L’HISTOIRE DES SIRÈS VOUS INTÉRESSE?

Commençons par dire que, dans la mythologie grecque, ces femmes diaboliques habitaient une île du Ponant, près de l’île de la magicienne Circé. Ces filles de la mer traînent une triste réputation de dévoreuses d’homme, attirant leurs victimes par des chants mélodieux ou une apparence séduisante, voire les deux.  Pour mieux tromper, ces redoutables séductrices pouvaient même se présenter comme de simples jeunes femmes, sans queue de poisson, vivant dans la mer.   Pourtant, malgré tout le mal qu’on en a dit, la fascination des êtres humains pour ces intrigantes entités ne décroît jamais…  Peut-être cela provient-il du fait que, dans sa versatilité, la femme, dont l’homme ne saurait se passer, reste longtemps un mystère menaçant pour lui.

Selon la tradition homérique, les sirènes étaient des divinités de la mer qui séjournent à l’entrée du détroit de Messine, en Sicile.  Musiciennes dotées d’un talent exceptionnel, elles séduisaient les navigateurs qui, attirés par les accents magiques, de leurs lyres et flûtes perdaient le sens de l’orientation, fracassant leurs bateaux sur les récifs où ils étaient dévorés par ces enchanteresses. Elles sont décrites au chant XII de l’Odyssée comme couchées dans l’herbe au bord du sirenerivage entourées par les «amas d’ossements et les chairs desséchées des hommes qu’elles ont fait périr».

L’origine des sirènes n’est pas claire. Selon la mythologie grecque, elles étaient filles du fleuve Akhelóös et de la nymphe Calliope (ou de Terpsichore, la Muse de la danse). Les Romains, qui ont beaucoup emprunté au monde grec, racontent que les sirènes étaient à l’origine des femmes normales, elles auraient été les compagnes de Korè, devenue par la suite Perséphone, et qu’elles auraient laissé Hadès, le dieu des enfers l’emmener. Les sirènes auraient reçu leur forme comme punition d’un crime inconnu et, par la suite, elles auraient été appelées à chanter prophéties et chansons relatives au royaume d’Hadès.  Dans Hélène, Euripide évoque plutôt le caractère funéraire des sirènes, ce que confirment depuis longtemps les représentations de sirènes sur des stèles des cimetières.

Une autre explication de leur métamorphose en attribue la cause à la colère d’Aphrodite.   La déesse de l’Amour, les affubla de pattes et de plumes tout en conservant leur visage de jeunes filles parce qu’elles avaient refusé de donner leur virginité à un dieu ou à un mortel.  Ces divinités, fluviales à l’origine, étaient très fières de leur voix et elles défièrent les Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne.  Comme les Muses remportèrent le défi, elles exigèrent une couronne faite des plumes des sirènes, ce qui les priva du don de voler.  Vaincues, les sirènes se retirèrent alors sur les côtes d’Italie méridionale.

Elles interviennent dans l’histoire des Argonautes, rapportée par Apollonios de Rhodes.  Alors que l'((Argo)), le navire commandé par Jason, qui se rendait conquérir la Toison d’or en Colchide, s’approchait de leurs rochers, Orphée triompha d’elles par la beauté de son chant. Seul l’un des marins, Boutès, préféra la mélodie des sirènes à celle du fils de Calliope. Épris d’amour, il se jeta dans la mer pour rejoindre les enchanteresses, mais fut sauvé par Aphrodite.

De même, Ulysse et ses compagnons parvinrent à résister à leur pouvoir de séduction. Après avoir été mis en garde par Circé.  Ulysse fit en effet couler de la cire dans les oreilles de ses marins pour qu’ils ne puissent pas entendre les sirènes tandis que lui-même se faisait attacher au mât du navire pour pouvoir jouir de leur chant sans être tenté de se précipiter vers elles. Suite à ce traitement honteux, les sirènes se seraient suicidées de dépit en se précipitant dans la mer du haut de leur rocher.

Chez les Scandinaves, la sirène apparaissait comme un monstre redoutable appelé ((Margygr)), ce qui signifie ((la géante de mer)). L’œuvre norvégienne le Miroir royal la décrivit comme une avenante créature ressemblant à «une femme en haut de la ceinture, car ce monstre avait de gros mamelons sur la poitrine, comme une femme, de longs bras et une longue chevelure, et son cou et sa tête étaient en tout formés comme un être humain». Ce monstre au visage terrible, doté d’un front pointu, d’yeux larges, d’une grande bouche et des joues ridées, paraissait grand.

