de cloche, d’attitudes mièvres, de danses de pratiques extérieures.  Voilà pourquoi elle peut conduire à des aberrations du genre de la pensée magique, de la notion de miracle, de la multiplication des mystères, de la croyance naïve, de la religiosité et de la foi aveugle.  Quant à la spiritualité, telle qu’elle est présentée par les Écoles initiatiques et la Métaphysique, elle fournit les éléments ésotériques, s’appuyant sur les causes, les principes intérieurs,  donc sur la Réalité spirituelle immuable.  De ce fait, elle engendre une pensée rationnelle et une sensibilité intuitive, appelant à du naturel et du spirituel, ne divisant rien en profane et en divin.  Ainsi, plus exigeante, elle s’adresse à une élite plus évoluée.

Mais la spiritualité naturelle ne s’oppose à aucune religion si celle-ci fournit une motivation suffisante au dépassement en présentant un système de valeurs élevées.  Même qu’elle cherche à tout fusionner dans l’Unité de Dieu, l’exotérisme comme l’ésotérisme.  En poursuivant son évolution spirituelle à travers la métaphysique, donc par la Voie de la spiritualité, tout être peut parvenir à mieux comprendre les fondements voilés de sa religion et les dévoiler progressivement à son milieu.  Car, là où la majorité des religions trouvent des contraires apparemment inconciliables et conçoivent partout du mystère, le spiritualiste ne trouve que des oppositions apparentes, toujours compatibles et complémentaires, de la Vérité absolue.  Surtout, elle n’admet pas que le Créateur ait voulu cacher une aussi large part de sa Sublime Réalité à sa créature, créée à son image et à sa ressemblance, d’où elle propose le Sentier évolutif comme une œuvre de connaissance intérieure ou de redécouverte de son Être total.

Toutes les religions traduisent, dans des formes différentes, un même besoin essentiel, une même aspiration fondamentale de l’être humain, celle d’atteindre la Perfection dans un contact plus intense et plus intime avec le Créateur unique.  Hélas, les Églises se sont constituées sous forme d’organisations ou d’entreprises qui ont dégénéré en s’arrogeant le contrôle exclusif du sentiment religieux et du développement spirituel.  De nos jours, surtout dans les religions chrétiennes protestantes, elles cherchent à créer de l’emploi et à établir une hiérarchie à la manière d’un club privé ou d’une entreprise commerciale.  Très peu d’églises sont constituées de manière à fournir de l’information valable aux gens : elles agissent plutôt comme des bureaux de propagande voués à la promotion vantarde de leurs propres mérites.  Ainsi, la majorité d’entre elles entretiennent dans la peur, la dépendance, l’intolérance, et elles écartent les êtres humains de l’amour, du pouvoir et de l’acceptation de la Réalité divine telle qu’elle est, au-delà des apparences.

Le pire, c’est quand une religion, se prétend l’entité d’exception ou la religion élue du Créateur et qu’elle refuse de fusionner avec les autres dans la Religion unique, en s’engageant entièrement, dans le service d’amour et de dévotion, à l’Évolution de la planète et de l’Humanité.  Car il n’existe qu’une seule Religion, universelle, et c’est celle de l’Amour, de l’amour de soi, de l’amour d’autrui et de l’amour du Tout.  Alors, s’opposant aux autres, les contemplant avec vanité, prétention, arrogance ou mépris, elle devient un rempart d’obscurité qui freine l’envol des âmes et qui retarde leur Libération spirituelle.  Secrètement, elle entretient un sectarisme qui divise les êtres humains.

La religion et la spiritualité…

En principe, la spiritualité et la religion ne devraient faire qu’une seule et même chose, un apprentissage de la manière d’être totalement.  La spiritualité, telle que la proposent les Écoles initiatiques ou la Métaphysique, ne s’oppose en rien à aucune des religions, même qu’elle peut aider à mieux les comprendre et à mettre leurs messages en pratique de manière plus salutaire.  Mais, comme le Savoir doit dissiper l’ignorance, notamment les superstitions, la Métaphysique doit affirmer de façon péremptoire qu’aucune religion n’a été institué par Dieu, qu’elle est l’œuvre d’êtres humains, surtout des disciples de ses Grands Émissaires ou de ses Sublimes Avatars.  Elle doit inviter à comprendre les Textes sacrés au niveau de l’Esprit, non à celui de la lettre.  Que le Créateur suprême ne soit pas l’Auteur direct des religions ressort clairement du fait que chacune d’elles, qui réclame sa catholicité (son universalité) et son orthodoxie (sa conformité et sa licéité) de lui, s’opposent plus ou moins largement aux croyances des autres et refusent obstinément de vraiment coopérer avec elles.  En général, derrière les apparences, les grandes religions se méprisent et elles se traitent de manière fort condescendante puisque, dans leur prosélytisme, elles ne peuvent s’ignorer.

La spiritualité aborde les aspects de la vie sous l’angle de Lois cosmiques immuables, régissant le mouvement de l’Énergie divine.  Les Lois cosmiques, qui expriment le Vouloir divin, par l’Amour pur, aident à atteindre l’équilibre et l’harmonie par la voie du Juste Milieu.  Quant aux principes moraux des Églises, ils édictent des prescriptions et des interdictions identiques pour tout le monde qui pourraient aller jusqu’à impliquer le salut ou la damnation individuelle.  Au niveau de la pensée, à l’intérieur de la métaphysique, qui est une branche de la philosophie, chacun est libéré de toute entrave dogmatique, parce qu’il est accepté comme doté du libre arbitre.  Il n’est appelé à accorder son allégeance à un Être suprême que dans la mesure où il en perçoit l’existence, y trouve des avantages et y assure son intérêt.  Il peut penser et agir comme il l’entend, se laissant guider par sa vérité qui, de toute manière, le guide lentement vers la Vérité ontologique, une Vérité unique.  En spiritualité, rien n’est jamais dicté ni imposé, tout est libre.  Le pire qu’il puisse arriver à un être, s’il se méprend sur sa manière de vivre, c’est de régresser et de voir les obstacles augmenter, ce qui l’amènera tôt ou tard à se poser les bonnes questions et à comprendre le sens de la vie.  Alors, il devra probablement partir de plus loin, derrière, sur le Sentier de l’Évolution, lorsqu’il décidera de prendre la bonne direction, celle de la conformité aux Lois cosmiques et aux principes spirituels.  Mais cette direction lui sera présentée par les effets de la Causalité, non par des menaces.  Or la Causalité ne vise jamais à punir, elle ne vise qu’à faire comprendre le sens du Plan divin ou de l’Économie cosmique et à ramener dans l’Ordre et l’Harmonie.  Pour le reste, chacun reste le seul juge de son être et de sa vie, car il est le seul Maître et le seul directeur dans son univers personnel.       

N’empêche que, au cours des âges, les grandes religions ont aidé l’Humanité à garder un contact avec Dieu et à élever sa conscience, l’empêchant de se maintenir au niveau de l’animalité et de dégénérer jusqu’à la barbarie extrême, ce pour quoi l’Humanité leur est redevable.  Dans le passé, les religions ont notamment propagé des systèmes de valeur souvent appréciables, elles ont entretenu la cohésion des peuples et elles ont organisé le secours des faibles, ce que peu d’autres organismes constitués auraient accepté de faire avec autant de zèle et d’abnégation.  Elles détiennent un droit légitime à la gratitude humaine et un droit licite la possession du patrimoine qu’elles se sont constitué.  Toutefois, à l’heure actuelle, les religions ne peuvent plus trouver de dignité et de légitimité, pour perdurer, que dans la mesure où elles découvriront la manière d’unir les êtres humains autour de Dieu, conçu comme l’Être unique, et de les aider à profiter d’une expérience vivante en le connaissant mieux.  Surtout, elles devront chercher à se rapprocher les unes des autres et à fusionner dans la Religion unique, entièrement consacrées à exprimer l’amour pur et le service de dévotion à la Source unique.

En présentant les faits sous un autre angle, la spiritualité peut admettre que toutes les grandes religions émanent du Message inspiré d’Émissaires divins et qu’elles constituent les différentes étapes d’un même Plan divin.  Il n’existe en réalité qu’une seule religion, la Religion de Dieu, qui évolue d’époque en époque, à travers des révélations successives.  La vérité religieuse n’est ni figée ni absolue, elle est plutôt relative, puisque la Révélation divine apparaît clairement comme un processus continu et progressif.  Toutes les grandes religions du monde cherchent à mieux faire connaître Dieu et à éclairer la relation du Créateur avec ses créatures : elles présentent des principes fondamentaux qui sont en complète harmonie;  elles poursuivent des objectifs et des buts assez similaires;  elles offrent des enseignements représentant des facettes d’une même Réalité ultime;  elles révèlent des fonctions complémentaires   Au point que, dans la réalité, elles ne diffèrent que dans les aspects secondaires de leur doctrine et de leur mission respective.  Autrement dit, elles représentent les étapes suCHANDELLESccessives de l’évolution spirituelle de la société humaine.  Ainsi, établir une hiérarchie au niveau de la valeur des différents Messagers divins devient moins qu’approprié puisque ce fait fausse les données et lance dans un débat stérile qui ne peut que fomenter la concurrence et la séparativité.  Nous serions tous légitimés de croire, sans l’ombre d’un doute, que ces Émissaires prophétiques, dans leur essence, ne font qu’une seule et même personne et qu’ils ont agi dans une unité absolue. Ce sont leurs successeurs qui ont travesti leur message et qui ont brouillé leur lignage.

Pour paraphraser Baha’u’llah, le fondateur de la Foi Bahaï, à la fin du XVIIIe siècle,  on peut dire que celui qui sait s’élever au-delà des illusions et des querelles de clocher, de stupa, de tour ou de minaret, peut entendre Dieu, le Créateur, murmurer : «Il n’existe aucune distinction d’aucune sorte entre les Porteurs de mon message, à part leur rôle fonctionnel, relié à une époque précise.  Ils n’ont tous qu’un seul et même objet, car le secret de l’un est le secret de l’autre.  Honorer l’un plutôt que les  autres, en exalter certains au-dessus des autres, cela n’est permis en aucune façon, car cela n’a aucun sens.»  Quant à Ibn Arabi (appelé Docteur Maximus en Occident), un philosophe et mystique musulman du XIIe siècle, qui a inspiré le Soufisme, il s’est exclamé avec raison dans Le chant de l’ardent désir : «Mon cœur est devenu capable de toutes les formes. / Il est prairie pour les gazelles, couvent pour les moines, / Temple pour les idoles, Mecque pour les pèlerins, / Tablettes de la Torah et livre du Coran. / Je suis la religion de l’amour, partout où se dirigent ses montures, / L’amour est ma religion et ma foi.»

Au niveau des valeurs, tout être humain doit s’en remettre à son individualité.  Comme l’a dit Shakespeare : «Ceci par-dessus tout, sois vrai avec toi-même, veillant à t’y appliquer comme le jour suit la nuit, car ainsi tu ne tromperas aucun homme.»  N’est-ce pas merveilleux de rester le maître de soi?  Qui aimerait devoir s’éveiller une bonne nuit pour se dire : «C’est personne qui dort dans ce lit!»  Autrement dit, qui donc éprouverait de la fierté et de la dignité à vivre d’idées d’emprunts, à toujours devoir chercher dans sa mémoire le principe moral qu’il doit appliquer, à adhérer de force à une religion, à n’émettre que des convictions contagieuses, mais imposées?  Et que penseriez-vous de vous-même si, par méprise, forcé de faire comme les autres, vous deviez un jour vous joindre à une foule incitée à crier contre un être qui vous apparaît être un dissident, mais qui serait un envoyé de Dieu : «Crucifiez-le… crucifiez-le!»   Vous n’aimeriez sûrement pas penser que vous vivez dans un monde où tout ce qui est valable a été semé par des grandes âmes, fort braves, qui ont dû accepter de quitter ce monde, dans le martyre, pour assurer qu’il change et qu’il s’ouvre l’esprit au niveau spirituel.

