LA PRÉTENTION DE PECCABILITÉ DE L’ÊTRE HUMAIN

   L’être humain ne naît pas dans le péché, soit marqué par la souillure du péché originel, ce qui n’est qu’une fable pour expliquer le phénomène d’une Lumière divine ou spirituelle qui s’est retirée en un centre et s’est individualisée, pour engendrer un semblant de ténèbres qui permettrait à cet être, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, par l’incarnation, de prendre conscience de son être propre et de redécouvrir sa divinité par ses propres moyens.  Il n’y a pas eu chute du Paradis terrestre, mais sortie du Paradis terrestre et descente d’exploration dans les plans inférieurs de la Réalité cosmique.  Puisqu’il est partout, l’Absolu ou Dieu ne peut pas avoir un Adversaire, terré dans les Ténèbres, d’égale force à lui, en éternelle rivalité avec lui.  Il n’y a que l’Absolu qui a nommé un Maître des Ténèbres pour engendrer la dualité, fruit des polarités, afin de maintenir la Matière, le substrat de l’expérience humaine, et susciter, dans une apparente résistance, les obstacles des épreuves initiatiques.

   Dès lors, dans l’expérience humaine, l’erreur n’est, sur le Sentier évolutif, qu’un faux pas à reprendre, à convertir en savoir spirituel, en tirant une leçon de vie salutaire.  Dans la réalité, l’erreur n’existe pas, puisque chaque expérience porte sa part de lumière.  On ne peut qu’en dire qu’elle est une expérience incomplète.  C’est l’peccabilitéexpérience incomplète d’un être créé à l’image et à la ressemblance de son Créateur qui, sur mandat divin, pour valider des concepts, a sombré presque dans l’oubli total de ses origines et des ses potentialités et qui doit forcément s’en tirer à tâtons, oscillant longtemps entre les Ténèbres et la Lumière, afin de se connaître dans tous ses aspects et de se découvrir consciemment à l’égal des dieux.

   Wilhelm Busch, un dessinateur et poète allemand, a joliment écrit : «Qui ne fait rien ne commet pas d’erreur.»  Abondant dans le même sens, notre Maître, Janakanandâ, a dit un jour : «Il vaut mieux faire quinze erreurs par jour que de ne rien faire, car, au moins, on apprend quelque chose.»  Et, chez les Chrétiens, pour se consoler, on dit que le plus grand saint devait probablement en commettre autant chaque jour.  Voilà qui laisse entendre que, pour un Dieu qui est amour et qui ne juge jamais, l’erreur n’est pas si terrible que cela.  Ce qui est ridicule, c’est de répéter délibérément ses erreurs.  Encore que là, si on récidive, c’est probablement qu’on a moins bien compris qu’on ne le croit.

   À vrai dire, comme nous l’avons suggéré plus haut, l’erreur est une vérité partielle.  Car l’être humain ne procède pas de l’erreur à la Vérité ontologique d’un seul coup, mais d’une vérité partielle à une autre, d’une vérité moindre à une vérité plus grande, jusqu’à ce qu’il fusionne avec la Source suprême, qui est la Vérité unique ou la Réalité même.  De ce fait, suite à une erreur, il devient forcément inutile de se culpabiliser et de sombrer dans la déception et la tristesse.  Mieux vaut apprendre à s’amender.  Mais le mental, par la force de l’ego, ne se passe rien, dans sa prétention de tout savoir et de pouvoir tout contrôler, d’où le chercheur imbu d’amour-propre a toujours bien du mal à se pardonner ce qu’il prend pour une humiliation.

   Et c’est la même chose au niveau des groupes.  Lorsqu’il y a erreur, le plus important, ce n’est pas de savoir qui l’a commise, mais pourquoi elle a été commise et comment on peut, ensemble, la corriger.

   Selon la formation religieuse ou morale, l’erreur peut porter un autre nom, celui de faute.  Peter Deunov, un Grand Maître bulgare, en a dit : «Ce ne sont pas les fautes qui sont redoutables, ce qui est redoutable, c’est de ne pas les corriger.  En les corrigeant, on apprend, on acquiert des connaissances et une expérience.»  Sur le même ton, la Mère Rose, compagne de Sri Aurobindo Ghose, ajoutait : «Dans l’aspiration à ne plus faire de fautes, on supprime l’occasion de les faire – ce n’est pas une guérison.»

   Si on y tient, on peut considérer l’être humain comme peccable, en raison de son inconscience et de son ignorance, souvent crasse.  Mais il finira bien par cesser de se mentir et par reconnaître comme une faute ce qui en est une, acceptant de payer sa dette ou sa compensation, en tirant la meilleure leçon.  Car chacun doit s’accepter avec ses grandeurs et ses faiblesses, sans fioritures ni vaine complaisance.  Mais ce qui, à un moment, a paru comme une faute finira par perdre peu à peu son sens négatif, en se sacralisant, devenant la cause même du salut individuel et collectif.

   Quand on n’est ni attiré par la religion ou la spiritualité, on appelle l’erreur, la faute ou le péché, un échec.  Il est la rétribution ou le juste salaire de celui qui agit de façon inconsciente et qui refuse de traiter les autres comme des égaux.

