LES JEUX OLYMPIQUES, DE PLUS EN PLUS INEPTES… ET SOMPTUEUX…

Les Jeux olympiques d’été de 2016 (les Jeux de la XXXIe Olympiade de l’ère moderne) auront lieu en 2016, à Rio de Janeiro, au Brésil.  Dans une odeur de scandale – puisqu’on a notamment évoqué des accords passés par le président brésilien Lula avec certains membres du CIO, entre autres ses «promesses osées aux représentantbrésil-rio2016s africains» — le Comité international olympique a choisriodejaneirojeuxolympiques2016i le lieu de la compétition le 2 octobre 2009 et il l’a révélé lors de la session du Comité international olympique, qui se tenait à Copenhague, au Danemark.

Ces Jeux olympiques d’été, seront les premiers à se dérouler en Amérique du Sud, et les troisièmes à se dérouler dans l’hémisphère sud, après Melbourne en 1956 et Sydney, en 2000. Il s’agira aussi des premiers Jeux olympiques à se dérouler dans un pays lusophone.  Et, comme le Kosovo et le Soudan du Sud devraient y faire leur première apparition sous leur propre  délégation, ce sont 206 nations qui devraient participer à ces Jeux olympiques d’été.  L’événement sportif se tiendra du 5 au 21 août 2016, alors que plus de 10 500 athlètes de 206 Comités nationaux olympiques (CNO) participeront à cet événement sportif, comportant 28 sports, car il inclura le rugby à sept et le golf, des disciplines que le CIO a ajoutées en 2009.  Ces événements sportifs se dérouleront dans 33 lieux différents répartis dans 4 différentes secteurs de la ville, à savoir : Barra, Copacaban, Deodoro et Maracaña.

Après Jeux olympiques d’hiver 2014 de Sotchi, en Russie, qui ont nécessité un investissement de capitaux tels que, si la situation n’est pas redressée, il deviendra presque impossible de tenir d’autres rencontres du genre ailleurs que dans des pays extrêmement riches ou chauvins, en raison de l’escalade, au nom de l’honneur, de la surenchère, il convient probablement de reproduire cet article que nous avions publié à l’ouverture des Jeux de Vancouver, au Canada, il y a quelques années, soit en 2010.  Pour le moment, après la plus ou moins récente récession économique et la baisse de l’économie du Brésil, on se demande si les installations seront prêtes à temps.  Mais auparavant, il pourrait se montrer pertinent de rapporter ce bref commentaire que nous avions émis lors de la présentation des Jeux olympiques d’été de Londres, en 2012 :

«Décidément, je vais encore faire figure d’extraterrestre car je veux m’inscrire en faux, dans le concert d’éloges dithyrambique qui, dans les médias, a suivi la présentation de l’ouverture des Jeux olympiques de Londres.  Nul ne peut décrier les sports dans la mesure où ils aident à développer et à entretenir la bonne forme physique.  Nul ne peut davantage mépriser des événements qui favorisent la fraternité universelle et contribuent à rapprocher les peuples.  carte2Mais quel être conscient, fermant les yeux sur les abus de le système organisé des Jeux olympiques, pourrait éviter de dénoncer ce que tous semblent tant apprécier.

Par essence, les Jeux olympiques visent à rapprocher les nations, alors qu’il ne devrait pas y avoir des nations, mais un seul peuple planétaire, celui de l’humanité, ce qui impliquerait, malgré l’abolition des frontières et des gouvernements nationaux, l’acceptation des différences.

Dans un premier temps, comment peut-on justifier un tel investissement financier voué à la défense de la fierté nationale quand tant de millions d’êtres humains crèvent de faim et ont difficilement accès à l’éducation et à la culture?  Surtout, comment peut-on accepter la présentation d’un événement qui, par la concurrence, inhérente à toute compétition, ne sert qu’à cultiver les rivalités nationales et à faire faussement la promotion des États les plus puissants?»