Observations critiques sur les religions…

Le destin humain apparaît fort paradoxal.  Il se cache partout, dans tous les peuples, des ennemis de la souveraineté individuelle, de l’individualité, du libre arbitre et de l’indépendance intellectuelle.  Chacun s’insère dans une culture, des us et coutumes, au moment de sa naissance et il ne les quitte, bien souvent, par simple conformisme, qu’au moment de sa mort.  Partout, des êtres bien intentionnés répondent aux questions des êtres qu’ils sont chargés de former par des propos d’ignorants, remplis d’inepties, et ils les accompagnent jusque dans la tombe par des propos remplis de superstitions.  Ils leur transmettent des croyances qui ne sont fondées sur aucune certitude, mais qui peuvent compter bien des rumeurs, bien des tripotages et nombre d’erreurs de traduction.  Tout au long de sa vie, par une religion ou une autre, passant de mains en mains, la majorité des êtres humains sont poussés ou tirés vers l’avant, invités à suivre, au niveau spirituel, les sentiers battus, sous la menace du rejet ou de la damnation.

Dans nombre de sociétés humaines, on pourrait résumer la formation individuelle à deux mots : imitation et suppression.  On laisse entendre à l’individu qu’il ne mérite la considération que dans la mesure où il se conforme à l’avis des gens de sa communauté et qu’il rejette celui des autres communautés.  Dans la plupart des religions officielles, les désirs personnels sont très mal perçus.  Elles mènent rapidement à conclure que, de toute évidence, les désirs personnels sont illégitimes et qu’ils représentent une menace à la cohésion de groupe.  Alors, il vaut mieux y renoncer et s’abstenir de les vivre.  Dans les Textes sacrés, il semble toujours qu’un Cerbère maléfique ou un Chérubin à l’Épée enflammé veille sur le Portail de l’Éden des désirs personnels.  De ce fait, chacun peut se permettre d’explorer en toute liberté tous les sujets pour lesquels il n’éprouve aucun intérêt particulier, mais qui véhiculent l’opinion de la majorité bien pensante, mais il se voit interdire d’aborder ceux qui relèvent de son affect profond et qui touchent ses fins dernières.  Son entourage lui assure que la liberté de parole ne se permettre de contredire les témoins défunts d’une superstition populaire.  Ainsi, les sociétés étroites d’esprit s’ingénient à récompenser ceux qui trahissent leurs inclinations et leurs aspirations profondes, leur offrant, au besoin, des acclamations et des honneurs, pouvant aller jusqu’à offrir de payer les plus récalcitrants pour qu’ils choisissent la solution la plus facile et la plus reposante de réintégrer les rangs du conformisme.

Dans la littérature chrétienne, par exemple, qui n’a pas lu ces comptes-rendus de suppliciés qui, du haut de leur gibet, dans leur agonie, auraient proclamé qu’ils auraient mieux fait de suivre les conseils de leurs bons parents, surtout de leur Sainte Mère l’Église.  Pourtant, si on y pense bien, le fait de désobéir à l’avis de ses bons parents, surtout à sa Sainte Mère, a souvent permis à l’Humanité de faire des bonds prodigieux vers l’avant, parce que toute congrégation religieuse a souvent entretenu, pour trop longtemps, une grande noirceur.  Alors, on peut se demander jusqu’à quel point le conservatisme, le conformisme et la bigoterie, qui interdisent la désobéissance et la dissidence, peuvent vraiment servir la planète et l’Humanité.  Heureusement qu’aucune religion, malgré les titres pompeux qu’elle s’est arrogés, n’a réussi à établir, à ce jour, d’hégémonie universelle.  N’importe qui peut se permettre de penser qu’un tel degré d’obédience implicite, à l’échelle universelle, aurait entraîné la stagnation mondiale.  D’où on peut croire que la désobéissance à la Tradition spirituelle, bien qu’elle ait entraîné des rébellions, des révoltes et des révolutions, fortement réprimées, a servi de meilleur ferment de progrès et d’évolution que l’obéissance aux religions.

Puisque chaque être humain est appelé, de par sa nature originelle, à jouer un rôle fonctionnel différent, comme émissaire du Créateur, n’est-il pas plus naturel pour lui de désobéir à l’autorité spirituelle que de lui, si c’est la seule manière d’y parvenir dans une société trop contraignante?  Imaginez un seul moment que l’une ou l’autre des grandes religions, sectaires et dogmatiques comme elles le sont, aurait réussi à s’imposer à toute l’Humanité.  Croyez-vous que, malgré leurs bonnes intentions, il en serait sorti un plus grand bien ou un plus grand mal?  On peut croire que, par un contrôle insidieux de la pensée et des actes, les mots «liberté» et «progrès» auraient été complètement bannis du vocabulaire mondial.  Il semblerait donc que ce ne soit qu’en rejetant l’ordre établi, quand il devient dictatorial, qu’une société peut éviter de se scléroser et de disparaître.

Si on ne se réfère qu’à l’Église chrétienne, parce qu’elle nous est plus familière et qu’est bien ancrée dans notre culture occidentale, on sait qu’elle appuie son enseignement sur la «Bible» et sur le «Nouveau Testament».  Quelque part, Paul, un apôtre qui n’a même pas connu Jésus de son vivant, qu’on dit un être de sainteté, a osé proférer les mots suivants : «…soumettez-vous aux pouvoirs existants parce qu’ils sont établis par Dieu».  Si cette Église gouvernait présentement le monde entier, comment pensez-vous qu’elle interpréterait ce message?  Êtes-vous bien sûr qu’elle ne s’établirait pas en collusion avec les pouvoirs publics ou qu’elle ne les réclamerait pas tous?  Il en va ainsi tous les domaines : si une société laissait les astronomes seuls régir l’astronomie, les médecins seuls régir la médecine, les commerçants seuls régir le commerce, les banquiers seuls régir les finances, elle s’exposerait à de bien grands maux.  Elle serait entraînée dans le chaos et les ténèbres.  Quand les valeurs spirituelles chutent, chacun ne tarde jamais à mousser ses propres intérêts au détriment de ceux des autres.  Car tout organisme qui a goûté l’exaltation du pouvoir n’accepte pas facilement de s’en départir.  Détenu par un être impérieux, de conscience pervertie, le pouvoir peut mener aux pires aberrations.  À ses yeux, toute philosophie devient rapidement suspecte et elle est vite taxée d’infamie.  Les savants devraient présenter pattes blanches à l’autorité au risque de croupir derrière les barreaux et les libres penseurs devraient s’incliner devant la flamme des bigots et des fanatiques ou périr.

Fort heureusement, tout au long des âges, des êtres courageux ont maintenu une individualité assez forte pour s’attacher à leurs convictions, jusqu’à les affirmer publiquement, souvent au péril de leur vie.  Par exemple, Magellan s’est permis de dire, malgré l’opposition officielle : «L’Église dit que la terre est plate, mais j’ai aperçu son ombre sur la lune, d’où je mets plus de confiance dans une ombre que dans cette Église.»  Alors, plaçant la désobéissance, le défi, le mépris et l’espoir du succès à la proue de son navire, il a sillonné des mers du monde et il a élargi l’horizon des esprits.

Le problème de l’être ordinaire, c’est qu’il s’incline très facilement devant ce qui le dépasse et qui s’affirme comme une autorité et qu’il révère ce qui est vieux du seul fait que c’est ancien.  Ainsi, il est plus porté à croire la parole d’un être mort que celle d’un contemporain encore vivant.  Plus cet être est mort depuis longtemps, plus il lui accorde de crédibilité, comme si le monde n’était pas plus limité autrefois qu’aujourd’hui.  Il acceptera facilement que les pères de son peuple ou les fondateurs de sa religion étaient les plus grands et les meilleurs de l’Humanité.  En lui, cette croyance est renforcée par leur degré de popularité et par son degré personnel de patriotisme ou de ferveur religieuse.  On lui a dit qu’il en était ainsi, et il le croie.  Il le croit parce qu’on le lui a dit, pas pace qu’il le sait.  Surtout que cela a dû lui a été lu et répété par sa bonne mère, dans sa petite enfance.  Car symbols2la mère exerce une influence prépondérante dans cette phase du développement d’un jeune être qui marque ensuite toute sa vie d’adulte.

Mais, en l’occurrence, ne croyez-vous pas que leur raison a été dressée, déformée et dominée?  Ne croyez-vous pas que leurs pulsions primaires aient été réprimées jusque dans leur cœur même?  Ne pensez-vous pas qu’en lisant les passages infamants de ces Textes, leur sens de la justice, plutôt que de rester neutre et objectif,  s’ajustera à leur échelle de valeurs?  Ne seriez-vous pas porté à croire que leur sens de la charité, bien que profond, n’appellera pas vengeance contre des mains tachées de sang et n’applaudira pas si un infâme devient la victime d’un meurtre?  En pareil cas, un être fragile pourra croire que la vindicte humaine applique simplement la justice de Dieu car il ne parviendra pas à reconnaître que la clémence, si elle ne s’applique pas de la même manière partout, répond à la loi bien arbitraire du deux poids et deux mesures?  C’est pourtant ainsi que les idées de chaque race et de chaque religion ont été perverties.  Et c’est ainsi que chaque race et chaque peuple finit par former ses tyrans, ses bigots, ses fanatiques et ses inquisiteurs.  Au fil des années, le cerveau d’un être humain constitue le matériau délicat dans lequel un milieu social imprime, se surimposant au contenu naturel, ses diverses couches de mensonges, sous la forme de préjugés puériles, de croyances étriquées et d’horribles superstitions.

En tout cela, ce qui est le plus troublant, c’est que ceux qui s’arrogent le titre de maîtres, d’instructeurs ou de professeurs s’y prennent de manière malhonnête : ils présentent comme des certitudes des propos dont ils doutent eux-mêmes, jusqu’à un certain point.  Mais, comme ils n’ont pas le courage d’admettre ce qu’ils en pensent réellement ou ce qu’il peut en être, ils préfèrent affirmer savoir parfaitement ce qu’il en est.  Alors, insidieusement, ils travestissent la vérité, ajoutant l’infamie à leur erreur.  Ils ne font pas appel à la raison de leurs étudiants, ils leur imposent leur propre foi, souvent, inconsciemment, bien chancelante.  Mais ils gardent leurs doutes pour eux-mêmes et, ne se contentant pas d’expliquer, ils font des affirmations péremptoires, pour réussir à convaincre et susciter l’adhésion à leurs théories.  Vous conviendrez que ce n’est pas ainsi qu’on doit former des hommes et des femmes solides.  Comme dans un camp de concentration, ils ne forment pas des êtres humains et des chefs de file, ils forment des croyants et des disciples.  Ils ont beau promettre, à tous ceux qui acceptent de les suivre aveuglément qu’ils recevront, au terme de leur existence, la grâce, le pouvoir, la fortune, les plaisirs et les honneurs, il n’est pas sur qu’ils pourront tenir toutes leurs promesses de bonheur ou que leur Dieu les tiendra.  Il serait intéressant de savoir ce que le Créateur pense de leurs prétentions débilitantes et délirantes, mais personne ne le questionne, comme s’il s’était retiré à tout jamais dans son silence éternel.

