LE MAL CONTEMPORAIN SI USANT DU PERFETIONNISME…

Le perfectionnisme désigne la recherche obsédante de la perfection dans tous les domaines.  Il exprime le désir d’être ou de se montrer parfait, de répondre constamment à des standards de performance, ce qui revient à se garder la barre bien haute : il finit par vider des énergies vives et faire sombrer dans la dépression.  N’invite-t-on pas de plus en plus à «donner son cent dix pour cent», ce qui reste impossible et irresponsable?  On oublie trop facilement que la performance et l’ambition finissent par tuer leur maître.  En effet, cette quête lancinante d’égaler le modèle qu’on se fait d’une réalité, voire de le dépasser, devient exténuant et il vide de ses meilleures énergies.  Par exemple, il amène à donner constamment le meilleur de soi-même, sans se donner de répit, tout en sachant que, quoi qu’on fasse, on se reprochera de ne pas en avoir fait assez.  On se pousse et on se défonce sans cesse, s’acharnant de façon excessive à réalisperfectionnismeer un but, vivant dans une tension qui finit par brûler et par écarter du but visé.  En pareil cas, on refuse de suivre son rythme intérieur, de prendre le temps de se reposer, de jouer, de s’accorder du temps à penser dans le silence, y voyant des pertes de temps.  Et on finit dans la dépression, la perte d’estime de soi ou l’épuisement de la maladie professionnelle!

Ainsi, toujours sérieux ou crispé, agissant en adulte responsable, en parent fort,  ou en artiste virtuose, donc en être sévère et compassé, un être mine son estime personnelle et il perd sa joie de vivre, toujours en train de performer, comme s’il était en concurrence avec lui-même et le monde entier.  Le perfectionnisme naît de la peur d’être perçu comme moindre que ce que l’on est ou montre.  Par le souci d’être impeccable, il amène à produire de grandes et belles œuvres, mais il dirige l’attention vers le faire plutôt que vers l’être, vers les apparences plutôt que vers la réalité.  Il amène à vouloir tout faire de façon exemplaire et exceptionnelle, ce qui engendre une tension insupportable.  On refuse de s’accepter dans ses limites présentes d’être incarné dans le temps et l’espace.  On devrait se contenter de faire de son mieux eu égard aux circonstances.  On doit viser l’excellence, mais en retenant qu’on n’atteindra pas la perfection dans le faire, mais dans l’être.

Le perfectionnisme peut tirer son origine d’un narcissisme voilé qui amène à se valoriser à travers des accomplissements hors de la norme.  Il peut surgir d’un manque d’estime de soi qui fournit une raison de s’aimer dans la réussite, mais qui place dans de grandes difficultés en cas de résultats mitigés.  Il peut encore s’agir d’un désir d’attirer l’attention d’êtres en position d’autorité, d’une peur de devoir essuyer des critiques, d’un désir de tout contrôler ou de maîtriser du premier coup, peut-être même d’un manque de confiance dans ses moyens d’invention.  Quoi qu’il en soit, le désir de toujours faire mieux qui se transforme en volonté acharnée prive du plaisir de vivre en plus de causer de sérieux dégâts autant dans la vie personnelle qu’autour de soi.

En fait, le perfectionniste est un être torturé.  Il n’a qu’une idée en tête, exprimer la perfection, se montrer impeccable, invincible, invulnérable, inattaquable.  Il est l’esclave de son ego ou de sa personnalité.  Aussi ressasse-t-il sans cesse ses défauts et ses lacunes possibles ou reprend-il constamment ses œuvres, toujours insatisfait.  Il se justifie de sa supériorité apparente par le fait qu’on ne peut jamais le prendre en faute.  Mais, si cela se produit, il s’effondre.  S’il lui arrive de se tromper, de commettre une erreur, il ne parvient plus à se le pardonner… et, bien souvent, il ne cherche alors qu’à se cacher pour passer inaperçu.  Vivant sans cesse dans la tension, il performe, il n’accomplit pas grand-chose et il ne comprend pas davantage.

Trop de gens s’obligent à la perfection absolue bien qu’ils se rendent compte de leur équilibre immédiat précaire et de leurs limites actuelles passablement grandes.  Même s’ils comprennent le ridicule de cette attitude, ils se culpabilisent encore par le subterfuge du «J’aurais pu faire mieux».  Et ils s’obligent à toujours reprendre ce qu’ils ont accompli.  C’est de la torture mentale.  Il y a perfection des perfections et perfection du moment.  Dieu n’a demandé à personne d’entrer dans la perfection ultime en un jour, mais, à tire d’être évolutif, il demande à chacun d’agir au meilleur de sa compréhension et de ses moyens.  Chacun est mû par un rythme intérieur immuable qui l’y conduit.  Dieu requiert plutôt un engagement sincère à faire de son mieux avec la compréhension qu’on a développée et les moyens qu’on a réussi à se donner.  Pour le reste, chacun est un enfant de l’Infini.  Il faut vivre, au jour le jour, la perfection de l’instant.

Le perfectionnisme est un état fort inhibant par la tension qu’elle inculque.  Il est contreproductif puisqu’il empêche d’atteindre le but qu’on vise en toute aise, en toute grâce, en toute facilité.  Aussi, à la perfection des perfections, faut-il préférer la perfection du moment qui consiste à rester ouvert et attentif aux milliers de possibilités que la vie place devant soi en acceptant d’intégrer de nouvelles connaissances par l’expérience, sans juger en termes de bien et de mal.  Elle implique la compréhension du fait qu’on est toujours au bon endroit et au bon moment pour faire une prise de consciperfectionnismeence utile à son évolution.  Alors, il suffit de rester présent à soi peu importe le choix qu’on fait pour en évaluer les conséquences pour soi.  Vivant dans le présent, on vibre de la perfection d’étudier ce qui se passe au meilleur de ses moyens et de sa compréhension.  Cette forme de perfection est moins astreignante d’où elle développe moins de tensions et d’angoisse.

Il faut savoir doser ses exigences.  Si l’écart entre les buts qu’un être se fixe et ce qu’il est réellement capable d’accomplir est trop réduit, il n’y trouve aucun défi à relever, d’où sa vie reste morne, ordinaire.  En revanche, si l’écart est trop grand, le but devient inatteignable, ce qui amène à se retrouver dans une souffrance permanente.  La quête de perfection peut servir à stimuler, mais elle ne doit amener à vivre dans la tension et la souffrance.  Cela ne signifie nullement qu’il ne faille pas viser haut, puisque la volonté de toujours mieux réussir peut devenir motivante.  C’est du reste la qualité des artistes en général, qui doivent consacrer des heures de travail pour parvenir à ces instants de perfection qui les induisent dans des émotions intenses.  Mais cette même exigence peut devenir source de paralysie, d’insatisfaction, de frustration permanente.  Il y a danger quand un être en arrive à prendre beaucoup plus de temps que les autres pour accomplir un travail identique tout simplement parce qu’il se montre pointilleux ou tatillon, quand il n’arrive pas à déléguer des tâches, pensant qu’il est le seul à pouvoir diriger les situations et à les mener à bon port ou quand il se morfond et se considère comme nul lorsque tout n’est pas parfait.

On pourrait utilement compléter cette lecture en se référant au texte sur la performance.

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