Au lieu de revenir sur les travers de cette activité planétaire, pour nourrir votre réflexion, nous vous présentons maintenant le texte que nous avions publié il y a quatre, lors de la tenue des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver…

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«Il est probable que la création des Jeux olympiques remonte aux Pisâtes, les premiers habitants de la vallée de l’Alphée. Mais les véritables Olympiades ne commencèrent que le jour où Iphitos, roi d’Élis, conclut avec Lycurgue la convention qui établissait autour des Jeux la fameuse trêve sacrée.  Dès lors, la ville d’Élis dût veiller à la direction des concours, l’Élide devenant un territoire neutre et inviolable.

La première Olympiade date de l’an 776 avant notre ère.  À ce moment,  toutes les cités impliquées durent déposer les armes pour la durée des Jeux afin de permettre aux athlètes de se rencontrer en paix dans diverses joutes.  À l’époque, on prononçait  la trêve sacrée par cette déclaration : «Puisse le monde se libérer des crimes et des tueries ainsi que du choc des armes».

Pendant près de douze siècles, on célébra les Olympiades avec une régularité que ne troublèrent guère les événements les plus graves.  Par exemple, au moment où se livrait le combat des Thermopyles, les Grecs se trouvaient assemblés à Olympie.  Cependant, il advint parfois que des contestations surgirent pendant les jeux, ce qui se produisit notamment lors de la 8e Olympiade (en 748 av. J.-C.), alors que les Pisâtes reprirent la direction des jeux aux Éléens.  Lors de la 104e rencontre sportive (en 364 av. J.-C.), on alla jusqu’à rompre la trêve sacrée.

Il faut dire que, depuis les âges les plus reculés de l’histoire connue, les Grecs associaient la gymnastique, au sens le plus large du mot, aux fêtes célébrées en l’honneur des dieux.  Il se pourrait même que les Jeux olympiques tirassent leur origine des jeux funéraires tenus pour Pélops, à Olympie, à l’instar de ceux que l’Iliade décrit s’être tenus à Troie après la mort de Patrocle.  Car on sait pertinemment qu’on pouvait en célébrer, à l’occasion, à des dates déterminées. Des rencontres sportives de ce genre, très anciennes, ont fort bien pu être reprises sous l’égide de Zeus olympien.  Quoi qu’il en soit, d’après les images votives de chevaux découvertes sous les fondations du plus vieux sanctuaire d’Olympie, il appert que des courses de chars avaient eu lieu, sur l’emplacement de cet ancien culte, bien avant la date où, d’après la tradition, Coroebos remporta la première victoire à la course à pied.

grece1 Les Jeux olympiques furent supprimés par un édit de l’empereur Théodose, en 392, parce que le Christianisme, désormais triomphant, lui reconnaissait des origines païennes.  En 426, par un édit sacrilège, Théodose II ordonna le saccage des temples et édifices que, dans l’intervalle, les hordes d’Alaric avaient pillés sans les détruire.  L’édit ne fut que partiellement exécuté, mais les tremblements de terre de 522 et 551 et les inondations du Kladeos, que ne retenaient plus les digues protectrices, achevèrent l’œuvre des désastres antérieurs.

C’est ainsi que la ville d’Olympie disparut jusque dans ses traces.et on perdit jusqu’à ses traces. Retrouvée en 1829, par le corps expéditionnaire français qui volait au secours d’une Grèce ressuscitée, la vieille ville fut exhumée entre 1875 et 1881 par l’école d’archéologie allemande aux frais du futur empereur Frédéric III.  Elle y inventoria 130 statues ou bas-reliefs, 13 000 bronzes, 6 000 pièces de monnaie, 400 inscriptions, 1 000 pièces de terre cuite et 40 monuments.

Cet événement antique d’Olympie, sacré, à l’origine, dans la Grèce antique, renaquit de ses cendres à Athènes, mais sous une forme profane, en 1896, grâce au baron Pierre de Coubertin, ce qui explique que, en hommage, on y utilise toujours le français comme langue prioritaire, à l’ouverture et à la fermeture, comme lors des présentations des rencontres sportives.  L’une des différences entre les jeux anciens et les jeux modernes réside dans le fait que, dans les jeux originels, on n’enregistrait pas de record. Le principal souci de l’athlète consistait à l’emporter sur ses adversaires, non d’abattre un record, c’est-à-dire de s’imposer comme le meilleur dans l’absolu. Faut-il relier cette différence au fait que les jeux anciens, d’inspiration religieuse, se fondaient sur un système de valeurs, alors que les jeux modernes se veulent purement profanes?