Si on vous racontait une petite histoire…

Dans un lointain passé, un monarque rencontra un ermite célèbre, qui vivait dans un grand tonneau, lors d’une promenade dans un désert.  Il luit dit : «Si tu m’accompagnes chez-moi, je te donnerai le pouvoir.»  L’homme chétif lui répliqua doucement : «Mais je possède déjà, ici même, tout le pouvoir dont je peux faire usage.»  Alors, le grand roi lui proposa : «Viens avec moi et je te donnerai la richesse.»  — «Mais je n’ai aucun besoin que l’argent pourrait combler», lui répondit l’anachorète.  — «Et si je t’offrais les honneurs?» de poursuivre le grand seigneur.  L’ascète du désert lui rétorqua : «Mais vous savez bien que les honneurs ne se donnent pas, elles se gagnent et se méritent!»  Le roi, qui voulait absolument l’ajouter à sa cour, sentit le besoin de lui faire une autre proposition.  Il lui dit : «Si tu reviens avec moi, je me chargerai de ton bonheur.»  L’homme solitaire lui répliqua sèchement : «Vous devez savoir qu’il n’y a pas de bonheur sans liberté et que celui qui en suit un autre ne jouit pas vraiment de la liberté.»  — «Fort bien lancé!»  répondit l’illustre personnage.   Et il s’empressa d’ajouter : Alors, je t’accorderai aussi la liberté.  Le vieillard émacié lui répondit : «Alors, si j’en ai la liberté, je choisis de rester où je suis.»  Évidemment, tous les chevaliers qui accompagnaient le roi prirent l’ermite pour un fou et ils se mirent à rire dans leur barbe.

Mais tout être sain de raison qui analyse cette histoire devra reconnaître que l’une des principales caractéristiques qui distingue l’être humain des autres créatures, c’est sa liberté et la conscience de son libre arbitre.  De ce fait, ce qui fait la valeur d’un être humain, c’est sa faculté de choisir courageusement de suivre sa propre voie et d’aller dans le sens que sa raison, supportée par son cœur, le porte.  Alors, les êtres pieux savent se rassembler pour partager leurs sages visions en s’échangeant de la tête des signes d’approbation entendus et des clins d’œil prophétiques.  Mais les faux sages, en êtres dépassés, restent assis, comme des hiboux, sur les débris de l’arbre de la connaissance, vociférant leurs huées en tous sens.  Ils semblent se ficher moqueusement de l’abondance et écarter les modes, tandis que, dans leur respectabilité, ils passent hypocritement de l’autre côté de la rue, réprimandant tout et chacun, en les pointant de leur doigt décharné.  Pendant ce temps, leurs disciples, ces serpents de la superstition se tordent et sifflent, prêtant le concours de leur langue à la calomnie, faisant de l’infamie leur marque de commerce et parant leur serment d’un parjure, pour appliquer la loi du pouvoir.  Mais ils restent incapables de reconnaître à quel point ils sont torturés par la bigoterie et le sectarisme.  Alors, ils décident d’exterminer ceux qu’ils prennent pour leurs ennemis au nom de leur foi.

Pour badiner, on pourrait dire que toute religion déteste autant un penseur qu’un voleur déteste un agent de police ou qu’il méprise son témoin à charge.  Pour s’établir en tyran, un être doit toujours se former une cour de suivants flatteurs et flagorneurs.  De la même manière, celui qui veut maintenir ses superstitions doit s’entourer de croyants et de disciples, et tant mieux s’il s’agit de d’adhérents zélotes et hypocrites.  Toute religion en vient tôt ou tard à réclamer pour elle-même un culte, ce que, justement, nul être humain ne mérite et que Dieu ne requiert en rien.  Celui qui en vénère un autre se déprécie et il se rabaisse.  Celui qui commence à se soumettre à un culte révèle qu’il commence à abdiquer une part de lui-même.  Mais, tôt ou tard, celui qui en révère un autre finit toujours par se demander pourquoi ce n’est pas lui qui est vénéré.

Nul ne gagne à se le cacher, tout culte se fonde sur l’appel au respect révérencieux qui, s’amplifiant, tente de s’imposer par l’entretien de faux espoirs, de craintes vagues ou de terreur rituelle.  C’est ce même esprit de dévotion qui, dans un contexte plus profane, favorise l’élévation de l’un au détriment de tous les autres et qui l’amène à établir sa tyrannie.  Celui-ci impose qu’on construise des palais pour abriter ses voleurs, qu’on érige des monuments à ses crimes et que tous se garrottent mutuellement les deux mains.  L’esprit de dévotion mal compris conduit toujours à une forme de domination subtile, oublieux du fait que, malgré les apparences, nul ne peut imposer à un esprit de s’agenouiller, même si Dieu ne penserait même pas exiger un tel abaissement.   Heureusement que, derrière la fausse attitude que peut prendre le corps, l’âme brave reste toujours debout.  Quiconque croit sous la menace de celui qui détient le pouvoir foule aux pieds sa propre individualité et il se prive lui-même de ce qui le rend supérieur à la brute.

L’appartenance à une religion, comme à une spiritualité, du reste, ne devrait jamais écarter le recours au discernement, car, à ce moment, elle enrégimente dans une foi aveugle, ce qui peut mener à tous les abus.

Les raisons du déclin de la Foi chrétienne

Au cours de nombreuses années, le despotisme de la Foi chrétienne a tenté de s’imposer subtilement par le fait que les pays les plus notoires et les plus prospères étaient de même allégeance.  C’est oublier trop vite qu’en leur temps, l’Inde, l’Égypte, la Grèce et Rome ont entretenu les mêmes conceptions erronées pour s’agrandir en empires.  Pour ce qui est de la religion chrétienne, bien des facteurs extérieurs à elle-même, qui ont favorisé les circonstances, pourraient expliquer son succès.  Même que certains pays ont réussi à prospérer malgré le zèle spirituel et l’opposition religieuse qui tentaient de les maintenir dans une grande noirceur.  Fort heureusement, les erreurs de la religion chrétienne ont finalement amené Luther à tenter de la réformer et Voltaire à tenter d’éveiller la conscience humaine de ses contemporains.

L’histoire démontre trop bien que, pour un temps, derrière toute forteresse tyrannique flottait secrètement la bannière de l’Église chrétienne.  Là où le sang jaillissait, on pouvait deviner la présence de son glaive triomphant.  Sur toute chaîne, on pouvait retrouver le signe de la croix.  Alors, dans chaque pays, l’autel et le trône savaient s’appuyer l’un sur l’autre.  À la vérité, en occident, totéléchargementus les bienfaits de la civilisation relèvent davantage des conditions favorables du commerce, du climat, de la qualité du sol, de la situation géographique, des inventions industrielles, des découvertes scientifiques, du développement des arts et des techniques, que des efforts de la religion.  Car, derrière tous ces facteurs, l’Église chrétienne, en véritable ennemi du progrès, tentait toujours d’appliquer son frein.  En fait, elle a mis tous ses efforts à empêcher l’être humain de penser par lui-même.  En  agissant ainsi, elle cherchait à retarder le progrès à tous égards, sauf dans la direction de la foi.

Qui ne comprend pas la prétention insigne d’une Église, quelle qu’elle soit, quand elle présume pouvoir penser pour toute la race humaine?  Qui ne reconnaît pas l’impudence infinie d’une Église qui prétend être le porte-parole de Dieu et qui, du même souffle, appelle un châtiment éternel sur ceux qui rejettent ses prétentions et s’en moquent?  De quel droit un être humain, une organisation humaine, une divinité pourrait-elle prétendre asservir un cerveau libre?  Les chefs d’Église devraient comprendre que le recours à la force n’est nullement nécessaire quand ils peuvent démontrer leurs allégations.  S’ils cherchent à recourir au glaive, c’est qu’ils ne parviennent pas à démontrer la validité de leurs prétentions ou qu’ils croient leur Dieu impuissant à établir sa propre justice.  Et ils devraient également comprendre que s’ils ne peuvent pas les démontrer et que leur Dieu ne se charge pas de le faire, le recours à la force devient une infamie.  Ne pensez-vous pas que, placé devant l’inconnu, tous les êtres humains détiennent un droit égal de penser ce qu’ils en veulent?

Sur le Sentier évolutif que représente la vie, tous les êtres humains se présentent en pèlerins, en chercheurs de la vérité.  Tant qu’il reste incarné, nul d’entre eux ne peut vraiment prétendre avancer dans la bonne direction.  À la vérité, pour tout dire, notre vaste monde est vraiment recouvert de jalons et de panneaux de route.  À chaque détour et à toute croisée, n’importe qui peut en trouver un grand nombre, tous prétendant donner la direction exacte et la distance précise.  Toutefois, un problème capital réside dans le fait que ces indications diffèrent considérablement.  Alors, en les consultant, au lieu de se découvrir mieux informés, le voyageur devient perplexe et il en vient à sombrer dans une plus profonde confusion.  Des milliers de gens entourent chacune de ces pancartes, chacun faisant de son mieux pour convaincre le passant qu’il est le meilleur interprète des signes qui y sont inscrits et qu’il en détient l’interprétation la plus fiable.  Lui seul connaît la direction qui conduit à la récompense suprême du Paradis, d’où il doit conclure que tous les autres donnent des indications qui mènent à la perdition de l’Enfer.  Évidemment, il faut entendre que tous les autres fabricants de balises sont des hérétiques hypocrites et menteurs.

Alors, il arrive parfois qu’un voyageur s’oppose à ces prétentions et qu’il sollicite le privilège de recourir à sa liberté en disant : «Eh bien, il se peut que vous ayez raison, mais me permettriez-vous au moins de lire quelques unes des autres directions et d’examiner l’opinion de leur auteur?»  Mais le zélote prétentieux ne tardera pas à lui : «Mais non monsieur, voilà justement ce qu’il ne vous est pas permis de faire.  Vous devez prendre la direction que je vous donne sans plus d’enquête, sinon vous n’êtes rien de moins que damné sur le champ.»  À ce moment, la plupart des voyageurs, impressionnés, pour ne pas dire terrorisés, répondent : «Oui, pour sûr, je fais mieux de prendre la direction que vous indiquez.»  Ce faisant, ils acceptent la parole de quelqu’un qui n’en sait pas plus qu’eux.  De toute manière, si chacun est unique, savoir pour soi n’est pas savoir pour l’autre.  Mais il arrive toujours qu’un sujet, plus récalcitrant à l’influence extérieure, choisisse calmement d’écouter les prétentions de chacun des concepteurs de repaires ou de les rejeter toutes, malgré toutes les menaces.  Il existe des esprits audacieux et aventureux.  Alors, sortant des sentiers battus, il trace sa propre route, même s’il est dénoncé par les autres comme un infidèle, un renégat et un athée.

Car l’observateur perspicace, qui se permet de suivre du regard ces panneaux indicateurs, se rendra compte que, aussi loin que ses yeux peuvent porter, la route est jonchée, de part et d’autre, de monticules d’ossements humains qui tournent lentement en poussière, blanchis par la pluie et le soleil.  Il s’agit des ossements des martyrs, des hommes et des femmes, des pères, des mères, des enfants, vieillards et jeunes, qui ont été tués à cause de leur foi.  Voilà qui fait dire que, tout bien compté, chaque être humain devrait suivre son propre sentier.  Chacun d’entre eux peut s’inspirer de ce qu’il veut et de qui il veut, mais, dans son esprit, il devrait rester fidèle à lui-même : il devrait penser par lui-même, chercher par lui-même, conclure par lui-même et cheminer à sa guise.  N’est-ce pas le devoir autant du pauvre que du prince?  Pour cette raison, tout être humain devrait fuir ce qui ressemble le moindrement à un acte d’autorité ou ce qui comporte la moindre nuance de domination, qu’ils proviennent du ciel ou de la terre, qu’ils surgissent des hommes ou des dieux.

