LA MÉDIOCRITÉ, SE TENIR DANS LA BONNE MOYENNE POUR RECUEILLIR LE PLUS LARGE ASSENTIMENT

Ce sujet ne va pas plaire aux médiocres, qui ne tarderont pas à protester.  Car, au nom de leur droit de ne pas être dérangés, dans un suprême effort, ils vont dénoncer les propos qui suivent pour faire croire qu’ils ne sont pas du nombre.  Comme ils ne sont pas connus, comment expliquer que piqués au vif, ils choisissent, pour une fois, de réagir.  Et ils vont dire que ces arguments valent ce qu’ils valent, parce qu’ils sont subjectifs, c’est-à-dire qu’ils ne font qu’émettre des critères relatifs et des jugements de valeur.  Il faut comprendre que cMen-Wohabillés à l'identiqueelui qui émet des jugements de valeur est un moraliste, ce qui ne doit plus avoir cours dans un monde de liberté.   Ou ils taxeront son auteur de mener une quête élitiste, de chercher à vivre dans une tour d’ivoire, ce qui l’amène à mépriser les faibles.  Ainsi, à son insu, il se révèle lui-même comme un être médiocre et haïssable.

Ainsi, sans chercher à comprendre le sens du billet, avec l’élan qu’il cherche à inculquer, ils feront observer que tout être est le médiocre d’un autre, dans la hiérarchie des compétences ou des consciences ou que la vie de chacun est une occasion unique d’évoluer à sa manière.  Comme le critère de quétainerie (québécisme qui désigne une personne ou une manière de vivre démodés ou de mauvais goût, pour les francophones d’ailleurs, dit «kitch») de l’un n’est pas celui de l’autre et que tout être garde ses côtés quétaines.  Ou ils opineront que chacun est le produit d’un certain rapport au monde selon son origine et sa culture, ce qui le justifie d’être et de rester comme il est.  Mieux, ils diront, comme si on ne le savait pas, que, quel que soit le comportement d’un être, il reste un être humain à part entière, égaux aux autres en dignité, un être qui mérite d’être aimé, respecté, laissé en paix à ses affaires, à sa manière.

Alors, dans la société humaine, les détracteurs peuvent proférer toutes les insanités, ils peuvent jouer au Gros-jean qui tente d’en remonter à son curé ou au rationnel qui ne pense qu’à arguer et discuter, mais un instructeur avéré ne peut plus évoquer ce qui caractérise un être, même s’il ne conteste pas son droit d’être comme il l’entend et d’agir à sa guise.  Il n’y a que des êtres humains, tous pareils les uns aux autres, qui doivent s’accueillir dans l’égalité.  Dans l’ordre de la constitution physique, on peut identifier des handicapés, leur état se signalant d’évidence.  Dans l’ordre des religions, on peut parler d’élus et de damnés, car, malgré leurs erreurs et le ridicule de leurs dogmes, elles restent des institutions traditionnelles appréciables.  Mais, dans l’ordre des comportements humains et des motivations supérieures, nul ne peut pas aborder un sujet de l’ordre du travers, comme la médiocrité.  Les vices humains sont devenus tabous!  Et ils ont partiellement raison puisque de telles considérations ramènent dans la perspective de la dualité qu’il faut rapidement dépasser, transcender.

Alors, qu’on l’entende bien, le présent texte n’entend pas dénoncer la médiocrité, mais la décrire, pas mépriser le médiocre, mais le dépeindre, pour faire œuvre complète dans un site de documentation voué à faire connaître la spiritualité mondiale.  Il n’entend pas davantage appliquer l’étiquette de médiocre à qui que ce soit.  Alors, si quelqu’un s’y reconnaît, c’est probablement qu’il gagnerait à coiffer le chapeau et à voir aux changements auxquels il peut procéder.  Sauf que, comme il est de l’habitude du médiocre de proclamer la valeur du statu quo, dans sa tentative de garder ses habitudes, detéléchargement ménager ses efforts, de se maintenir dans sa zone de confort, de se fermer au changement, dans son manque de motivation d’évoluer vers le mieux, n’est-il pas permis de lui rappeler qu’il se fait du tort à lui-même et qu’il s’expose au péril, surtout en ces temps cruciaux?  N’est-ce pas un geste amoureux que de rappeler à un être que, dans son choix de s’abandonner au principe de l’inertie, il se condamne par lui-même à un destin terne et malheureux, probablement assez souvent, souffrant.  Une fois informé, il en fera bien ce qu’il voudra : s’il persiste dans sa léthargie, ce sera son choix.  Toutefois, le messager aura joué son rôle.