On considère la flamme olympique comme le symbole le plus visible des JO. À Olympie, durant les jeux de l’antiquité, on entretenait vive une flamme sacrée sur l’autel de la déesse Héra.  Pour ce qui a trait à l’ère moderne, la flamme olympique est réapparue pour la première fois en 1928, aux Jeux d’Amsterdam.  Quant à la tradition du relais du flambeau olympique, qui symbolise le lien entre les Jeux anciens et les Jeux modernes et qui culmine avec l’allumage de la flamme olympique, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux, elle remonte aux Jeux de 1936 à Berlin.  Pour cette raison, il est transporté d’Athènes, où la flamme est rallumée, vers le pays hôte des JO, bien que, depuis peu, la flamme est plutôt transmise par satellite.

Les Jeux olympiques (JO) ont eu lieu tous les quatre ans, hormis lors des deux Grandes Guerres mondiales.  Dans leur facture moderne, ils comprennent deux rencontres : les Jeux olympiques d’été et les Jeux olympiques d’hiver.  En raison de leur coût de plus en plus onéreux, qui empêche les pays moins fortunés de le tenir sur leur territoire, et de certaines autres dérives, plusieurs n’hésitent pas à préconiser leur abolition pure et simple dans les meilleurs délais.  D’un point de vue spirituel, c’est surtout le chauvinisme étroit et l’aspect compétitif qui s’avouent contestables.

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Une bonne critique des JO s’impose.  D’abord, pour en illustrer le coût faramineux, on peut étudier l’impact de la dernière rencontre de Vancouver, ville-hôtesse des Jeux olympiques de l’hiver 2010.  À une époque de tensions mondiales, de difficultés économiques et de coupures dans les programmes sociaux, les organisateurs canadiens ont dépensé d’énormes sommes d’argent public pour mettre en scène ce spectacle colossal que, partout dans le monde, on considère comme la plus grande rencontre du genre.  Ils ont dépensé des milliards de dollars pour la construction des sites indispensables, ajoutant un nouveau centre de congrès et un terminal d’aéroport, l’élargissement et le pavage d’un nombre inconnu de kilomètres de routes et d’autoroutes, la construction d’une ligne de transport rapide pour relier l’aéroport régional à son centre-ville et l’érection de nouveaux hôtels pour servir les sociétés commanditaires et accommoder les spectateurs.

Pour ce qui concerne les JO de Vancouver, le discours officiel estimait,  à tort, que, outre les entreprises de construction, qui, sur plusieurs années, avaient déjà accumulé des centaines de millions de dollars dans la préparation d’infrastructures de tous genres, du réseau de l’hôtellerie, des agences de voyages, des restaurants et du secteur immobilier devjeuxolympiques71aient faire beaucoup d’argent avec le tourisme, en provenance de toutes les parties du monde, si ce n’était dans l’immédiat, du moins à long terme, même si un fait similaire n’avait jamais avéré dans les autres villes-hôtes.

Pour leur part, certaines des plus grandes sociétés du monde ont décroché le titre de commanditaires attitrés des Jeux, ce qui inclut, au niveau international,  «Coca-Cola», «VISA», «General Electric», «Samsung» et «McDonald’s», et, au niveau national, la «Banque Royale», «Petro Canada», la «Hudson’s Bay Company» et «Bell».  À la vérité, au cours des deux semaines des jeux, la participation de ces commanditaires fut telle qu’ils ont réservé des hôtels et des restaurants entiers pour répondre aux besoins de leurs dirigeants, de leurs invités et d’une kyrielle de parasites bien placés.   Le Projet de loi 13, qui régissait une part de l’affichage public, avait été conçu de manière à protéger la marque olympique et celles des commanditaires des Jeux, et probablement pour censurer les expressions publiques d’opposition aux JO.  Par exemple, à l’Université de la Colombie-Britannique, on avait menacé d’expulsion les étudiants en résidence  qui placeraient des signes d’opposition aux JO dans leurs fenêtres, tandis que, à la mi-décembre 2009, les fonctionnaires municipaux de Vancouver avaient ordonné la suppression d’une fresque extérieure, peinte le mur d’une galerie d’art du centre-ville, montrant quatre visages tristes et un visage heureux à l’intérieur des anneaux olympiques.