D’ailleurs, sur le Sentier évolutif, chaque voyageur devrait donner à tous les autres voyageurs sa meilleure idée par rapport à la route qu’il devrait prendre pour parvenir à la destination précise qu’il a lui-même choisie.  Chacun d’eux mérite l’opinion la plus honnête, non un discours subjectif fondé sur ses hypothèses personnelles ou sur une Tradition dont il ne sait même pas de quoi elle retourne.  Il existe plusieurs manières d’obtenir la meilleure opinion sur n’importe quel sujet.  Mais, dès le départ, toute personne désireuse de donner son avis, devrait être libre de toute contrainte et de toute peur.  Par exemple, au nom de la vérité, le marchand ne doit pas craindre de perdre un client, le médecin, ses patients, le prédicateur, sa chère.  Nul progrès ne peut advenir sans liberté.  La suppression de la quête honnête engendre la régression et entraîne dans la nuit de l’esprit.

De nos jours, dans sa stricte orthodoxie, l’attitude du Christianisme frise l’esclavagisme et la barbarie.  Dans nombre de religions protestantes, notamment, par conformisme et par craintes des sanctions, aucun ministre du culte n’ose prêcher ce qu’il pense, s’il perçoit que la majorité de sa communauté pense le contraire ou s’il réalise que son Église ne veut pas se moderniser.  Surtout dans les congrégations protestantes, tout membre du clergé sait trop bien que chaque membre de sa secte, qui se considère comme un gardien de la foi, retient son cerveau prisonnier d’un crédo qu’il brandit à la manière d’un gourdin tenu dans sa main.  Autrement dit, il sait que, dans sa communauté, il n’a pas été embauché pour chercher la vérité, mais pour défendre un crédo.  Dans cette église chrétienne, toute chaire ressemble à un pilori où se tient un inculpé payé pour défendre l’apparente justice du fait qu’il y soit emprisonné.

Il apparaîtrait plus que souhaitable que tous les fidèles d’une religion adoptent la même attitude à l’égard de ses convictions religieuses.  Mais cela est-il vraiment possible si on sait qu’il n’existe pas deux personnes pareilles dans le monde?  Dans aucun règne, il n’existe deux exemplaires identiques.  Il n’y a pas deux arbres pareils, pas deux feuilles, pas deux pierres, pas deux animaux, pas deux êtres humains.  Dans la Nature, c’est la loi de la diversité infinie qui prévaut.  Chaque religion n’en tente de couler les esprits dans un moule unique.  Sachant que tous ne peuvent pas croire ce qu’elle propose, toute Église s’efforce de faire dire à ses fidèles qu’ils croient en ce qu’elle dit.  Elle tient à l’unité dans l’hypocrisie ce qui lui fait détester la splendide diversité de l’individualité et de la liberté.

En général, la majorité des gens redoutent avec effroi l’annihilation arbitraire d’un droit, ce qui ne les empêche pas d’abandonner leur individualité au profit d’un crédo, ne réalisant pas qu’en le faisant, ils commencent justement à s’annihiler.  L’esclavage mental et le dogmatisme religieux entraînent la mort intellectuelle : dans tout être qui abandonne sa liberté intellectuelle, l’âme habite une tombe ambulante.  En ce sens, toute Église représente un cimetière et tout crédo, une épitaphe.  Trop de gens oublient que, lorsqu’ils tentent de ressembler aux autres, ils commencent à ne plus se ressembler.  N’y a-t-il rien de plus détestable que l’imitation servile des béni-oui-oui?  Le grand danger de celui qui imite, c’est qu’il s’expose à singer des êtres qui, en fait, valent beaucoup moins que lui.  Au fond, la transaction la plus misérable qu’un être humain puisse faire, c’est d’abdiquer son individualité sous prétexte d’agir de façon respectable.  Il n’y a rien de plus minable que le fait de renoncer à son individualité.  Mais bien des gens ne pratiquent que pour passer pour respectables parce que, depuis longtemps, ils ne croient plus à ce qu’ils entendent, réalisant l’écart entre la pensée religieuse et les découvertes du monde.

Un penseur a dit qu’il valait mieux être la queue d’un lion que la tête d’un chien.  Chacun détient la responsabilité inéluctable de penser par lui-même et de prendre personnellement ses décisions.  Comme la majorité des gens détestent assumer des responsabilités, ils joignent des groupes qui peuvent les en décharger, acceptant de devenir la queue du lion.  Ce sont ceux-là qu’on entend dire : «Mon partenaire peut prendre ma place» ou «agir à ma place».  Ils n’emploient plus le «je», ils ne recourent plus qu’au «nous», comme pour trouver un appui sur l’autre et se renforcer dans leurs convictions.  S’ils agissent ainsi au foyer, il est sûr qu’ils accepteront facilement que leur Église décide de ce qu’ils doivent  penser.  Ils se disent qu’ils ont bien assez de payer leur dîme et leurs cotisations et d’obéir au lion, dont ils font partie, sans devoir se préoccuper de décider de ce qui est bon ou mauvais ou de s’interroger sur le comment et le pourquoi des choses.

Malgré tout, dans leur communauté, ils sont considérés comme des gens respectables.  Pas étonnant qu’ils détestent les réformateurs, ces perturbateurs d’esprits.  Rien ne leur apparaît plus difficile et plus désagréable que de se former des convictions personnelles.  Tout devient si simple quand d’autres se chargent de penser pour eux.  Ils n’apprécient rien de mieux que la forme et ils s’y attachent fermement.  De ce fait, un réformateur ne devient rien de moins qu’un chien qui, en trouble-fête, les empêche de flatter la vanité du lion dont ils font partie.  Outre ce penchant naturel d’alléger les responsabilités personnelles, il existe aussi cette propension, chez les esprits religieux, à bien avertir leurs semblables que celui qui s’arrogerait le droit de penser par lui-même ne peut être qu’un faible et un prétentieux.

À une époque, la Chrétienté entière à dénoncé la raison comme le Grand Adversaire et comme le guide le moins sûr.  Toutes les Églises ont pris tous les moyens pour dissuader leurs ouailles de suivre la logique de leur raison.  Pour y arriver, elles couvert les faits les plus simples d’une aura de mystère et elles ont proféré les pires absurdités comme des faits d’évidence.  Elles ont inversé l’ordre de la Nature permettant au petit nombre des hypocrites de gouverner la masse des gens honnêtes.  Tout fidèle qui tentait de présenter un argument logique était vite dénoncé comme un contempteur et comme un ennemi de Dieu et de son Église.  Pour l’Église chrétienne, depuis la constitution de la première église jusqu’à l’époque contemporaine, le fait de penser par soi-même est resté purement incompatible avec le titre de fidèle.  Beaucoup de ses membres ont dû en porter les marques d’un collier, des chaines et du fouet.  Aucun de ses membres n’a pu tenter de la réformer sans être rejeté et pourchassé par la meute de ses hypocrites.  Car, à ses yeux, le plus grand crime contre un crédo, c’est de tenter de le changer.  Pour cette raison, toute tentative de réforme représente forcément une trahison.

On nous dira que le passé est révolu et qu’on ne doit pas y revenir.  En est-on bien certain?  En ce moment même, dans plusieurs religions, les églises forment des centaines de jeunes gens dans l’espoir d’en faire des propagandistes, des prosélytes et des zélotes qui ne redoutent pas de s’affubler eux-mêmes du titre de «fous de Dieu». Pourquoi agissent-elles ainsi?  Pour approfondir les phénomènes nouveaux qui se produisent dans l’environnement des êtres humains?  Absolument pas!  Le seul objet de leur formation intensive, c’est d’amener des êtres faibles et perturbés à défendre leur crédo.  Par toutes sortes de procédés, leur église leur ancre dans le cerveau leurs propres arguments pour les amener à les répéter aux oreilles des durs d’oreilles sans pensée personnelle.

C’est largement le cas dans les sectes musulmanes, mais c’est également le cas dans des sectes chrétiennes.  Aux États-Unis, si un Méthodiste a été formé aux frais de sa congrégation, il n’a pas intérêt à devenir Presbytérien ou Baptiste, sans quoi il serait vertement dénoncé et traité comme un transfuge et un scélérat.  Nul ne peut mener d’enquête sérieuse sur ces religions protestantes, qui pullulent et ne cessent de se morceler.  Car celui qui croit en sa religion acceptera de la considérer honnête, quoi qu’elle fasse, et il refusera de la remettre en question, tandis que celui qui se permettrait d’instituer une enquête subirait lui-même une enquête, et de façon si insidieuse, qu’il serait rapidement appelé à abandonner son projet.  Dans les Églises protestantes, qui sont souvent à la tête d’empires financiers, on ne lésine pas sur les moyens pour mettre les dissidents au pas.

Il en résulte que, dans nombre de religions protestantes, les ministres imposent leur crédo religieux et la paperasse aux membres de la congrégation en recourant à la suppression, à la crainte, aux moyens hypocrites, bref en agissant en tyrans.  Tout auteur spirituel, même s’il est imbu de vérité, commencera toujours par se demander, avant de se mettre à écrire, le genre de catastrophe qu’il peut attirer sur sa famille et sur lui-même.  Car, s’il écrit vraiment ce qu’il pense, plutôt que ce qu’on lui demande d’écrire, il s’expose à se voir couper les vivres et à voir sa famille en souffrir.  En outre, on le couvrira de honte et on le marquera d’infamie.  À l’inverse, s’il se conforme à l’orthodoxie de sa religion, on le couvrira d’honneurs et de pouvoir et on lui offrira la meilleure des positions.  Il existe toujours plus de sectes chrétiennes qui récompensent leurs défendeurs, mais conspuent leurs réformateurs, qu’on veut bien le croire.  Les Scott, Henry et McKnights ont goûté à cette médecine.  Et soyez assurés qu’elles ne prennent pas le temps de se demander si elles ne font pas perdurer des sophismes par leurs défenseurs grassement rémunérés.

Qui peut dire ce que cette riche Nation américaine perd, présentement, à ce jeu de la suppression, mené par un Python aux nombreux tentacules.  Or, ce jeu ne peut aboutir qu’à la radicalisation des petites églises et à les faire incliner vers le sectarisme, le dogmatisme et le rigorisme?  Combien d’illustres penseurs sont morts muselés par le bras armé de la superstition ou de la Tradition?  Combien d’idées géniales ont pu avorter dans la tête même des penseurs inhibés par la puissance des églises et des religions?

Jusqu’à récemment, bien des abus ont eu libre cours.  Pendant des millénaires, tout penseur était chassé comme un criminel en cavale.  Celui qui avait bravé sa religion trouvait toute porte fermée, chez ses membres, mais tous poignards brandis.  Il ne pouvait trouver aucun abri pendant une tempête, aucun soin pour ses blessures, aucun support dans son agonie.  Car son église avait décrété que c’était un crime que de les accueillir et de les héberger.  Même que dans l’exécution de la justice, prétendument au nom de Dieu, elle pouvait commander l’extermination des membres de sa famille, également perçus comme de vulgaires scorpions ou de vilaines vipères.  Qui peut aujourd’hui comprendre l’héroïsme de ceux qui ont choisi de joindre les rangs des infidèles, de braver leur religion et de décrier leur ciel et leur enfer, comme son Dieu et ses diables, quand celle-ci les menaçait du carcan, du fagot, du donjon, du feu d’un bûcher.  Ils n’en ont pas moins tenu jusqu’au bout, au nom de leurs principes, pour aider le monde à sortir des l ténèbres de la tyrannie religieuse.  À juste titre, on peut les considérer, non comme des ennemis de l’Humanité, mais comme des nobles fils de la Terre, comme les sauveurs de la race humaine, comme les destructeurs de la superstition et comme les créateurs de la science, comme des êtres nobles qui n’ont pas craint de braver la fureur des dieux et la folie des ministres du culte.

