LE HASARD NOUS RESSEMBLE…

 

  Le mot «hasard» provient de l’arabe «hal-zahri», un terme qui signifiait, à l’origine, «dés», d’où il a rapidement pris le sens de «chance».  En effet, jusqu’au XIIe siècle, il désignait un «jeu de dés» et, par métaphore, tous les domaines relevant de la «science de la chance».  Avec le temps, le même mot se chargea de nouvelles significations, notamment de celle de «danger», comme le rappelle le mot «hasardeux», qui signifie «risqué» ou «menaçant», un sens qu’il a conservé dans le mot anglais «hazard» qui recouvre encore les sens de «danger», «risque», «péril», «aléa» desau sens d’«aventure périlleuse».

   Pour cette raison, dans l’expérience courante, pour un être particulier, le hasard apparaît comme une cause imprévisible, attribuée à des événements fortuits ou à une suite inexplicable de faits.  Cependant, de nos jours, en raison des découvertes socioculturelles, scientifiques et psychologiques, plusieurs faits autrefois attribués au hasard ont trouvé une explication qui le rend normaux, logiques ou prévisibles.  Aussi lui a-t-on donné la nouvelle acception de «phénomène» ou d’«événement exprimant moins un manque apparent de causes que de connaissance de leurs causes».  On démontre par là que l’on reconnaît de plus en plus qu’il existe des phénomènes difficiles à appréhender complètement dans leur complexité naturelle, ce qui fait qu’on ne peut les prévoir infailliblement, d’où on peut redouter un péril potentiel.  Un jour, on admettra que le hasard ne représente que l’enchaînement des répercussions de la Causalité qui échappe à l’entendement de l’observateur en raison de la réduction de sa conscience.

   En effet, dans l’Univers, il n’existe nul hasard, il n’y a qu’un Grand Destin.  Et s’il n’existe pas de hasard, il n’existe pas davantage de chance, de sort, de fortune, de prodige, de miracle, qui représenteraient un favoritisme de la part du Destin ou du Créateur.  Tous les phénomènes du Cosmos reposent sur des lois précises, immuables, qui l’empêchent de sombrer dans le chaos.  Ainsi, tout phénomène, si incroyable ou fantastique qu’il puisse paraître relève d’un jeu de cause à effet ou d’action et réaction.  Ainsi, il a toujours été produit par une intention consciente ou inconsciente.

      En lui-même, le mot hasard implique les notions d’imperfection, d’incomplétude, d’aberration, ce qui implique la possibilité d’un comportement chaotique.  Or, si Dieu, cet Être unique et parfait existe, le hasard ne peut pas exister.  Au contraire, Dieu est la Source de l’Ordre et de la Perfection, donc de l’Équilibre et de l’Harmonie, ce qui réprime toute possibilité de hasard.   En cela, seul le Savoir peut affranchir l’être humain des éléments incertains du soi-disant hasard et l’amener à comprendre que, derrière lui, c’est toujours l’Ordre cosmique qui intervient.  Et, par Savoir, il faut entendre la connaissance spirituelle totale qui allie la science et la conscience, l’objectif et le subjectif.

   Tout bien pensé, le hasard identifie la magie de la vie quand on n’a pas l’envie ou l’humilité de l’appeler la Voie de Dieu.  Einstein a dit approximativement que le hasard est le nom que Dieu emprunte quand il veut voyager incognito.  Abondant dans le même sens, mais avant lui, Chamfort avait dit que la Providence est le nom de baptême du hasard ou le hasard le sobriquet de la Providence.

   Le chercheur spirituel ou le philosophe se rendrait un mauvais service s’il considérait les incidents de sa vie comme des faits du hasard, puisqu’ils proviennent des effets sûrs de l’Ordre universel régi par une Intelligence harmonieuse et équilibrée.  Dans la vie de chacun, tout sert de miroir de ce qu’un être est, soit de ce que, consciemment, il pense, dit, sent et ressent, fait.  Alors, la projection des torts démontrerait qu’il tient encore à se déresponsabiliser et à se considérer comme une victime innocente du sort.  Un être conscient ne considère pas que toutes les expériences terrestres sont nécessaires, mais plutôt qu’elles sont essentielles.  Et il évite de se tromper dans la conception selon laquelle l’ultime fin de la vie serait l’abolition des expériences matérielles ou des efforts personnels.  S’Il reconnaît qu’un Principe divin a ordonné son incarnation, il cherchera toujours à comprendre le pourquoi et le comment de l’existence terrestre et le travail particulier qui lui a été assigné ou que l’on a projeté pour lui, avec son consentement, comme moyen de poursuivre son évolution personnelle.  En outre, ce plan qui lui a été assigné permet au Créateur de valider ses concepts dans la réalité de l’expérience.

   Le fait d’accepter la notion de hasard éloigne un sujet de son centre et il empêche d’absorber la totalité des énergies ambiantes dans leur véritable dynamique.  Si Dieu existe, à titre de Source de l’Ordre parfait, le hasard ne peut pas exister.  Celui-ci ne peut que représenter une répercussion de la Causalité ou une intervention d’en haut dans le qhasard-téléchargementuotidien d’un sujet pour structurer une énergie qualifiée dans l’intention de l’inciter à prendre une direction particulière.  En soi, le hasard traduit un enchaînement de la Causalité qui échappe à l’entendement de l’observateur qui ne peut prendre le recul suffisant pour obtenir une vision d’ensemble de la réalité.  Croit au hasard celui qui aborde la vie dans une mauvaise perspective.

   C’est de là que Bernanos a pu conclure : «… le hasard nous ressemble».  Pour sa part, Satprem a expliqué : «Ils disent le hasard, mais quoi?  Le plus petit de ces hasards brille comme une étoile dans la grande forêt du monde; et parfois, il me semble qu’un geste fortuit, une petite seconde d’inattention, un sautillement à droite plutôt qu’à gauche, une plume d’oiseau, un rien qui souffle, contient un monde de préméditation vertigineux -et peut-être…  Peut-être ne voyons-nous pas tout ce qui relie ces moments, l’invisible fil qui s’enfonce à travers les siècles et rattache cette seconde éblouie, cette soudaine croisée des chemins, cette graine qui vole, à une autre histoire inachevée, une ancienne promesse non-tenue, une colline oubliée, une fontaine d’autrefois où deux êtres s’étaient souri en passant.  Où est le commencement de l’histoire?  À quel signe, quel appel d’autrefois répondons-nous aujourd’hui?  Nous ne tenons pas tous les fils!  Nous tenons les petits bouts de secondes de rien qui passent, inaperçues, des bribes d’histoire comme une petite fenêtre soudaine au milieu d’une grande légende qui s’enfonce par des Scandinavies intimes des îles perdues, et qui continuera encore quand tous nos hivers seront comptés.  Quelquefois, je crois qu’il y a plus de mystère dans un rien qu’on heurte par hasard que dans toutes les infinitudes du ciel, et que la clef du monde n’est pas dans l’infiniment grand, mais dans un minuscule clin d’œil surpris au piège.»

© 2015-16, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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