Lorsque Vancouver avait déposé une offre pour les Jeux olympiques d’hiver, le budget alloué à la sécurité des JO devait s’élever à 175 millions de dollars alors que, aux dires d’experts, leur coût final aura dépassé le milliard.  Car une armée de militaires canadiens, d’organismes de la GRC (police fédérale) et de la police municipale, environ 10 000 membres au total, avaient organisé la police dans la ville et les divers sites des compétitions sportives, assistés d’environ de 5 000 agents de sécurité.  Pour les supporter, les autorités compétentes avaient fait installer un vaste réseau de caméras de surveillance des espaces publics et des barbelés et ils avaient fait dresser d’autres obstacles dans toute la région afin de maintenir les manifestants et le public trop pauvre pour se payer des droits d’entrée à l’écart des sites des JO.  En préparation, dans certains cas, les forces policières avaient déjà intensifié le harcèlement et l’intimidation des opposants aux JO à travers le Canada, visitant les maisons et lieux de travail, non seulement des personnes qui s’opposent à ceux-ci, mais également des membres de leur entourage.

À ce jour, on a toujours justifié la présence massive des forces militaires et policières par les mêmes prétextes utilisés pour expliquer les interventions en Irak, en Afghanistan et en Palestine, à savoir que, dans chaque coin, il peut se cacher une menace terroriste potentielle et que la seule façon de la combattre, c’est de l’assiéger et de l’éliminer.  Avant même la tenue des jeux, la police avait annoncé qu’elle ferait arrêter toute personne qui tenterait d’organiser des manifestations contre les JO près des sites ou le long des circuits de transport importants.

Pour atténuer certaines critiques, la Sûreté de Vancouver avait acquis de nouvelles armes, notamment un système acoustique, un système de haut-parleur pouvant émettre une onde sonore puissante pour disperser les foules, qui avait d’abord été mis à l’épreuve contre des civils, à Pittsburgh, aux États-Unis, l’année précédente, lors de la réunion du G20, cette réunion des principaux responsables politiques du monde.  Participant à la paranoïa, pour leur part, pour la première fois, les services de transport avaient décidé d’adjoindre des chiens renifleurs au système de transport pour sonder de façon aléatoire les passagers et leurs biens.  En outre, le gouvernement provincial, en coopération avec le Conseil municipal de la ville-hôtesse, avait promulgué deux lois spéciales, l’une pour purger la ville des opposants aux jeux et restreindre leurs expressions visibles et l’autre, une apparente assistance au logement, pour permettre à tout policier d’écarter les sans-abri et les autres indésirables des artères entourant les sites olympiques en les parquant dans des refuges spécifiques ou dans d’autres municipalités.  Il appert encore que les gardes-frontières se sont montrés plus sévères à la frontière canadienne afin de restreindre les mouvements des personnes opposées aux Jo.

Somme toute, le spectacle des JO, qui n’avait duré que deux semaines, a laissé dans son sillage un héritage lourd : l’endettement financier de la population, l’augmentation de la paupérisation de la classe moyenne, la violation de certains droits civils et sociaux et, surtout, le renforcement significatif des outils et des armes de la Sécurité nationale de l’État.   De plus, à cinq semaines de l’ouverture des Jeux, la société «Intrawest Corporation», propriétaire de la station de ski de Whistler, le centre où la plupart des descentes devaient se dérouler, situé à 100 km au nord de Vancouver, avait annoncé qu’elle s’était trouvée en manque de liquidités et qu’elle avait dû compter sur des centaines de millions de dollars pour un sauvetage d’urgence.  Qui a fini par payer la note?  Évidemment, l’ensemble des citoyens, comme toujours.