Malgré tous les services qu’elle a rendus, l’Église chrétienne a agi, et continue à agir, comme une minable pilleuse.  Pendant des décennies, elle a détroussé les goussets des gens, elle a lessivé le cerveau de ses fidèles et elle a exterminé de grands penseurs qui ne partageaient pas ses convictions.  Jusqu’à un certain point, on peut la considérer comme la pierre qui a recouvert le sépulcre de la liberté.  On s’émeut d’entendre que des tribus amérindiennes plaçaient la tête de leurs enfants entre deux morceaux d’écorce jusqu’à ce que leur crane prenne la forme caractéristique de la nation, car, du haut de ses prétentions, on considère cette pratique comme une coutume honteuse ou sauvage.  Mais on a vite oublié que la religion chrétienne a maintenu l’esprit de ses enfants dans la camisole de force de son crédo et de ses dogmes.  Elle les a si bien conditionnés qu’ils acceptent le Dieu de la Bible comme un Être de clémence infinie.  En fait, on dirait qu’ils se font une vertu de croire tout ce qu’elle propose d’autant plus que c’est déraisonnable.  Alors, ils teintent ces allégations aberrantes d’une couleur mystérieuse.  Car tout ce que la religion chrétienne ne comprend pas, elle en fait un mystère insondable, ce qui lui évite d’avoir à justifier son ignorance.  Tous ses rouages, patiemment montés et ajustés depuis un lointain passé, visent à corrompre l’esprit des jeunes en leur enlevant le droit de penser par eux-mêmes et en les forçant à accepter les allégations d’autres personnes comme plus sûres que leur propre expérience..  Tout cours de catéchisme ou de catéchèse, comme toute instruction dominicale, ne vise qu’un but : extirper du cerveau des enfants le moindre germe d’individualité en matière de foi.

Si vous en doutez, parce que vous vous êtes tenu loin des religions, repassons quelques-unes des prétentions de l’Église chrétienne.  On enseigne aux enfants qu’il n’y a rien de plus agréable aux yeux de Dieu que l’obéissance sans raisonnement et que la foi aveugle.  De même, il vaut mieux croire que Dieu accomplit des exploits impossibles que de se faire du bien.  On enseigne encore que toutes les religions anciennes ont servi de préparation à l’avènement de la religion chrétienne et que tous les dieux des anciennes mythologies ont fusionné dans le Jéhovah des hébreux, devenu le Dieu des Juifs.  On enseigne aussi que toutes les attentes et les aspirations de la race humaine ont été accomplies dans les aphorismes de l’Alliance évangélique.  On enseigne également que la liberté n’est nullement essentielle, puisque, depuis l’avènement du Christ, il n’y a plus rien à découvrir.  Chose sûre, on ne peut admettre un degré de liberté qui permettrait de remettre en question l’un des articles du crédo des apôtres puisqu’il contiendrait tout ce qu’une religion doit apprendre aux êtres humains.  On propose surtout qu’il n’existe plus de grands penseurs, puisqu’ils sont tous morts et enterrés et que les pseudo-penseurs de notre époque devraient se contenter d’agir en croyants, non en rénovateurs ou en novateurs.

Ne conviendrait-il pas de dire directement aux gens que, pour être sauvé, il suffit de répéter ce qui est écrit sur l’épitaphe qui recouvre le tombeau de la Sagesse et que les cimetières représentent les meilleures universités?  Alors, les enfants ne méritant rien de mieux que d’être battus avec les os de leurs ancêtres pour être bien dressés comme des serviteurs de Dieu.  Nous mentionnons ce dernier fait parce que, dans certaines religions protestantes, on prend cette allégorie très au sérieux et plutôt au sens littéral.  Alors, si on en venait à prendre ce précepte biblique au pied de la lettre, on s’exposerait à ce que, sous peu, tous les cimetières antiques soient pillés à des fins peu banales.  Il pourrait bien en naître un nouveau commerce de reliques et d’instruments de torture!

Ne vous semble-t-il pas absurde que Dieu, le Créateur unique, ait choisi de passer son éternité avec ces chères âmes dont l’ambition unique et suprême réside dans le désir de lui obéir et de lui faire des courbettes?  On serait porté à croire qu’il ne tarderait pas à passer la remarque qu’un gentilhomme anglais avait passée à un invité insipide.  Ce monsieur avait invité à dîner un homme de modeste condition.  Le convive était si dépassé par cet honneur qu’il passait son temps à répondre affirmativement à tout ce que son hôte disait.  Excédé par cette cascade d’acquiescements, le propriétaire des lieux finit par s’exclamer : «Pour l’amour de Dieu, mon bon monsieur, pourriez-vous me dire non, ne serait-ce qu’une fois, que j’aie l’impression que nous sommes deux ici?»

Alors, pour en revenir à Dieu, il est bien possible que, dans son amour infini, il n’ait créé le Paradis que comme l’habitat d’esclaves et de serfs uniquement dans l’intention d’y entraîner des Chrétiens de stricte orthodoxie.  C’est probablement pour cette raison que ses émissaires se sont mêlés d’accomplir quelques miracles, historie de les étonner, de les méduser et de les séduire.  Et si ses prodiges ne suffisent pas à les émerveiller, il pourra les terroriser par des punitions exemplaires.  Tous les maux de la terre ne sont-ils pas de son invention?  Peut-être le Ciel est-il destiné à devenir un musée religieux rempli de saints catholiques, de pieux orthodoxes, de baptistes apathiques, de pétrifiées presbytériens, de momies méthodistes, de Témoins de Jéhovah sectaires, de protestants repliés sur eux-mêmes.  Car ce Lieu sublime ne peut accueillir les élus des autres religions s’ils sont tous des hérétiques.

Ne croyez-vous pas qu’aucun ciel ne mérite l’abdication de sa raison?  Que nul bonheur ne peut exiger le rejet de sa liberté?  Que nulle immortalité ne peut requérir l’abandon de l’individualité?  L’être humain aime rabaisser Dieu à sa mesure au lieu de s’élever à sa stature.  Car au fond, il vaudrait sûrement mieux pourrir dans un tombeau noir, dépourvu d’autre porte que la bouche des vers de terre, que de porter le collier serti de bijoux d’un Dieu despotique.  Hélas, les religions ne peuvent accepter que l’être humain soit parfaitement libre parce qu’elles sont allergiques à la liberté tellement elles ont besoin de recevoir l’hommage de gens qui se prosternent devant elles.  Pas étonnant qu’elles méprisent autant ceux qui savent se tenir debout.  Elles aiment voir leurs fidèles ramper à leurs pieds, couverts de la poussière de l’obéissance et terrorisés par la Puissance divine qu’elle est censé détenir.

On dirait qu’aucune religion ne parvient à comprendre la vérité vraie, à savoir qu’il existe une grande différence entre la théorie de l’action et celle de la pensée.  Dans la théorie de l’action, chacun est responsable du bien ou du mal qu’il commet et des bienfaits ou des torts qu’il cause aux autres.  Dans la théorie de la pensée, par la force des choses, nul ne peut avoir à répondre de ce qu’il pense devant les hommes tant qu’il n’exprime pas ouvertement ce qu’il pense.  Quant à savoir ce que Dieu en pense, on peut présumer qu’un Créateur amoureux ne demandera à personne de répondre de ce qu’il pense devant sa justice, dans cette vie ni dans l’après-vie.  Par la Causalité, chacun paie par lui-même le prix de ce qu’il pense en devenant lui-même, comme son univers, à l’image de ce qu’il pense.

Mais, dans le passé, cela n’a pas empêché les Protestants de s’opposer aux Catholiques en dénonçant leur refus de la liberté de pensée.  Voilà qui est amusant car, même si on a été élevé dans la haine du Catholicisme, tout être épris de justice doit admettre que toutes les dénominations chrétiennes ont fini par tomber dans le même piège de refuser aux autres sectes la liberté de penser.  Luther a dénoncé la liberté intellectuelle avec toute la fouge et la vigoureuse brutalité de sa nature, tandis que, dans son cœur de pierre, Calvin a méprisé au plus haut point tout ce qui ressemblait à la tolérance religieuse, considérant la moindre dérogation aux préceptes religieux comme une nouvelle mise à mort du Christ.  Par la suite, tous les réformateurs ont propagé la même doctrine intolérante par rapport aux articles du crédo sur lesquels ils se fondaient.  Il faut croire que la vérité pure réside dans le fait que, sous toutes les latitudes, la religion et la liberté de pensée ne font jamais bon ménage.

Peu importe de quel point de vue on étudie une religion, force est d’admettre que tout croyant devient un oiseau en cage et que tout libre penseur est considéré comme un aigle rapace qui, de ses ailes puissantes, peut percer les nuages en tout temps pour foncer sur les faibles croyants et faire ses ravages de division parmi eux.  De nos jours, en raison des brèches que les esprits libéraux, avec l’aide des infidèles, ont ouvertes dans les mentalités, la majorité des religions prétendent favoriser la liberté religieuse.  Alors, il faudrait demander à ces sectes tolérantes comment, si elles sont sincères, elles peuvent l’accepter si, d’après leur crédo, leur Dieu ne l’admet pas.  Certains l’ont fait et ils ont reçu la réponse suivante, à savoir qu’une congrégation particulière n’est pas tenue d’imputer son crime à un être humain puisque Dieu se chargera de son destin après son trépas.  Aucune religion n’est obligée de dénoncer et de persécuter celui qui rejette les Saintes écritures puisque leur Auteur céleste y veillera un jour ou l’autre.  Toutes les religions chrétiennes semblent s’entendre sur le fait que le fait de persécuter un frère pour ses opinions constitue un crime ignominieux, mais que Dieu, s’il n’a pas été correctement vénéré, ne se gênera pas de le vouer à la damnation éternelle.

Quelqu’un pourrait-il nous expliquer ce paradoxe par lequel les sectes chrétiennes détestent autant les infidèles et se méprisent autant entre elles?  Il faut dire que c’est le cas pour toutes les religions qui ont donné naissance à des sectes, toujours taxées d’hérétiques.  Pourquoi les Chrétiens se soucient-ils autant du baptême de leurs enfants tout en se fichant éperdument de leur destin éternel?  Pourquoi les sectes chrétiennes acceptent-elles les offrandes des exploiteurs et des voleurs, omettant de souligner les vices de leurs souscripteurs?  Pourquoi cherchent-elles à soudoyer les chercheurs scientifiques pour maintenir l’apparente intégrité de la signature de Dieu dans les Textes sacrés?   Pourquoi travestissent-elles les mots du Tout-Puissant pour établir la vérité du Christianisme?  Pourquoi font-elles des courbettes devant les grands de ce monde pour en obtenir des miettes de facilitation au niveau de leur mission évangélique?  Pourquoi s’émerveillent-elles autant de la moindre allusion à la Providence qui sort de la bouche d’un grand personnage qui agit en tyran?

