LA DIFFÉRENCE FAIT LA VALEUR DE CHACUN 

   Toute la beauté et la richesse du monde proviennent de la différence.  Sans elle, le monde sombrerait dans la monotonie et il périrait d’ennui.

    Par «différence», il faut entendre le caractère qui distingue une réalité d’un autre, la rend particulière, singulière, unique, originale, marginale, exceptionnelle, rare, soit qui démontre qu’elle n’est pas parfaitement semblable.  Ce caractère de distinction établit des versions différentes d’une même réalité ou des entités différentes dans la réalité.

    Pour celui qui n’en a pas peur, la différence ne divise pas, elle confirme et rend possible l’expérience de l’unicité dans la diversité.  La ressemblance rassure, mais elle engendre la monotonie qui finit par confiner à l’ennui ou à l’indifférence.  Toute la beauté du monde réside dans la différence qui permet à Dieu, par personne ou par réalité interposée, de connaître des aspects nouveaux ou inédits de lui-même.  Source de variété, elle rend d’autant plus précieux qu’elle paraît apparemment opposée ou particulière.  On dit que les êtres humains se ressemblent suffisamment pour se comprendre mais qu’ils sont assez différents pour continuer à s’aimer.  Dans son rôle fonctionnel, chaque être est différent, parce qu’unique.  Il n’est donc pas appelé à agir de façon conforme à des normes, difference-racialeà se laisser modeler par un moule commun.  Chacun détient ses croyances et ses pulsions, sa manière de chercher à se connaître.  Chacun a le droit de trouver sa place et de l’occuper pleinement, même si cela dérange les autres.  Il n’en reste pas moins qu’on paie souvent très cher le fait de ne pas être comme tout le monde.  Accepter les différences humaines, c’est reconnaître qu’à tous points de vue les notions et les critères peuvent varier.  C’est reconnaître que tous les goûts sont dans la nature.

   Dans ce contexte, la première qualité qui fait la richesse d’un être, c’est l’originalité.  L’originalité consiste à penser et à s’exprimer d’une façon indépendante et individuelle, sans copier, imiter, émuler, se lancer dans la concurrence, ce qui confine au plagiat.  Celui qui suit la voie d’un autre reste derrière quelqu’un, il ne peut accéder à la première place.  On ne gagne rien à reproduire ce qu’un autre est ou fait, mais on grandit à exprimer ce qu’on porte en soi.  L’originalité dont nous parlons ne concerne pas la marginalité qui ressort de l’excentrisme, mais de cette qualité innée qui consiste à d’être soi et à afficher sa différence sans effort ni ostentation.  Il ne s’agit pas de pousser sa volonté dans les dernières limites de l’entendement pour se démarquer et attirer l’attention à tout prix.  L’originalité existe en tout être parce que chacun est différent.  Chacun est un nombre premier qui n’est divisible que par lui-même.  Tout bien compté, l’originalité ne consiste pas à se montrer différent, mais à se montrer exactement comme on est.  Ainsi, déjà, on s’extrait de l’uniformité.  Alors, chacun peut entreprendre la même tâche, mais choisir une manière différente de l’accomplir au point d’aboutir à un résultat final différent.  Il vaut peut-être n’être rien que d’être la caricature d’un autre.  Chacun doit se laisser guider par ses propres sentiments.  Il peut écouter les avis d’autrui, mais il ne doit en retenir que ce qui rejoint son propre ressenti.  Chacun doit apprendre à penser par lui-même et, ultimement, suivre ses convictions personnelles.

   Le mot original évoque souvent pour nous la fantaisie, la bizarrerie, l’excentricité qui veut s’afficher ou provoquer.  Pour le métaphysicien, ce mot lui rappelle plutôt qu’il doit récupérer sa liberté, son autonomie et son indépendance, retrouver sa nature primitive, rare, unique, authentique, pour exprimer quelque chose de rare, d’exceptionnel, d’inédit, de spécial, de singulier.  En effet, l’homme est un phénomène unique dans l’évolution animale, mais il est aussi un être qui porte des particularités propres au sein de sa propre espèce, représente un cas unique d’évolution parmi les autres hommes, offrant une constellation propre de traits psychologiques et de motivations internes.  De ce fait, contrairement au désir de la société, il doit refuser d’être standard, de répondre à des normes collectives, de se soumettre à des convenances fallacieuses, d’admettre des dogmes universels, de répondre au conformisme ambiant.  Chacun doit répondre à son appel intérieur, à ses aspirations propres, uniques, inaliénables.  Chacun est irremplaçable.  Un jardin de roses, c’est merveilleux, mais un jardin de fleurs variées, c’est mieux, moins monotone, moins ennuyant.