   Alice A. Bailey, l’écrivaine anglaise, disciple du Maître tibétain Djwal Khul, en a dit : «Il n’y a jamais d’échec; il ne peut y avoir que perte de temps.»  Peut-être devrions-nous compléter en disant qu’il n’y a qu’apparence de perte de temps.  Quant à l’Italien Lanza del Vasto, ce grand Chrétien, philosophe, poète, artiste et militant bien connu, animateur de la Communauté de l’Arche, il a fait savoir : «Si tu crois que tes échecs sont toujours la faute des autres, tu n’apprendras jamais rien des tribulations de la vie, mais celui qui sait dire : «J’ai eu tort», corrige le destin.»

   Avec un brin de discernement, chacun peut grandement apprendre de ses échecs, au lieu de s’en désoler, puisqu’ils sont un appel à l’effort, plus qu’à la démission, pour mieux appliquer les principes de la Loi unique, dans toute leur rigueur et leur souplesse, afin de retrouver l’Équilibre et de réintégrer l’Ordre.

   Dans son aspect le plus sévère, l’erreur se nomme péché.  Et ce que le péché, surtout le péché mortel, a troublé d’êtres qui se sont vus menacés des feux éternels de l’Enfer en présence de horribles créatures que sont Satan et des démons.  Au sens religieux ou moral, le péché désigne une violation volontaire et libre de l’Ordre établi par Dieu ou un acte conscient par lequel un être contrevient aux lois de sa foi particulière, s’attirant une sanction plus ou moins grave, pouvant aller jusqu’au supplice éternel, dans la mesure où il n’accepte pas de se repentir.  En fait, il doit impliquer une détermination volontaire, donc sciemment adoptée, de faire le mal, une transgression sanctionnée par la loi de son Dieu.

     En spiritualité, la notion de péché représente une absurdité, se définissant simplement comme une erreur de compréhension temporaire par laquelle celui qui la commet se sanctionne lui-même en activant ou en déclenchant la loi de la Causalité (répercussion, compensation, juste retour, action et réaction, cause à effet), qui ne prévaut qu’au niveau de la dualité.  Mais ce principe cosmique n’implique jamais l’intention de punir, mais celle d’aider à comprendre la dynamique de l’Énergie cosmique afin de réintégrer l’Ordre cosmique.  Ainsi, dans l’amour de Dieu, qui ne juge en rien, il ne peut exister de sanction éternelle en Enfer.  Même que le seul péché réside probablement dans le fait de croire que le péché existe.  En effet, il n’existe que des expériences incomplètes en raison du degré d’ignorance.  Le péché entraîne une séparation arbitraire, mais illusoire de la Source divine.  Il résulte du fait que le mental, qui s’enfle, ne voit plus que lui-même, se prend pour la réalité totale, jusqu’à ce qu’il découvre son imposture, après nombre de souffrances.

   Ce que les religions appellent le péché consiste dans une tentative de séparer et d’écarter de Dieu, non dans un manque de vertu.  Ainsi, le seul péché consisterait à tenter de se créer à partir de l’expérience des autres plutôt que de vivre sa propre vie, par exemple en adoptant sans discernement les valeurs de ses parents, de ses maîtres, des religieux, des historiens, des hommes politiques, des financiers ou de toute autre figure d’autorité.  Car, au regard de  la Loi unique, tout est permis, sauf d’interrompre une manifestation d’amour. gloire-humaine

   De ce fait, la notion de péché ne peut résider que dans une pensée ou un acte de séparativité, d’égoïsme, de manque d’amour, d’oubli de Dieu, une tentative d’évoluer pour soi sans penser aux autres et sans impliquer la Source divine.  Le péché ne peut que recouvrir ce qui empêche un être d’évoluer vers l’union avec son Dieu intérieur, ce qui fait obstacle à l’union ultime de l’être humain avec Dieu.  En spiritualité, on parle alors du «péché contre l’Esprit».

   En fait, si on tient absolument à définir le péché, il ne représente rien d’autre qu’une erreur de choix ou de direction parce qu’on s’est laissé abuser par des forces contraires à la Lumière qui agissent en soi ou à l’extérieur de soi.  Mais puisque chacun agit toujours au meilleur de sa compréhension et de ses moyens, tout considéré au-delà des apparences, encore là, le péché ne peut exister.

   On a beau dire qu’un être aurait pu mieux faire en tel cas particulier, s’il n’y est pas parvenu, c’est qu’il manquait encore de compréhension ou de motivation, par manque de certitude, et qu’il a agi exactement comme il le pouvait.  En outre, le péché n’affecte pas la nature intrinsèque de l’Esprit et il n’atteint nullement le destin de l’âme, éternellement pure.  Il ne constitue qu’un jeu de la nature inférieure qui tente de satisfaire grossièrement les désirs et les pulsions de ses propres tendances ignorantes, inertes ou violentes, en révolte contre toute maîtrise supérieure de soi par l’Esprit.  Quoi qu’il en soit, toute dérogation apparente à la Loi cosmique résulte de l’exercice du libre arbitre, ce qui est un droit inné, dont nul être ne juge, qui permet de constater les conséquences de ses choix et de s’améliorer à partir de ce constant.

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