Pourquoi les religions chrétiennes cachent-elles avec autant de soin les bribes peu reluisantes du passé de certains de leurs fondateurs, membres ou promoteurs?  Qu’importe-t-il vraiment aux gens ordinaires que Pierre était un peu misogyne;  que certains cardinaux français aimaient s’adonner à la luxure; que Paley ait eu des penchants épicuriens;  qu’Isaac Newton ait déjà agi en infidèle;  que Voltaire se soit rétracté de certains de ses propos au moment de sa mort;  que Paine soit mort paralysé de terreur;  que l’Empereur Julien se soit écrié de dépit : Galiléen, tu as vaincu;  qu’Agassiz ait accordé peu de crédibilité à Moïse;  que Napoléon ait accepté de reconnaître que le Christ fut plus grand que lui et que César;   que Washington se soit agenouillé, pris de panique, à Valley Forge;  qu’Ethan Allen ait effrontément recommandé à ses enfants de vivre dans la religion de leur mère, après sa mort;  que Franklin ait proféré : «Ne retirez pas ses chaînes au tigre»;  que Volney ait éprouvé une grande frayeur lors d’une sortie au large, en vaste mer;  que récemment, à travers le monde, bien des membres du clergé aient été accusés de pédophilie!  Vous devinez la réponse : elles sentent bien que les fondations de leur temple commence à s’effondrer, du fait qu’elles voient ses murs se fissurer, ses piliers pencher, son grand dôme central osciller, parce que la science matérialiste et la Sagesse spirituelle achèvent de ruiner leurs assises.

Voyez-vous, avec le temps, même la revendication de la liberté individuelle aide à franchir un pas vers l’infidélité.  Luther s’est opposé au pape catholique;  Humboldt a contredit Luther;  Wesley a luté contre John Stuart Mill.  Celui qui ose tenter de réformer une église finit par la détruire.  Toute religion nouvelle qui nait d’une religion ancienne propage un peu moins de superstitions que celle qui lui a donné naissance, ce qui favorise l’avènement de la religion de la Science pure.

On aurait tort de croire que les religions n’ont apporté que du mal.  Comme toute réalité porte un paradoxe.  En fait, chaque religion comporte ses grandeurs et ses faiblesses et chacune a excellé dans la production d’extrêmes.  Chacune a produit autant de meurtriers que de martyrs.    Toutes les religions ont largement contribué à nourrir et à soigner les corps, mais elles ont affamé l’esprit et elles ont endormi les âmes.  Tel un bandit de grand chemin au grand cœur, elles ont quémandé l’aumône avec avidité, ce qui leur a permis de se transmuer en généreux pirate.  Elles ont engendré quelques anges et une multitude de démons.  Elles ont érigé plus de prisons que d’asiles.  Elles ont su avancer un plateau de quête dans une main, une épée dans l’autre.  Elles ont rempli le monde d’hypocrites et de zélotes.  Même que, sur la croix même du Christ, elles ont crucifié l’individualité de l’homme.  Elles ont tenté d’attenter à l’indépendance de l’âme et de jeter le monde à genoux.  Voilà les seuls crimes des religions.

Mais elles n’auraient jamais réussi à s’imposer sans recourir à ces crimes.  Pour forcer l’obéissance, il leur fallait réussir à faire croire qu’elles détenaient la vérité et toute la vérité, que Dieu les avait investies de ses secrets; qu’il avait fait d’elles son agent de diffusion, son cogérant ou son vicaire.  À défaut d’y parvenir aussi facilement, il leur a fallu développer des moyens qui permettaient d’imposer leur autorité.  Il leur fallait encore établir leur suprématie sur les autres religions en les rabaissant ou en les accusant de tous les maux.  Avec le temps, cette stratégie a rendu tout compromis inacceptable et toute réflexion superflue.  Alors, la pensée a été promue au rang du pire ennemi et l’obédience, de sa plus grande alliée.  Comme toute recherche devenait suspecte, il a fallu supprimer le droit à l’investigation.    Ainsi, le Saint des saints a pu se former derrière des rideaux opaques.  Il faut savoir que les maîtres de la contrefaçon n’apprécient guère que leur signature soit soumise à des experts et que les imposteurs détestent la curiosité.

Si vous avez un peu de mémoire, vous vous rappellerez que la phrase la plus célèbre de la religion chrétienne réside dans ce propos : «Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.»  Elle résume fort bien son attitude pompeuse, condescendante et triomphaliste.

Pour résumer, la Christianisme s’est toujours opposé à l’avancement de la race humaine.  Sur la voie du progrès, il a toujours su dresser les parapets des citations de la Bible, des tracts, des commentaires réprobateurs, des livres de prière, d’un credo, des dogmes, des plateformes théologiques.  Plus il s’est imposé, plus il a eu recours a des stratégies audacieuses et astucieuses.  Les Chrétiens ont commencé par se regrouper autour des monceaux de détritus d’où ils ont su lancer leurs malicieuses flèches empoisonnées contre les soldats de la liberté.  Si vous y portez attention, vous constaterez que, même aujourd’hui, le Christianisme libéral se retranche dans son Saint des saints et qu’il vénère encore ses vieilles idoles dans une niche de son cœur.  Il conserve une large part de ses anciennes superstitions et il cultive le plaisant souvenir de ses vieilles croyances et de son ancien prestige.  Dans son for intérieur, il tente même des les placer à l’horion du monde comme s’il s’agissait d’une aube nouvelle.

Comme la majorité des gens associent la mémoire des gens qu’ils ont aimé dans le passé avec la religion de leur enfance, ils n’aiment pas trop que quelqu’un s’en prenne à elle.  Ils ressentent ces attaques comme un viol de conscience ou comme un sacrilège.  Comment accepteraient-ils de bon gré que quelqu’un détruise les idoles que leurs parents et leurs ancêtres ont vénérées?  Comment un autre pourrait-il se mêler de tourner leurs vérités sacrées, qu’ils croyaient si belles, en fables remplies d’actes barbares?  Au fond de lui-même, l’ancien Chrétien peut aller jusqu’à rejeter l’Ancien Testament, mais il tiendra mordicus au Nouveau Testament, même s’il ne pratique plus depuis longtemps.  Il raconte une si belle histoire qu’elle ne peut avoir subi de déformations.  Ceux qui parviennent à se faire à l’idée d’un Dieu personnel, qui accorde son attention, son aide et ses soins à l’individu, pourront, eux, plus facilement accepter de jeter par-dessus bord tout ce qui a fait partie de leurs anciennes croyances.

Pourtant, les férus d’histoire et de culture savent fort bien qu’il existait autrefois un genre littéraire, qui portait le nom d’apologie, un genre encore très répandu, au Proche et au Moyen-Orient, au moment de l’apparition de Jésus.  À preuve, jusqu’à récemment, l’ancienne théologie catholique l’acceptait, légèrement modifiée, comme une partie intégrante de son enseignement, à l’égal des autres branches d’études, dans les séminaires.  Ce genre littéraire, communément admis, se préoccupait peu de faire vrai, il veillait d’abord à faire crédible, à édifier et à convaincre.  Aussi considérait-on comme normal qu’il travestisse, déforme, modifie ou invente, s’il parvenait à toucher les cœurs, à déclencher les émotions, à susciter l’adhésion.

Plus haut, nous avons évoqué les avancées triomphales de la sacro-sainte science, à notre époque éminemment laïque, mondaine et matérialiste.  Mais, à notre avis, comme elle adopte souvent, de manière voilée, les mêmes attitudes et les mêmes stratégies conquérantes que les religions ont utilité ouvertement, jusqu’à récemment, la science est également appelée, tôt ou tard, à perdre des plumes.  Les critiques agnostiques et athées, souvent d’acerbes critiques, ne perdent pour attendre de la Causalité.  Les grands fantômes finissent toujours par subir le même sort que les petits, quand l’aube se lève et qu’elle croît jusqu’au grand jour.  Jusque là, puisque la science a largement remplacé la religion, on peut affirmer que l’indépendance de l’être humain reste un beau rêve.  À l’heure présente, l’Humanité trime dur, sous le couvert tyrannique de l’immense ego scientifique.  Mise entre les mains d’irresponsables, par ses possibilités immenses, la science est devenue une menace qui en fait frémir plus d’un, parmi les plus conscients.  Chose sûre, dans la société de consommation qu’elle a engendrée, elle a déjà dépouillé l’homme de son individualité.  Sous le regard courroucé de l’Absolu, l’homme reste un pantin pitoyable et un esclave tremblant.  Derrière son sourire forcé, on constate qu’il ne se perçoit que comme un serf temporairement avantagé.  Gouverné par  une entité dont la volonté arbitraire fait force de loi, enchaîné au char du pouvoir, son destin relève du bon plaisir de certains inconnus ou de certains impondérables.

Il n’empêche que, dans la plupart des esprits, persiste une vague crainte des dieux engendrée par l’apparente malice des cieux qui fait parfois tressaillir d’inquiétude. Nos pères ont agi comme les esclaves du labeur et de la contrainte religieuse.  Leur progéniture s’est laissé asservir mentalement par d’autres forces.  Il faut admettre que la démarche d’affranchissement de l’âme passe par un processus évolutif puissant, mais lent, ponctué d’avancées et de retours en arrière.  Les jeunes peuvent avoir rejeté les religions, il n’empêche que la superstition, mère de la peur et de la foi, régit encore largement le monde, du haut de son trône de cranes.  Cela se poursuivra jusqu’à ce que les hommes et les femmes se tirent de l’emprise des prêtres, des ministres et des guides spirituels de tous acabits.  Ce n’est que lorsque, se dégageant de leur émotivité, les femmes recourront pleinement à leur raison et qu’elles enseigneront la philosophie à leurs enfants que l’esprit humain remportera sa pleine victoire sur les ombres des ténèbres.  Et ce n’est que lorsque les pères remettront l’autorité, bien comprise, à la mode, que la dérive mentale, qui rend tout permis, jusqu’à la barbarie, s’estompera.

Dans l’esprit de plusieurs personnes, même après que leur intellect a rejeté les légendes fabuleuses, mais étranges, de leur religion de naissance, il reste un doute, né des habitudes mentales contractées dans l’enfance.  Plusieurs continuent longtemps à se demander s’il ne pourrait pas subsister une semence de vérité dans leur brouillard théologique et si la voie de l’apparente superstition ne resterait pas la plus sûre.  Ce propos, emprunté à un fait vécu, le confirme.  Un jour, un homme, qui marchait dans les ruines d’Athènes, se retrouva devant une statue de Jupiter, renversée là, devant lui.  S’inclinant profondément devant elle, il s’exclama : O Jupiter! je te salue…  Et il ajouta d’un trait : «S’il t’arrivait de remonter sur le trône du ciel, je te prie de ne pas oublier que je t’ai traité poliment quand tu étais prostré.»

Les représentants de votre religion d’enfance vous ont probablement appris que rien n’éveillait mieux la colère de Dieu que le fait de douter de son existence, ce qui constituait, du reste, un abominable péché.  Ils ont pu vous raconter que d’infâmes athées ont été foudroyé à mort pour cette raison et qu’ils ont été précipités en enfer, où une horloge indique «Toujours» (on y reste), «Jamais» (on n’en sort).  Ce qui est étrange, c’est que ces mêmes personnes racontent que Dieu, l’Être infini, qui préside à un niveau absolu, bien au-delà de la condition humaine, peut exprimer une miséricorde infinie.  Mais, dans le même discours, elles vous laisseront entendre que ce même Dieu ne peut tolérer qu’un être fini et peccable remette honnêtement son existence en question.  Bien que, par son omniscience, il sache que ses enfants avancent dans une vallée de ténèbres, transis de doute et de peur, et qu’il soit capable d’illuminer leur sentier, il n’en garderait pas moins une rancune pour ce qu’il considère comme le plus infamant des crimes : le doute sincère d’un chercheur assoiffé de vérité.  Il faut en déduire, selon la logique de l’orthodoxie religieuse, que Dieu a doté l’espèce humaine d’un esprit imparfait, mais qu’il est en droit d’exiger d’elle une conduite parfaite.