Mais les JO comportent d’autres effets résolument pervers qui amènent le sens de l’éthique à s’effriter.  Devant le bilan peu reluisant que produit de plus en plus souvent la tenue des JO dans une région du monde, il est temps de commencer à se poser des questions, et les bonnes, par rapport à la légitimité et aux aspects avantageux d’un tel événement.  On a beau dire que les JO représentent la grande leçon de philosophie que l’humanité se donne à elle-même, il faut admettre qu’ils offrent une conception biaisée de l’être humain, de sa quête de bonheur, de la société dans laquelle il vit, du type de relations qu’il entretient, de ses notions de la perfection, de la fraternité et de l’amour.

À l’origine, les JO entendaient répandre l’idéal de construire un monde meilleur, fondé sur la paix, par le biais de la pratique du sport dans un esprit de fraternité et de solidarité.  Mais ce grand idéal a été rapidement abandonné pour être remplacé par celui de l’enrichissement pécuniaire, d’une hégémonie nationale, de la compétition et de la réussite à tout prix, dut-elle passer par la tricherie et la magouille.  Il a cédé à une entreprise d’exploitation de l’homme par l’homme, qui défie toute logique et toute morale, en plus de saper toutes les valeurs humaines de solidarité, de justice sociale et les valeurs écologiques de protection de l’environnement.

Que peut-on reprocher à l’administration et à l’organisation des JO?  D’abord, on peut croire que le Comité olympique reste ouvert à des suggestions fallacieuses pour ce qui concerne les candidatures.  Il reste ouvert à des pressions politiques et économiques qui amènent à s’accommoder trop facilement aux dictatures, notamment à celle du capitalisme sauvage.  En outre, si les JO flattent la fierté nationale des divers pays, ce dont se repaissent leurs dirigeants politiques, à cause de l’endettement national qu’il augmente, ils ne rapportent qu’à une petite clique, presque toujours à la même, tandis que les pauvres et les miséreux perdent l’espoir de trouver un avenir meilleur.

Par les coûts indécents d’aménagements démesurés, les JO hypothèquent toujours l’avenir des populations locales.  Pire encore, cette évolution défavorise démesurément les pays pauvres qui ne peuvent jamais se payer la tenue de cet événement sur leur territoire.  Encore que, dans ce domaine, il tolère un matraquage publicitaire éhonté, pour faire la promotion de la philosophie du pays hôte, sans être en mesure d’en limiter la teneur ni l’espace.  Il permet encore que la région d’accueil soit placée sous un contrôle policier ou militaire en raison de la menace réelle ou présumée de terrorisme ou de contestations de l’événement.  Il laisse souvent se produire un gaspillage écologique qui aboutit au saccage de l’environnement ou à l’exploitation de certaines couches de la population locale.

Mais le pire, c’est l’inclination des pays participants au patriotisme étriqué qui mène davantage à la réprobation ou à la haine des autres peuples par interposition de leurs sportifs.  Ainsi, les différentes rencontres sportives dégénèrent en affrontements visant à déterminer quel est le pays le plus fort ou quel est celui qui possède les meilleurs athlètes.  La compétition entretient l’esprit de concurrence, même la rivalité secrète, amenant à voire partout des adversaires ou des opposants alors que, dans la vie, il n’y a ni gagnants ni perdants, il n’y a que des êtres humains en évolution.

Qui donc a enjoint à l’être humain, si ce n’est lui-même, d’être performant, de se comparer aux autres, de les imiter, de les envier, de convoiter leur état d’être ou leurs biens, de les aborder comme s’ils étaient des rivaux?  Le Créateur ne lui demande rien d’autre que de se réaliser, au meilleur de ses connaissances et de ses moyens, dans toute son unicité, donc dans sa rareté et son originalité, dans cette part qui fait sa différence et le rend précieux, voire irremplaçable.  Et de s’accomplir de façon autonome et indépendante, mais fraternelle et solidaire, donc libre.  Dieu seul, qui détient l’autorité unique, connaît toute la richesse qu’il a un jour déposée en chaque être et qu’il l’appelle à découvrir, dans l’accomplissement de son rôle fonctionnel.  Or il appelle chacun à s’accomplir de son mieux, à sa propre idée et de sa propre manière.  Car la concurrence induit subtilement et imperceptiblement dans l’hostilité, ce qui rend un être diviseur ou séparateur et ce par quoi il s’oppose à l’Ordre et à l’Harmonie du Plan cosmique.  Chacun n’est appelé qu’à être pleinement lui-même, à s’accomplir à son rythme, par ses propres moyens, et à se mesurer uniquement à lui-même.

