CHERCHER À SE FAIRE PRENDRE POUR UN AUTRE QU’ON N’EST PAS POUR MASQUER SON SENTIMENT DE PETITESSE

Pour mettre dans l’ambiance du sujet, voici une petite histoire, trouvée sur la Toile.  Elle démontre comment l’arrivisme, qui s’accompagne souvent de snobisme, peut transformer, pour le pire, une personne.  «Un homme et une femme de la haute société dînaient aux chandelles dans un grand restaurant, quand une sculpturale blonde vient rouler une pelle au mari avant de s’éclipser.  «Qu’est-ce que c’était que ça?» grinça la femme.  — C’était ma maîtresse, ma chère!  — Je demande immédiatement le divorce, tu m’entends, immédiatement!  — Comment? lui assure son mari les yeux dans les yeux, tu veux abandonner notre petit palais d’un quartier chic, ta «Mercedes», tes fourrures, tes bijoux, notre maison de vacance sur la côte?  Mmmm? Ils continuent de dîner en silencvie-de-chateaue, puis la femme pousse son mari du coude et dit : «Pst, ce ne serait pas Martin, là, à l’autre table? Et avec lui, ce n’est pas sa femme! – En effet, c’est sa maîtresse, de répondre le mari.  — Mmmm! dit l’épouse en reprenant du dessert, la nôtre est mieux!»

Plusieurs croient que le snobisme est un qualificatif de prestige qui équivaut à susciter sur son passage une admiration en raison de sa dignité et de sa distinction.  C’est oublier son sens étymologique qui provient du latin «sine nobilitate»qui veut dire «sans noblesse».  L’explication la plus fréquente, mais qui ne fait pas l’unanimité, se réfère à un argot local en usage parmi les étudiants de l’«Eton College» ou de l’université de Cambridge.  Au lendemain de la bataille de Waterloo, le Royaume-Uni a connu une importante révolution industrielle.  Ainsi, dans cette génération, nombre de fils de la bourgeoisie eurent accès à de prestigieux établissements scolaires jusque-là fréquentés essentiellement par les enfants de l’aristocratie, donc élevés en dignité par la Cour d’Angleterre.  À l’origine, cette appellation désignation aurait désigné ces fils riches par opposition aux «nobs», les enfants de la «nobility», soit de la noblesse, trop jeunes pour porter un titre nobiliaire, d’où ils étaient simplement qualifiés de «honorables».  Dans une société régie par une monarchie héréditaire, il importait de bien marquer, dès le départ, la différence entre les deux classes sociales.

De nos jours, ce mot recouvre toutes les attitudes de prétention par lesquelles on fait un étalage forcé de ses manières, de ses goûts, de ses relations, des modes qu’on emprunte sans discernement, sans besoin profond, de façon maladroite, à une autre classe, jugée supérieure, mieux perçue, plus éduquée, plus raffinée, plus policée.  Cet être offre une dévotion profonde à ses divinités qui peuvent être la mode, les titres, les millions, la langue anglaise, les votes d’admission dans les grands cercles et quoi encore.   Pour d’autres, il dévie en prétention intellectuelle ou en exaltation mystique, pour ne pas dire en orgueil spirituel.

On peut croire que le snobisme, qui amène à imiter les grands de ce monde jusque dans leurs travers, dénote toujours une frustration agressive fondée sur une dévalorisation personnelle et un mal de vivre qui empêche de reconnaître la valeur de sa propre expérience telle qu’elle se propose.  Dans sa personnalité, le snob compense par des attitudes hautaines, arrogantes, dominatrices, radicales, de même que par ses manières, son habillement, son élocution, son vocabulaire, au risque de faire souvent des impairs risibles.  Chez le parvenu, le naturel revient toujours au galop, surtout lorsqu’il a un petit verre dans le nez, se ridiculisant lui-même et se dépréciant ensuite davantage.  Il faut toujours rester soi-même, naturel.  Ce qu’on est vraiment se voit, ce qu’on sait être se sent.  Pas besoin d’y ajouter des artifices pour attirer l’attention ou se démarquer de certaines gens.

Fondamentalement, le snobisme extériorise à l’extrême, tout en comportant le rêve d’une grandeur illusoire : il porte un être à copier les gens d’une classe supérieure se donnant ainsi l’impression d’accéder à leur sphère.  Il amène à feindre ce qu’on n’est pas.  Frédéric Rouvillois, un professeur de droit public et écrivain français contemporain, a écrit : «Le manque de modestie, le désir de se situer au-dessus, constitue l’essence du snobisme…».  Mais on peut croire que cette attitude existait avant l’invention du mot «snobisme».  En effet, dans l’histoire, on retrouve un certain Lucullus qui, bien avant que M. Thackeray ait popularisé le mot «snob» s’est fait le premier mangeur de paon, non parce qu’il en appréciait la chair, mais parce que ce volatile était plus imposant que les poules et les pintades, venait de plus loin, coûtait plus cher et lui faisait plus d’honneur.