Supposez pour un moment que vous entendez deux petits insectes discuter de l’existence de l’espèce humaine et que l’une de ces bestioles ose affirmer, sur son honneur, qu’elle a examiné la question en tous sens, au meilleur de ses moyens, et qu’elle est venue à la conclusion qu’elle ne peut exister.  En tant que représentant de l’espèce humaine, qui assistez à ce discours, vous permettriez-vous d’entrer dans une rage folle et d’écraser la pauvre bête de votre talon ferré en vociférant : «Par cet acte diabolique, tu apprendras, misérable blasphémateur, que l’être humain existe bel et bien?»  Alors, que pensez-vous d’un Dieu qui commanderait à ses auxiliaires invisibles de sortir tout l’arsenal céleste pour le braquer sur l’un de ses pauvres enfants qui aurait exprimé sa pensée profonde le plus simplement du monde?  Heureusement qu’il existe d’autres penseurs, comme Ennius, qui a osé dire : «Si les dieux existent, ils ne portent sûrement pas attention aux affaires humaines.»

Avez-vous déjà pensé à ces millions d’hommes et de femmes qui ont été exterminés pour la seule raison qu’ils aimaient Dieu et qu’ils lui vouaient un culte à leur manière?  Alors, est-ce que le Dieu de leur dévotion, qui détient la puissance infinie, a pris acte du fait que ses créatures amoureuses et héroïques, qui croupissaient dans des donjons sombres, et a entendu le cliquetis de leurs chaînes, lorsqu’elles ont levé leurs mains suppliantes vers lui dans leur prière, avant d’agoniser?  Même lorsque les martyrs se sont retrouvées sur le bûcher des bigots, seule la mort a pris pitié d’eu après que les serpents de flamme les eurent enlacés et dévorés.  Que faut-il en déduire?  Au Moyen Âge, le Maître suprême a assisté à ces scènes d’horreur pendant plus de six cents ans et il a apparemment maintenu son impassibilité parfaite, comme s’il n’était qu’un fantôme aveugle, sourd et muet.  Mais, pour un petit doute sur son existence, il mobiliserait rapidement toute sa force pour détruire le moindre impudent.  Voilà qui ne fait aucun sens et ne tient pas debout!

De nos jours, derrière les apparences, nombre de pays se targuent d’offrir la liberté religieuse à leurs citoyens.  Nombre de gouvernements l’ont enchâssée dans un article de leur constitution nationale.  Mais cette liberté existe-t-elle vraiment?  Il semble que non, surtout aux États-Unis, qui se disent le pays de toutes les libertés.  Nous ne parlerons pas de la France qui vient de voter une loi très suspecte contre les sectes.  Dans la majorité des pays, les gouvernements exigent que vous fassiez partie d’une religion accréditée ou que vous gardiez votre opinion pour vous-même.

Si nous examinons plus profondément ce qui se passe chez nos voisins du sud, qui parviennent généralement à nous contaminer, nous observons un étrange paradoxe.  Ces gens disent appartenir à un pays chrétien.  Leurs billets de banque tendent à rappeler que cette nation a été établie sur les principes de la Bible et que toute personne qui dénigre ce Livre sacré s’attaque directement à ses fondements.  Pourtant, la Constitution étasunienne n’a nullement été conçue pour établir et supporter la divinité du Créateur ni la crédibilité du Christ, mais pour garantir le sens sacré de l’Humanité.  Il s’agit du premier gouvernement du monde qui, sur l’instigation de la France laïque, ait vraiment été fondé par le peuple et pour le peuple et qui ait éliminé toute référence à Dieu et aux dieux.  La Déclaration de l’Indépendance a promulgué clairement cette vérité sublime que tout pouvoir vient du peuple.  Les Pères de la Nations savaient fort bien que, s’ils incluaient Dieu dans la Constitution de leur pays, l’être humain ne tarderait pas à en être exclus.  On trouve là le premier propos national officiel qui nie le dogme antique que Dieu peut accorder à un seul homme le droit d’en gouverner d’autres.  Il s’agit de la première grande affirmation de la dignité de la race humaine contre tout chef qui n’en serait pas le Serviteur des serviteurs.

Pourtant, dans ce pays, il se trouve des juges fondamentalistes, formés dans l’orthodoxie chrétienne, qui affirment tout le contraire.  Ils professent que les institutions de leur pays ont été fondées sur les lois infamantes du Jéhovah, si facile à offenser, de la «Bible».  Ils croient dur comme fer que les décisions prises, au temps jadis, par des mercenaires à la solde des rois de Juda ou d’Israël doivent encore lier toute une nation, et pour l’éternité.  Ils prétendent que les lois anciennes, fort supérieures aux lois modernes, peuvent mieux garantir la justice que la réflexion de l’homme contemporain.  Comme, dès le départ, ils partent d’idées préconçues, au niveau de leurs jugements, ils ne peuvent que se demander comment on réglait autrefois les litiges, pour reproduire un jugement similaire, incapables de penser qu’ils pourraient apporter des changements pour s’adapter aux temps présents.  Ne peut-on pas légitimement se dire que, puisqu’ils tournent le dos au soleil, ils ne peuvent que vénérer la nuit et servir l’Ombre?  Car, pour ce qui a trait à l’avenir, ils n’entretiennent qu’une préoccupation, celle de leur réélection, ce qu’ils ne peuvent plus facilement obtenir sans contenter et séduire la masse influente des puritains.

Au dix-neuvième siècle, dans l’État d’Illinois, un athée ne pouvait pas témoigner en cour de justice, même s’il avait été le témoin unique du meurtre des membres de sa famille.  Encore aujourd’hui, dans plusieurs États, celui qui ne fait pas profession de foi d’appartenir à une religion constituée n’est pas aussi complètement protégé par les lois locales que les autres citoyens.  Tout récemment, dans la ville de New York, des Protestants ont organisé un grand rassemblement pour alerter l’opinion publique en vue d’obtenir un amendement de coloration religieuse à la Constitution fédérale.  Dans un discours, un ministre du culte de cette congrégation, docteur en théologie, a lancé ces mots : «Quels sont les droits d’un athée?»  «Je ne le tolérerais que comme je tolère un pauvre lunatique.  Je le tolérerais comme je tolère un conspirateur.  Il peut vivre et se promener librement, posséder son lopin de terre, jouir à son aise de sa maison –même qu’il peut voter.  Mais, pour détenir les droits supérieurs et plus complets du citoyen, à mon avis,  il est parfaitement disqualifié.»  Et ici, au Canada, comme au Québec, le puissant lobby de l’Assemblée des Évêques et des chefs des autres religions ne manquent pas de mettre tout leur poids pour ralentir ou empêcher l’adoption de certaines lois ou l’application de certains changements favorisant la laïcité.     

Pour tout exégète impartial, la «Bible» préconise clairement l’établissement d’une théogonie.  Ce Livre saint enseigne que tout pouvoir provient de Jéhovah, que toute autorité émane de lui et que tout roi détient de lui son pouvoir.  Il n’en fallait pas plus pour que même des tyrans se proclament l’agent du Très Haut.  Chez les Catholiques, le pape qui a lancé l’Inquisition ne l’a pas fait au nom des hommes, mais au nom de Dieu.  Tous les gouvernements d’Europe, même ceux qui se disent laïques, reconnaissent la grandeur de Dieu et la petitesse du peuple.  Et, tout au long de l’histoire, des ministres consacrés ont accepté de couronner des voleurs et des tyrans qui se faisaient passer pour des rois ou des chefs de gouvernement.  On peut croire que la nation qui se confie à une Église constituée voit rapidement les droits sacrés de l’être humain bafoués, au profit de sa conception de son Dieu.  Par ses dogmes immuables, présumément infaillibles ou incontestables, elle finit toujours par amener une clique d’être apparemment inspirés à gouverner le grand nombre.  Et cette clique ne tarde pas à nier l’individualité et la liberté de tous, s’arrogeant le droit de persécuter et d’éliminer ceux qui s’opposent à elle.  Pas besoin d’insister, l’histoire le démontre amplement, quand le passé est souvent garant du présent et probant de l’avenir.

Si vous écoutez un esprit religieux le moindrement fervent, il devient rapidement sectaire et prosélyte.  Alors, celui qui propage des idées un peu libérales, pourra assister à une scène comme celle qui suit, qui s’est réellement passée.  Un Méthodiste aborde un libre penseur notoire et lui dit : «C’est bien votre droit de ne pas croire àtemple_scan la Bible, mais, pour le bien du monde, vous devriez vous abstenir d’en parler.  Vous devriez garder vos convictions pour vous-même.»  Le libre penseur s’empresse de lui demander : «Alors, vous, vous croyez à tout ce que dit la Bible?»  Le Méthodiste répondit plein d’assurance : «Très certainement.»  Il ne tarda pas à se faire river son clou : «Votre réponse ne me prouve rien.  Vous pouvez tout aussi bien lire la Bible et lui accorder secrètement votre propre interprétation.  En pareil cas, vous risqueriez d’appliquer ce que vous comprenez plutôt que ce qu’elle dit.  Vous me demandez de retenir mon opinion.  Ne croyez-vous pas qu’une personne qui demande à une autre de dissimuler ce qu’elle pense pourrait être elle-même assez portée à faire des entorses à la vérité?»

Et il est plus que vrai que l’obscurantisme commence toujours par le désir de faire taire ceux qui ne pensent pas comme soi.  Il n’y a rien de plus subversif que la répression de la libre pensée et du droit de parole.  D’où on peut parier que, si on redonnait les coudées franches à n’importe quelle Église, le monde ne tarderait pas à perdre nombre de ses acquis et replongerait dans une grande noirceur.  Pourtant, aucun être humain digne de ce titre ne pourrait accepter des croyances qui répugnent à son esprit et se soumettre, en ces matières, aux décisions d’une religion ou d’un État.

Pour sûr, tout être humain doit aspirer à l’unité de l’Humanité.  Mais, selon les meilleures prévisions, cette unité ne pourra commencer à se faire qu’en admettant la diversité et en respectant la différence.  Dans cette perspective, l’œcuménisme des religions officielles, qui ne veulent rien céder de leurs privilèges et de leurs prétentions, ne mènera jamais loin.  Alors, autant ne pas compter sur les Église pour y arriver.  Pour longtemps, chacun aimera penser que le consensus universel restera incomplet sans son apport personnel.  Même chez les êtres les mieux intentionnés, l’ego tient encore une large place, ce qui fait que la Voie du Ciel, comme celle de l’Enfer, est pavé de bonnes intentions.  Dans tout ce qu’il entreprend, chacun poursuit un intérêt plus ou moins conscient qui ne risque pas de trop le desservir.