   Le mot originalité réfère à ce qui paraît ne dériver de rien d’antérieur, ne ressemble à rien d’autre, est unique, hors du commun.  Il s’agit d’une réalité neuve, nouvelle, distincte.  Stendhal a dit : «Nous naissons tous originaux : nous plairions tous par cette originalité même si nous ne nous donnions des peines infinies pour devenir copies et fades copies.»  D’autres propos, relatifs à l’originalité, peuvent inspirer la conduite.  Ainsi, Guy de Maupassant a dit : «Le talent provient de l’originalité, qui est une manière spéciale de penser, de voir, de comprendre et de juger.»  Jules Renard constatait : «C’est un travail curieux que de démêler chez un jeune les influences des arrivés.  Que de mal on se donne avant de prendre son originalité chez soi, tout simplement!»  L’actrice Bernadette Peters rappelait : «Vous devez être original parce que, si vous êtes comme tout le monde, en quoi les autres ont-ils besoin de vous?»  Herman Melville confirmait : «Il vaut mieux échouer par l’originalité que de réussir en imitant.»  Mais, William Somerset Maugham passe une fine remarque qui peut éclairer la conduite de celui qui s’apprête à assumer son originalité, bien que cela n’appelle nullement à s’exprimer de façon marginale et excentrique, mais simplement à révéler sa différence : «Le monde en général ne sait pas trop quoi faire de l’originalité;  elle le fait sortir de ses modes de penser faciles, d’où il réagit avec colère.»

   L’instruction, l’éducation et la culture formatent et standardisent les esprits.  De sorte que l’entreprise de sortir du rang pour ne pas faire comme tout le monde, demande plus d’effort qu’il n’y paraît.  Le public ou les consommateurs n’aiment pas toujours n’aiment pas les idées novatrices.  Souvent, l’originalité se cache, car elle a peur d’apparaître au grand jour.

   La deuxième qualité qui fait la richesse d’un être, c’est la rareté.  Ajoutant à l’originalité, celle-ci concerne une réalité inhabituelle, peu commune, peu fréquente, peu répandue, qui prend toute sa préciosité par sa différence, sa singularité, qui la rend très distincte, extraordinaire, digne de mention, fortement désirable.

   La troisième qualité qui fait la richesse d’un être, c’est la préciosité.  Pour sa part, la préciosité résulte de la rareté d’une réalité, ce qui lui donne toute sa valeur, la montre comme supérieure et la rend digne d’estime, admirable, irremplaçable, irrésistible.  Au fur et à mesure que nous avançons dans la vie, souvent influencé par les jugements des autres, nous en venons à nous déprécier.  Pourtant, à chaque instant, nous restons mandaté de jouer un rôle fonctionnel particulier, indispensable à l’expérience collective,  On oublie trop souvent que toute forme de vie est belle en elle-même, qu’elle est entière, surtout qu’elle est sacrée, parce que divine.  C’est la honte d’être ce qu’on est qui amène à renier son authenticité et à porter des masques.  Chacun porte une lumière inextinguible dont l’essence est irremplaçable.

   Pour chacun, rien n’importe moins que de réaliser à quel point il est précieux.  C’est quand un être oublie ce qui fait sa préciosité qu’il commence à se torturer et à se créer des limites.  Alors, il commence à se dire, plus ou moins consciemment : «Ah! je suis tellement insignifiant!»   Et voilà qu’il commence à se comparer aux autres pour s’en convaincre.  Tout psychologue peut confirmer que la racine des problèmes psychiques comme la dépression, l’anorexie, le masochisme, l’auto-agression relèvent d’un manque d’estime de soi.  Car celui qui se reconnaît créé à l’image et à la ressemblance de son Créateur ne se permettrait jamais de s’infliger de tels maux.  Et c’est parce que chacun a été créé à la ressemblance de l’image d’amour de Dieu qu’il est précieux et qu’il ne peut perdre sa valeur en aucune circonstance.

LA DIFFÉRENCE NE PEUT QU’ENRICHIR

   La différence ne peut qu’enrichir parce qu’elle permet à l’être incarné d’explorer des facettes différentes, souvent aux antipodes des siennes, de l’Absolu infini, dans sa quête de se redécouvrir, à travers ses expériences quotidiennes, engendré à son image et à sa ressemblance.  Car la Maîtrise totale, qui implique l’activation de toutes ses virtualités, ne peut se produire qu’à travers l’oscillation entre les extrêmes des Ténèbres et de la Lumière, des aspects compatibles et complémentaires de la Réalité divine qui amènent à découvrir le Juste Milieu ou le Point d’équilibre où un être peut consciemment tout fusionner, en pleine conscience, dans sa perception de l’Unité indissoluble de l’Être total et unique.

   Issue de l’altérité, la différence exprime ce qui est singulier et distingue deux ou plusieurs choses, ce qui les rend singulières, les rend plus ou moins dissemblables ou ce qui fait le caractère propre d’autrui.  D’une part, c’est elle qui, selon la subjectivité de chacun, permet à chaque être humain de dégager son identité.  L’autre est une réalité détachée de soi, extérieure à soi.  Mais la différence ressort encore du destin particulier et des choix personnels de chacun, ce qui se signale dans l’éducation, l’élaboration des idées générales, la nationalité, la culture, la religion, la réflexion politique, les us et coutumes, l’orientation sexuelle et quoi encore.  Tantôt elle fascine et attire tantôt elle fait peut et repousse, amenant généralement les aspects négatifs à primer.  Paradoxalement, on aime détester ce qui est différent, mais on aurait du mal à aimer un être trop semblable à soi, trop pareil aux autres, parce qu’on le trouverait pegrosse-et-minceu intéressant, n’attisant pas la curiosité, n’ajouterait pas quelque chose à découvrir ou ne rehaussant pas son prestige.