Comme le sens de l’honneur a décru, par la partialité des juges ou des arbitres, pour arracher la victoire, certains pays ne redoutent pas de chercher des petits arrangements pour s’assurer la première place sur le podium ou pour au moins y monter.  Entre eux, les athlètes se permettent de jouer avec les règlements pour dépasser un adversaire ou le surclasser, se faisant ensuite défendre par leur fédération nationale.  Pourtant, si on n’est pas trop imbu de chauvinisme, pourquoi ne pourrait-on pas apprécier les aptitudes d’un athlète d’un autre pays que le sien, dut-il s’agir d’un pays jugé sans importance géographique, politique ou économique?  De toute manière, sur notre petite planète, où tant de défis attendent l’humanité, qui doit agir ou réagir en bloc, les divers nationalismes sont déjà des notions dépassées.  Surtout, pourquoi tenter de se mesurer à autrui quand, ce qui compte d’abord, au point de vue de l’évolution personnelle, c’est de se toiser soi-même pour apprendre à se dépasser sans cesse dans une quête d’être davantage et de mieux vibrer l’amour vrai?  Tenter d’émuler un autre et de le surclasser n’ajoute rien à la réalité propre d’un être à part de le faire dévier de son rôle individuel et de l’amener à se dépersonnaliser.

Du point de vue individuel, de toutes les menaces qui pèsent sur les sportifs participants, la plus grave est l’importance croissante que l’athlète fabriqué prend par rapport à l’athlète naturel ou celle des accessoires dont il se sert de manière à augmenter son rendement.  Déjà que l’aspect compétitif est préjudiciable, parce qu’il enclenche un processus de rivalité qui engendre la division, il l’est aussi parce qu’il amène à comparer des entités qui ne sont en rien comparables, ni par leur origine, ni par leur morphologie, ni par leur métabolisme, ni par leurs cycles biorythmiques.  Alors, s’il faut ajouter la pratique exagérée, le surdéveloppement musculaire et le dopage dont l’athlète aura à payer le tribut plus tard dans sa vie, autant dans le domaine physique que psychique, on peut tout craindre.  Car que devient un athlète qui a longtemps pratiqué presque dans l’anonymat et qui devient soudain la vedette de l’heure quand s’éteignent les projecteurs de la rampe olympique?  Il est à espérer qu’il a accumulé assez d’argent pour échapper à un bien triste sort.  Comme le dit Albert Jacquard, biologiste et généticien de renom, dans son ouvrage intitulé Halte aux JO! : «Le mythe de la potion magique ressemblera de plus en plus à la réalité, mais l’athlète ne sera plus qu’un organisme dont, avant la compétition, les médecins doseront avec finesse les multiples paramètres biologiques. Il sera semblable à une Ferrari dont les ingénieurs règlent avec précision les caractéristiques à la veille d’un grand prix.»

À nombre de points de vue, les JO illustrent une vision du monde qui, avec le développement de la conscience, paraîtra de plus en plus inadéquate au fur et à mesure que les hommes comprendront qu’ils ont intérêt à composer avec la nature et à l’imiter, plutôt que de la transformer, en la déformant, faute d’en avoir compris la complexité.  On nous parle de la démocratisation du sport amateur, qui deviendrait accessible à tous, alors que les équipes restent le plus souvent sous le contrôle de puissants intérêts financiers.  C’est ainsi que des sportifs de haut niveau se donnent en spectacle, appuyés par un système médiatique des plus puissants, devant des personnes qui, pour un grand nombre, vivent la misère, limitées dans leur accès à un monde dominé par le culte de la performance individuelle, la course effrénée au rendement et l’accumulation de l’argent.  C’est Georges Orwell qui a dit ce que plusieurs ont toujours pensé : «Pratiqué avec sérieux, le sport n’a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d’autres mots, c’est la guerre, les fusils en moins.»  Au matraquage médiatique s’ajoute le matraquage publicitaire qui fait en sorte que les JO ne représentent plus qu’un outil de promotion de certaines multinationales ou de certaines forces de pression souterraines pas forcément vouées à l’accomplissement du destin humain.