Tout bien pensé, toute religion en vient à ressembler à la société à laquelle elle s’adresse, d’où il ne faut pas la juger trop sévèrement.  La vérité, c’est que, comme toutes les autres institutions et organisations, elle est formée d’êtres humains peccables et vulnérables pourvus, à divers degrés, de pulsions d’égoïsme et d’altruisme.  Et quoi qu’il arrive, la Vérité, telle qu’elle existe dans le Créateur, finira bien par prévaloir, à la fin d’un monde…

La survie des religions…

Présentement, la Terre et l’Humanité traversent le plus grand cycle de transformations qu’ils n’aient jamais connu.  Dans l’histoire, le Judaïsme a reçu l’influence du Cinquième Rayon cosmique, celui de la science et de la connaissance, d’où il a grandement contribué à développer le plan mental.  Quant au Christianisme, influencé par le Sixième Rayon cosmique, il a proposé la dévotion, l’idéalisme, l’adoration, la compassion, le pardon et la grâce, renforçant le plan astral.  Avec l’Ère du Verseau, émergera la Septième Race-mère qui atteindra une haute évolution spirituelle en s’ajustant à la Conscience divine.  Elle jouira principalement de l’influence du Septième Rayon cosmique, relié à la Flamme violette et qui engendre la transformation ou la transmutation, la liberté, la rédemption, la purification et qui procède par les rituels et l’organisation.  Déjà, tout être et toute créature sur la Terre est affecté par le rayonnement de ce Rayon puissant, régi par Saint-Germain.   Grâce à ce rayonnement, les enseignements anciens, en commençant par les plus démodés, seront écartés du Monde.  Voilà qui permettra à l’Humanité d’évoluer dans la sagesse et d’élever ses modèles vibratoires.  Au niveau religieux, seules les croyances fondées sur l’amour et le renforcement du pouvoir intérieur pourront survivre.  Chose certainReligion confusione, les enseignements fondés sur la peur, entretenant des concepts de contrôle et de domination seront les premiers à disparaître.  Autrement dit, dans cette phase de transition, seules les religions aptes à élargir leur philosophie et leur théologie pourront survivre.  Et uniquement dans la mesure où elles pourront incorporer les vérités supérieures du Créateur unique.

Tout nouveau cycle d’être s’ouvre toujours par une acceptation de changer.  Plus grande devient cette aptitude, plus le changement s’opère dans l’aisance, la douceur, l’élégance et la grâce.  Mais ceux qui s’opposent à la nouveauté ne peuvent, par leur résistance au changement, que s’attirer des conflits.  Pout tout être évolutif, tout réside toujours dans son aptitude à attirer les énergies plus raffinée, à y répondre et à les intégrer.  S’il y résiste, il s’impose une expérience douloureuse, marquée par des situations compliquées, qui se présentent, non comme des punitions, mais pour le forcer à leur trouver une solution, ce qui lui permet d’ouvrir sa conscience et de connaître ses potentiels innés.  À l’heure présente, chacun est appelé à renforcer sa détermination personnelle de s’accomplir dans la Lumière divine.  Chacun doit choisir de passer d’une mode de conscience au service de l’ego à un autre entièrement mis au service de l’Âme.  En l’occurrence, l’Âme désigne l’État médiateur ou la partie du Tout cosmique situé  entre l’Esprit divin et le psychisme humain agissant dans un corps physique.  Dans cette perspective, tout être incarné est appelé à passer du mode de vie mené par l’ego, une créature artificielle et factice du mental, à un mode de vie régi par l’Âme.  Et c’est par la douleur et la souffrance que le mental s’ouvre à la compréhension et à la compassion qui permet cette transformation intime.

Depuis un bon moment, la Terre subit les effets du Feu solaire.  Rien ne peut échapper au rayonnement et à l’influence magnétique de la Lumière raffinée du Créateur et à ses Particules diamantines qui touchent le Monde terrestre (avec son Humanité), le système solaire et la Voie lactée.  Par l’Ascension, la Terre et les Hommes se préparent à l’Illumination qui élèvera toute conscience dans la Religion unique située au-delà des petites religions exotériques.  Et chacun s’élève d’autant plus facilement qu’il se relie à la Vérité unique.

Une conclusion s’impose      

Aucune religion n’a été instituée par Dieu.  Si tel était le cas, il aurait sûrement prévu que chacun, qui réclame sa catholicité et orthodoxie de lui, coopèrent davantage entre elles, au lieu de se mépriser et de s’opposer de façon souvent condescendante.  Toutefois, les religions ont aidé l’humanité a garder un contact avec Dieu et à maintenir un système de valeurs sans quoi elle aurait grandement dégénéré.  Nous leur en sommes tous redevables.  Toutefois, les religions actuelles n’ont de dignité et d’avenir que dans la mesure où elles conduisent les hommes à trouver Dieu et à profiter d’une expérience vivante en le connaissant, surtout que dans la mesure où elles chercheront à se rapprocher et à se fusionner dans la Religion unique, entièrement dévouée à l’amour et au service de Dieu.

Trop de croyants pensent qu’ils peuvent s’assurer l’amour et le pardon de leurs erreurs par la grâce de Jésus, d’Allah, de Jéhovah ou de  Dieu, par celle d’autres instructeurs religieux, par la pratique toute extérieure de prescriptions scripturaires et qu’ils peuvent ensuite demeurer inactifs et satisfaits d’eux-mêmes, voire fainéanter de manière hypocrite ou suffisante.  Le nom du fondateur d’une religion ne garantit pas définitivement à qui que ce soit la place qu’il occupera dans les maisons du Père-Mère.  Toute religion doit enseigner à apprendre et à suivre la volonté de Dieu par ses instructions;  à manifester la plus haute forme d’amour;  à vénérer ou à adorer Dieu sincèrement;  à s’aimer soi-même comme les Royaumes célestes aiment chaque être et à aimer toute la vie autant que soi-même;  à réaliser la paix;  à être l’amour et à témoigner l’amour.  Elle doit aider les gens à se tirer de leur oubli et les ramener à la véritable connaissance de l’Unité au lieu de créer des divisions et des fragmentations.  Elle doit aider à déceler le message universel qui perce à travers toutes les religions du monde, amalgamer ce thème en dépassant le sectarisme et le séparatisme religieux.  Elle doit réunir tous les êtres humains au sein d’une fraternité universelle fondée sur la solidarité, puisqu’il ne peut exister qu’une vérité fondamentale en Dieu.  Chacun doit examiner ce que lui offre la religion à la quelle il appartient et se demander si, au-delà de tout, elle enseigne la concentration intérieure et la connaissance de Dieu au lieu de la condamnation des autres.  Et si elle ne s’y applique pas, il ne peut être à sa place en y adhérant sans protester.

Dans la pratique et l’enseignement de la religion, la théologie est habituellement inutile et les discussions concernant les Écritures représentent une perte d’énergie.  Toute Église qui a déifié son fondateur, au lieu de reconnaître Dieu, est dans l’erreur. Toute religion doit cesser de s’en tenir aux Écritures.  Le temps est venu de cesser de tuer du bétail, qui appartient déjà à Dieu, en pensant ainsi l’honorer.  Le service religieux devrait être simplifié et se limiter à une homélie et à une méditation.  Il devrait bannir les rites, éliminer la pompe et les distinctions entre ministres et fidèles.  Les religions doivent cesser de s’opposer entre elles et se concerter, éliminant toute quête de pouvoir.  En outre, elles doivent se trouver autre chose à faire que de présider au service dominical.  Elles doivent faire savoir que chacun peut prier Dieu dans la maison de Dieu, mais qu’il peut également être appréhendé partout.  Elles doivereligionnt cesser de mettre des saints sur les autels et simplement proposer des modèles.  Car la religion vise avant tout à mettre les gens en contact avec leur Instructeur intérieur ou leur Maître intime.  Le choix de la religion importe peu en lui-même pour autant celle qui est choisie mène à Dieu avec la certitude éclairée que la mort n’est pas la fin de tout.

Curieusement, chacune des religions, qui devrait servir à unir ou relier les êtres humains dans la conscience d’un Dieu unique, cherche, au départ, à séduire en se fondant sur l’idée qu’elle présente la seule voie véritable, inspirée ou révélée par Dieu, et que le fait de croire en une autre qu’elle entraîne le risque de se damner ou de se perdre éternellement.  Ainsi, chaque membre d’une autre religion devient un hérétique à convertir, souvent de gré ou de force, ou un ennemi à détruire au nom de sa conception de Dieu.  De ce fait, au lieu de recourir à l’amour, chaque religion stimule la peur et la division, voire la haine, pour s’attirer des adeptes.  Et, une fois son hégémonie établie, que d’énormités elle profère au nom de l’Éternel, comme si Dieu s’était manifesté à elle de façon privilégiée, une fois pour toutes, donc qu’il ne continuait plus à animer sa Création par son Esprit de Vie.  Elle s’adonne au prosélytisme et à l’esprit missionnaire pour augmenter le nombre de ses adeptes.  On pourrait croire que, une fois son pouvoir établi, chacune d’entre elles cherche à imposer son prestige, imposant le respect, l’accord, l’adhésion, comme si le nombre de membres sur sa liste officielle confirmait sa vérité ou sa légitimité divines.  Étrangement, chacune d’elle professe l’omniprésence de Dieu, mais elle invite chacun de ses membres à se renier sa réalité d’être uni à Dieu.   Pour elle, l’être humain n’est pas divin, ne fait pas partie de Dieu, ne fait pas qu’un avec lui.  Il doit se contenter d’entretenir la relation arbitraire d’une créature avec son Créateur.  En plus, la majorité d’entre elles propose une spiritualité contrainte par un ensemble d’actes rituels répétitifs liés à la conception d’un domaine sacré distinct du profane (ou de la Nature) qui permettrait de mettre l’âme humaine en contact avec Dieu, mais par interposition de ministres, plus dignes et saints, parce que consacrés,  que la masse des fidèles.  Elle engendre une attitude intellectuelle t morale qui résulte de cette croyance, en conformité avec un modèle social, et qui constitue une règle de vie, à laquelle on doit une observance, entraînant dans un engagement formel et dans une discipline rigide, au risque de se couper du principe duquel dépend sa destinée.

UN BRIN DE CULTURE SPIRITUELLE

La Religion à mystères, aussi appelée École de mystères, désigne une école spirituelle fermée qui comporte des doctrines secrètes et des rites de purifications et d’initiation révélés aux seuls candidats approuvés, triés sur le volet par les initiations successives.  Dans l’histoire spirituelle, on peut notamment mentionner les «Mystères de Cybèle et d’Attis», les «Mystères d’Éleusis», les «Mystères d’Isis», les «Mystères d’Osiris», les «Mystères de Mithra».  Une religion aniconique se déclare hostile au réfractaire aux représentations d’êtres vivants ou de la divinité par crainte de l’idolâtrie.  C’est le cas de la religion musulmane.  Dans la Tradition musulmane, une religion blanche désigne une doctrine opposée à l’Islam.  En spiritualité, la Religion des rois réfère à la Tradition primordiale qui se perpétue, de génération en génération, par la lignée des ancêtres, dans la Hiérarchie cosmique.  Elle se fonde sur la notion que l’autorité découle du Savoir, non de l’élection ni du pouvoir personnel.  La religion dualiste oppose clairement les notions de Bien et de Mal pour éviter toute confusion entre ces termes extrêmes.  La Religion du feu représente une allégorie pour désigner le Mazdéisme.  La Religion réformée identifie le Protestantisme qui recouvre surtout la confession calviniste, opposée aux Anglicans et aux Luthériens.  La Religion universelle renvoie à la Tradition primordiale qui sert de Source unique à toutes les religions.

Le but des religions consiste à célébrer Dieu et à unir tous les peuples dans l’Amour divin, au-delà des divergences et des différences, et d’une façon qui honore l’Humanité, au lieu de la diviser et de la détruire, ce qui était l’intention de tous leurs fondateurs.  L’expression entrer en religion évoque le fait de consacrer sa vie à la religion, au sein d’une communauté religieuse, généralement en prononçant des vœux.  On dit encore «prendre l’habit» ou «prendre le voile».  Le nom de religion désigne l’appellation que prend un religieux en perdant son propre nom, au moment de prononcer ses vœux d’adhésion à une communauté.  L’Église catholique a aboli cette obligation conventuelle.

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