Par son étymologie, le mot «médiocrité» n’a rien pour dénigrer, puisqu’il désigne ce qui ne dépasse pas la moyenne, ce qui se situe dans le milieu, avec, toutefois, par extension, la nuance de ce qui est insuffisant en quantité ou en qualité.  Elle correspond au dénominateur commun d’une société qui amène à éviter de trop s’abaisser, pour s’épargner le rejet, mais aussi à éviter de s’élever ou de ne le tenter que secrètement, pour ne pas détonner et être remarqué.  C’est la valeur sûre d’une société de consommation qui infantilise, met en servitude, nivelle tout par le bas.  Être médiocre, c’est le fait de Monsieur Tout-le-Monde, soit de l’homme ordinaire, celui qui fonctionne avec peu de conscience, cet être uniquement préoccupé d’assurer sa survie terrestre et d’améliorer sa condition ici-bas, sans même chercher à savoir si la Vie ne comporterait pas un autre sens.  Mu par la loi du moindre effort, il répond uniquement à la pulsion de conservation et au besoin de sécurité.  Pour le reste, plutôt indifférent à ses origines spirituelles et à sa fin ultime, il vit pour vivre, sans trop se poser de questions, peu soucieux de s’accomplir dans la Lumière.

Le médiocre respecte la tradition, il entretient le lignage, il travaille comme une bête de somme.  Il ne détient qu’une vision matérialiste de la vie, il prise les distractions et les divertissements qui n’engagent pas trop l’intellect et il cherche les paradis artificiels.  Il évite d’appliquer sa raison, son sens critique, se contentant de faire comme tout le monde.  Passif devant les événements, il imite systématiquement le comportement du grand nombre.  Il se fait l’esclave de la vie et de son milieu, ce qui lui rend difficile l’adaptation aux nouvelles situations qui l’agacent infiniment.  Dès le lever, comme un automate, il entreprend sa petite routine quotidienne, il se rend au boulot, bien sûr accompagné de son portable, il revient le soir pour dîner, il complète sa soirée devant la télé ou son ordi, puis il  va se recoucher.  Et le lendemain, tout recommence de la même manière.  Arrivée la fin de semaine, il ne sait pas trop quoi faire, il s’ennuie, il s’occupe de son mieux ou il sort un peu, répétant toujours les mêmes sorties, à peu près avec les mêmes gens pas trop dérangeants.  Du reste, il s’ennuie de tout, partout.   Dépourvu d’idéal, il se contente de son sort.  Il est un conformiste irréfléchi, conservateur, indécis, pusillanime, terne, incapable de grandes passions ni de grands sentiments.  Mais, bon citoyen, il est honnête, loyal à ses engagements prosaïques et conventionnels, ce qui lui donne l’impression d’avoir une conscience.  Comme de raison, il pratique sa religion, comme le charbonnier, sans véritable foi, acceptant un prêt-à croire qu’il ne remet pas en question, par simple précaution utile au cas où le ciel, le purgatoire et l’enfer, cela existerait.

Dans ses conversations, il critique sans cesse, ne trouvant rien à son goût, personne ne trouvant grâce à ses yeux, surtout si cet être le dépasse, mais il ne propose jamais de solutions de rechange.  Il dit estimer le bon sens sans savoir de quoi il retourne.  Il gobe tout ce qui se dit à la télé ou s’écrit dans les journaux et il le répète partout, car il apprécie la rumeur, sans en vérifier la vérité.  Il prend à ce pointtatouage-identiquet les télé-feuilletons pour la réalité, qu’il parle de ses acteurs comme de connaissances ou de personnages réels et de leur vécu présumé comme d’une réalité.  Il se glisse dans la ronde des canulars, il se montre superstitieux, il prend pour vrai les légendes urbaines.  Il se repose sur les autres pour savoir quoi penser et dire.  Il ne réfléchit pas beaucoup, il ne parle pas trop, il répète ce qu’il a entendu dire.  Il répète des idées banales sur un ton banal.  Du reste, il n’aime pas ce qui contient des idées.

En général, cherche ce qui est populaire, ce qui reçoit l’assentiment du plus grand nombre, il aime se perdre dans les foules et il juge les êtres sur les apparences : sur leur âge, leur position, leur notoriété, leur succès, leur fortune.  Il dit aimer les gens célèbres et populaires, mais il les méprise secrètement pour le reproche vivant qu’ils représentent.  De telles affinités confirment son état d’être réducteur puisque, pour être populaire, il faut niveler vers le bas, histoire de rallier le plus grand nombre.  Il se nourrit de malbouffe et il préfère la bière ou la piquette au bon vin, bien qu’il puisse occasionnellement se payer une bouteille de mousseux, qu’il présentera comme du champagne.  Pourtant, s’imaginant détenir toute l’importance du monde, il se prononce de façon péremptoire sur les travers de la société, voir sur tout, mais il reste un éternel sous-fifre dans son métier.  Pour le reste, Roger-Bontemps, il paraît gai, joyeux, insouciant, ne s’emporte jamais vraiment et il croupit dans ses habitudes machinales et irrépressibles.  Tout au long de sa vie, chaque jour n’est qu’un morne cliché de son hier, comme s’il s’accordait de longue main un enterrement de première classe.  Peu à peu, il dépérit et il se fossilise, par manque de renouvellement.