Mais l’histoire grecque comporte également un épisode qui peut illustrer la notion et les dangers du snobisme, celle du berger Marsyas.  Un jour, cet insolent qui maîtrisait plutôt bien la flûte, se permit de proposer au dieu Apollon de l’affronter dans un concours.  Le Dieu solaire, fils de Jupiter et de Latone, avait également bonne réputation en la matière, d’où il accepta de relever le défi.  À l’époque, il semble que les dieux étaient souvent oisifs et pouvaient se permettre des écarts à leur noble rôle.  C’est Midas, le roi de Phrygie, qui fut choisi pour arbitre.  Alors, chacun des deux rivaux exécuta sa mélodie, après quoi le roi et arbitre désigna le prix au berger.  Cette preuve d’anarchie courrouça si bien le dieu qu’il infligea à son juge des oreilles d’âne, commandant qu’on écorchât vif l’impertinent gardien de troupeaux.  À croire que cette fable, impliquant le dieu de la Lumière, comporterait une morale, comme un avertissement à tous les arrogants et prétentieux.

De nos jours, on reconnaît un snob au fait qu’il choisit d’acheter des produits que le commun pourrait difficilement se procurer, s’adonne à un sport d’élite, fréquente des restaurants substantiellement plus chers que les casse-croûte… à part d’esquisser des sourires forcés lorsqu’il devrait rire jaune.  Et, pour se faire honneur, il ingurgite des vins de prix ou des alcools fins, cherche à développer un vocabulaire ampoulé pour les décrire.  Pour lui, toujours à la mode, pour attirer la curiosité, le monde n’existe que pour lui permettre de se pavaner et de se faire voir alors qu’il cherche en tout l’accord parfait et majeur du bien, du beau, du cher.  Tentant de suppléer à son manque d’originalité personnel et à son vide d’opinion, il veille à toujours utiliser le bon mot et le geste qu’il faut, quand il le faut.  Il s’occupe sans cesse d’incarner la distinction, même dans une tenue de travail ou de détente, car il lui importe d’échapper au public ordinaire.  On dit qu’il préfère «Small World» à «MySpace» ou à «Facebook» qu’il croit réservés à la plèbe.  Il cherche sûrement à échapper à des humiliations réelles ou présumées de son enfance.

Nous n’allons pas décrire toutes les attitudes et tous les comportements étranges de la personne affligée de ce mal.  Nous retiendrons plutôt que Marcel Natkin, auteur et photographe, a écrit : «Le snobisme est une manière pour les gens sans personnalité de s’en donner une».  En copiant autrui, le snob se condamne à toujours avoir l’air d’un autre au lieu d’être lui-même.  Pourtant, dans la vie, sans devenir populiste et vulgaire ni témoigner de fausse modestie, il n’y a rien de plus merveilleux que de savoir rester soi-même en se méfiant des attitudes et des comportements artificiels et eVoiture-de-luxempruntés.  Cela permet d’attirer des semblables harmonieux, bien dans leur peau, avec qui on peut œuvrer à réaliser l’Unité d’un monde déjà trop porté à se diviser, en raison de ses différences.  Celui qui copie autrui se dépersonnalise jusqu’à ne plus savoir qui il est dans sa réalité personnelle.  S’imposant des manières, des rituels et des coutumes, à part des dépenses injustifiées qui peuvent, ultimement, le mener à la ruine, il vit par interposition de personne.  Ainsi, il ne peut avoir de facilité à approcher les gens pour travailler avec eux dans la cohésion.

Chacun gagnerait à retenir qu’il n’est pas né pour imiter les autres et vivre une vie d’illusions, mais pour s’accomplir, à son rythme et à sa manière, dans sa réalité propre d’Être divin, en suivant sa propre voie, aussi valable que toutes les autres, qui rend unique et précieux.  Avant de naître, pour aider Dieu à valider ses concepts relatifs à ses potentialités infinies, chacun a choisi un sentier particulier, inaliénable, qui le rend rare et précieux aux yeux de la Source divine et de toutes les créatures.  Et c’est son Essence et ce choix fait devant le Créateur qui devrait lui permettre de se sentir pour toujours digne d’être tel Qui il est, tel qu’il est.

Celui qui essaie trop de se distinguer des autres démontre, par l’artifice de son effort, qu’il lui appartient bel et bien, mais qu’il s’y sent mal au point de chercher à donner l’impression qu’il n’en est pas.  Il est petit à l’intérieur et veut se faire prendre pour grand à l’extérieur.  Tous les êtres sont égaux en valeur et en dignité dans l’Œil de l’Absolu.

© 2013-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.   

 

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