   C’est par la différence que s’engendre l’énergie de la vie.  Sans le magnétisme, apparemment opposé à l’électricité, la vie n’existerait tout simplement pas.  La vie surgit de la rencontre des deux aspects de la polarité de l’Essence divine, lui ajoutant une Nature.

   En fait, c’est la différence qu’on ne connaît pas qui dérange le plus, parce que, faisant peur, elle force à prononcer un jugement de valeur qui peut la rendre difficile à accepter.  En pareil cas, le danger, ce serait de se prononcer par ignorance de la réalité en question du fait que lorsque le mental ne parvient pas à la cerner, il commence à inventer, amenant à fabuler et, généralement, de façon négative.    Pourtant, toute la beauté du monde provient d’elle puisque, contrairement à la pensée commune, elle surprend et enrichit, permettant d’ouvrir l’esprit et la conscience.  Un arbre ne comporte pas une seule feuille qui soit semblable à une autre, ce qui n’empêche pas que, avec un peu de recul, on lui trouve une grande harmonie et une grande beauté. Il s’agit d’une pensée qu’on ne manifeste pas ou d’une intention que l’on dissimule.

   Chacun aime former ou entretenir des arrière-pensées, ces pensées ou ces intentions qu’il dissimule, lorsque les choses ne se présentent pas à son goût, le contrarient..  En cultivant les arrière-pensées, il se justifie de les entretenir, car, en les nourrissant, il les force à se manifester sous ses yeux, y trouvant un prétexte de ne jamais en démordre.  Un être attire promptement ce qu’il redoute le plus.  Chacun détient un intérêt douteux à conserver ses arrière-pensées, car elles se fondent sur des jugements et des appréciations peu louables, souvent sans fondement, ce qu’il ne pourra jamais se confirmer, du fait qu’il ne veut pas lâcher prise et, surtout, qu’il ne les verbalise pas pour vérifier leur légitimité.  Il serait humiliant de s’être trompé.  L’être humain conscient ne redoute rien autant qu’une erreur de jugement notoire fondé simplement sur la différence, une source d’enrichissement.

   Dans la mesure où elle n’agresse pas et ne divise pas, mais démontre un autre aspect de la diversité de la Réalité cosmique, chacun gagnerait à cultiver sa différence, ne serait que pour témoigner de la variété des choses, rompre la monotonie, contester les standards, abolir les préjugés,tall-and-short contredire les stéréotypes, démentir les jugements téméraires, tirer des habitudes et des routines, extraire des ornières de pensée, amener à prendre en tout du plaisir.   C’est davantage par sa différence qu’un être prend de l’importance pour l’humanité  puisqu’elle provient de la culture de l’originalité qui rend rare et précieux, même irremplaçable.  C’est par elle que les êtres humains engendrent ensemble un m onde diversifié, varié, étonnamment emballant, ravissant, merveilleux, délectable.  À bien y penser, n’apprécier que ce qui ressemble à soi, ce n’est pas aimer, c’est s’aimer et tenter de se protéger contre une présumée menace potentielle qui pourrait tirer de sa zone de confort.

   On peut parvenir à oublier la différence en méditant sur l’amour, qui est inclusif et ouvre sur la compréhension et à une certaine forme de compassion.  Il amène à tout considérer avec le regard du cœur et à sonder par l’intérieur, plutôt que par l’extérieur.  Ainsi, l’autre n’a plus à se justifier d’être comme il est et il peur rester en accord avec lui-même.  L’amour fait passer de la crainte, source d’hostilité, à l’acceptation inconditionnelle, qui favorise l’Unité.  Il apprend que, dans sa divergence, l’autre est d’égale dignité à la sienne, d’où il mérite accueil et respect.  Il amène à cesser de se méfier de ce qui est étrange ou étranger, mais qui ne fait que révéler la diversité de la Réalité divine, qui est une.  Car, à bien y penser, si l’autre est apparemment différent de soi, on est, du coup, différent de lui, ce qui lui donnerait autant de raison de retourner l’attitude avec laquelle on l’aborde ou d’adopter un comportement identique au sien.

   Autrement dit, il faut excuser l’autre d’être différent de soi puisqu’on est différent de lui.  Et si on ne se reconnaît pas dans sa différence, rien n’empêche d’entretenir avec elle un rapport de respect dans la mesure où elle n’est pas nuisible de façon prouvée.  Avec Paul Valéry, on peut dire : «Mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences.»  Dans le sectarisme, le racisme, l’eugénisme ou toute forme d’ostracisme, c’est toujours la peur de l’autre qui, par ignorance, rend radical et amène à se fermer.

© 2014-15, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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