Certains ne comprennent pas qu’on puisse s’opposer à la tenue des JO dans un territoire donné du fait que, à leur avis, son concept, qui fait honneur à un pays, en le plaçant dans la mire du monde,  favorise une compétition sportive au lieu de la guerre, permet de rapprocher les nations, en plus de créer des emplois temporaires et de laisser des infrastructures intéressantes.  Mais ces retombées peuvent-elles résister à l’analyse des nombreux travers que nous venons d’énumérer?  Encore, plus largement et au premier chef, qu’est-ce que notre civilisation du sport par interposition de sportifs?  Qu’est-ce que les êtres humains ont à tirer des sports professionnels dans lesquels les athlètes, trop grassement payés pour leurs mérites, deviennent les membres de véritables firmes commerciales? Comment ne suspecte-t-on pas que ces ligues sportives, par moult astuces de mercatique, soient devenues des entreprises purement capitalistes en mal de profits.

Nul ne peut nier les bienfaits du sport, comme nul ne peut nier la contribution bénéfique de JO sur l’évolution et la pratique des sports et sur l’amélioration de la forme physique et des équipements dans nombre de pays.  Mais il y a les pratiquants d’un sport et les sportifs de salon, ces drôles de spectateurs qui se donnent l’impression de participer à la vie et de changer quelque chose à leur réalité simplement en regardant les autres performer.  On aurait toutes les raisons de croire que les sports, surtout les plus populaires, perpétuent les jeux de cirque de l’Antiquité et témoignent de la propension de l’être humain à quémander du pain et des jeux avant d’entreprendre une quête d’éveil spirituel!  Ils expriment le besoin de se divertir dans la facilité et l’agrément pour se sentir vivre en recourant à des excitants artificiels.  Ils constituent souvent une manière pervertie de liquider l’agressivité personnelle dans un vain souci de vaincre, même par interposition de personnes.  Souvent encore, ils révèlent le besoin de s’absorber dans une occupation factice pour échapper à son vide existentiel, au dialogue ou à la communication véritables.

Comment un être sensé peut-il comprendre qu’un semblable intelligent puisse trouver du plaisir à regarder des adversaires s’asséner des coups (lutte, pugilat, boxe), nuire au bien-être d’une créature (pêche sportive) ou lui supprimer la vie sans nécessité autre que le divertissement personnel (chasse)?  On ne vit quand même plus au temps des cavernes alors que nécessité obligeait.  Comment un être doté d’intelligence et de sensibilité peut-il s’extasier en regardant se pavaner un Monsieur-Muscles ou s’exhiber l’aspirant au titre d’homme le plus fort du monde?  Comment peut-il s’identifier au jeu d’une équipe qui n’a de local que le nom, mais qui est en fait formée d’étrangers payés grassement pour la représenter?  En passant, plus ces sportifs sont payés chers, plus ils deviennent nonchalants et arrogants, dès qu’ils ont acquis leur indépendance financière, plus ils se paient la tête des gens et mieux ils aiment s’adonner à leurs petits vices dans le secret.  Comment peut-il croire à la bonne foi de propriétaires, en situation de monopole, qui n’ont à peu près qu’une idée : celle de se remplir les poches au détriment des pauvres badauds crédules ou désœuvrés?  Enfin, comment peut-il prendre du plaisir à regarder pendant des heures deux personnes s’échanger une balle sur une table, un volant par-dessus un filet, un poids sur de la glace, un palet sur une patinoire ou autre chose en prenant part intensément à leur jeu, au point de s’identifier à eux et à leurs résultats?

Il ne faut pas être trop conscient de son destin pour s’occuper à des activités aussi stériles.  Surtout, il faut grandement s’ennuyer et ne pas savoir quoi faire de son temps.  Il faut croire qu’il y en a qui trouvent la vie bien morne, quand ils n’ont rien à faire, et qu’ils sont prêts à tout pour échapper au silence et à la solitude qui leur permettraient de se retrouver face à eux-mêmes, de se regarder bien en face et de se poser les bonnes questions par rapport à leur destin en incarnation.»

© 2010-2016, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.  

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