La médiocrité ne tolère pas le grand, le noble, le cultivé, le policé, le raffiné, le délicat, le lumineux, préférant le commun ou le trivial, le gros comique vulgaire.  L’être médiocre n’est ni bon ni mauvais, il est dans la bonne moyenne, qu’il ne saurait dépasser, de crainte de détonner et d’être interrogé, puis de ne pas savoir quoi répondre, s’exposant à perdre la face.    Son abandon à ses instincts et à ses pulsions l’amène à vivre de ses propres peurs.  Somme toute, la médiocrité, c’est le poison qui contamine les bonnes consciences.  Elle se couche sur le bon droit et un simulacre de paix, celui de l’ordre établi.

En fait, la devise du médiocre, c’est: vaut mieux envier qu’agir, admirer ou aduler que faire!  Sans talent particulier, rassasié, résigné à son sort, complaisant en tout, il vit sous le signe de l’insuffisance, dans la moyenne ou en deçà d’elle.  Il parle comme il marche et quand il est forcé d’écrire, il le fait au son, privilégiant la langue du peuple.  Il est indécis, il se contente toujours de visiter les mêmes endroits, de côtoyer les mêmes gens, de retourner au même camping tous les étés, de se contenter du moindre effort, de mener une vie ordinaire, sans envergure, sans éclat, sans idéal.  Il mène une vie ennuyeuse et répétitive, de façon grégaire, entre le grand et le petit, entre le bon et le mauvais, mais se rapprochant plus du petit et du mauvais.  Montherlant assurait que: «Souffrir la médiocrité des gens, c’est souvent signe qu’on est un demi-médiocre soi-même.»

Le problème de la médiocrité, c’est qu’elle fait un être sans intérêt et sans aspiration profonde.  D’accord, il participe du juste milieu de l’Échelle évolutive, mais il ne le sait pas, se gardant bien de descendre plus bas ou de monter plus haut, car il craindrait tant d’avoir à rendre des comptes ou d’être rejeté.  Alors, il accepte ses limites sans tenter de les changer.  Il se contente de suivre sa routine quotidienne, de tourner dans son cercle vicieux.  Il se laisse vivre.  Métro, boulot, dodo, voilà les trois mots qui résument sa vie répétitive.  La médiocrité empêche un être de comprendre que, en lui, quelque part, il sommeille quelque chose de meilleur.  Il ne comprend pas que, à partir d’où il est, il peut s’améliorer à tous égards, dans la motivation permanente d‘y arriver.

Mais, sans trop s’en rendre compte, il apprend progressivement à dominer son corps physique et à organiser sa vie matérielle, explorant à son insu les paires d’médiocritéopposés en lui.  En général, il s’en tient à la voie du devoir, se croyant plus de droits que de devoirs, investissant le meilleur de lui-même dans la seule conduite de ses affaires terrestres.  Il vit la vie stérile et banale du fils de l’homme — non d’un Fils de Dieu — le cœur plutôt dur, sceptique et suspicieux, l’esprit coupé de la sagesse.  Aussi refuse-t-il de participer à ce qu’il perçoit comme un complot du Ciel.

Dans un élan de déception, Gustave Le Bon a écrit : «L’âge moderne représente le triomphe de la médiocrité collective.»  Ce qui est loin de rassurer, Chamfort a ajouté : «La plupart des institutions sociales paraissent avoir pour objet de maintenir l’homme dans une médiocrité d’idées et de sentiments qui le rendent plus propre à gouverner ou à être gouverné.»  Quant à F. Mayer, il a dit un jour : «La médiocrité vient sans qu’on l’appelle;  la qualité, il faut la vouloir violemment.»  Il est vrai qu’on ne peut atteindre le sommet de la Montagne sacrée sans produire les efforts qui y mènent, ce qui amène la plupart à préférer en faire le tour, à son pied, dans un cercle d’ornières profondes.  N’entend-on pas raconter, dans certaines plaisanteries, qu’il vaut mieux se retrouver en enfer, au pays de tous les vices, ce à quoi se destine la multitude, que seul au ciel?

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