Au VIIIe siècle, le moine anglais Aldhelm de Sherborne les décrivit comme des vierges à queue de poisson couverte d’écailles. Du reste, ces deux représentations vont cohabiter jusqu’au xve siècle, moment où les sirènes volantes laissèrent définitivement la place à la forme d’une jolie femme aux longs cheveux et à queue de poisson. À cette époque, le naturaliste allemand Johannes de Cuba les fait vivre dans des gouffres au fond des mers.  De son côté, l’écrivain flamand, Jacob Van Maerlant, affirmait péremptoirement : «On les trouve souvent dans les mers et parfois dans les rivières».  Les «Porkides», des vierges antiques, étaient également des sirènes.  Les ((mermaids)) des Anglais également.

En général, la sirène désigne une créature mi-femme mi-dauphin au chant infiniment mélodieux et ravissant capable d’éveiller les meilleurs sentiments du cœur et de stimuler la renaissance spirituelle.  Leur nom signifie justement «celle qui enchante et séduit».  Figurant l’élémental eau, elle devient très utile au Mage qui sait lire dans la lumière lunaire.  Fille de l’eau et de l’air, donc fille de sentiments d’esprit, c’est la vestale illuminée de la gloire du Principe qui traduit par son chant la musique cristalline de l’âme.  Elle habite le cœur et la tête de tout être, éclairant ses ressentis et ses pensées, instillant en lui la foi qui permet de progresser et de se libérer et conduit au rivage du Mystère éternel qui s’incarne dans une grande dignité.  Elle charme également les Élus aux Îles Fortunées, car elle est une Divinité de l’Au-delà.  Elle enseigne que les rêves insensés, instillés par Chimère, éloignent de la Réalisation.  Aussi faut-il s’attacher au mât (à l’Arbre de Vie), au centre de son navire, pour échapper aux illusions de l’extérieur et aux fascinations des sens, comme le fit Ulysse.  Elle aide à fuir les embûches nées des désirs et des passions, créations de l’inconscient.

Mais il existe un autre amphibien voluptueux qui porte le nom de sirène, la sirène inversée.  Bien qu’elle puisse emprunter la forme de la sirène lumineuse et puisse chanter aussi bien qu’elle, bien que de façon plus lascive et ensorcelante, elle retrouve toujours sa forme, tôt ou tard, démasquant ses astuces.  On peut la reconnaître, celle-là, à ses serres d’aigle et à sa queue de serpent.  C’est elle qui attire les navigateurs par son chant hypnotique et anesthésiant pour les conduire à leur perte, les retenant prisonnier au fond de la mer ou les dévorant.

On dit que la sirène peut s’attaquer à tout jeune homme lui faisant miroiter la promesse de plaisirs interdits dans le seul dessein de le détourner de sa voie. Dans l’imaginaire celte, celle-ci s’amuse à séduire les pêcheurs en mer et à enlever les enfants.  C’est probablement parce qu’elle figure les insinuations puissantes de la féminité et de la matérialité qui empoisonnent et  tuent ceux qui en abusent.  Elle sert de déguisement à Saturne, la Vieille Marâtre, se disant incarner Vénus.  Elle traduit les amours trop humaines, forcément illusoires, les sortilèges de l’amour terrestre qui entravent l’âme et la paralysent.  Elle traduit tous les reflets fatals et obsédants des réalités qui n’ont pas de prix ou des projets qui restent irréalisables.  Elle désigne tous les mirages de la vie.  Dans la mythologie grecque, Parthénope, qui aimait vainement Ulysse, était une sirène.  Elle se donna la mort de désespoir.

Pourt tout dire, la sirène évoque autant la mer dans son aspect nourricier que dans son aspect destructeur.  Dans un sens plus large, elle évoque la femme à une époque où, incomprise dans son éternel féminin, on la prenait facilement pour une sorcière, une envoûteuse, une séductrice irrépressible, et, pourquoi pas, une nymphomane ou une ennemie voilée, donc sournoise, de l’homme.  Elle témoigne de l’incompréhension de sa part de féminité.  Elle évoque encore les aspects de la Nature reliées au monde de l’eau.  Quant à son chant, il évoque que la paix et le calme se rétablissent dans son cœur ou son âme, car on sent que ses rêves ou ses projets vont bientôt se concrétiser.

Dans un rêve, la sirène indique qu’on reçoit, au moment même, un flot nouveau d’énergie vitale dont on peut faire un usage immédiat pour améliorer sa vie.  On devrait apprendre à se relier à ses perceptions intérieures, on comprendrait qu’on reçoit déjà des informations très pertinentes relatives à ses objectifs ou à son évolution.  On doit s’accorder le privilège de croire à ses espoirs et de concrétiser ses rêves.  On réalisera sous peu des changements bénéfiques au plan de sa vie affective.  Mais est-on inspiré par une sirène blanche ou par une sirène noire, c’est-à-dire par les effets positifs, plutôt que négatifs d’une entité subtile?  La plus grande beauté peut cacher les pires pièges car, plus la beauté est grande, normalement, moins un être se méfie d’elle.

© 2011-2015, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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