LA CURIOSITÉ, QUALITÉ OU DÉFAUT? 

   Quel est l’aspect de la polarité de l’Homme total, identifié par Adam-Ève, que le Serpent tentateur de la Genèse a-t-il assailli, au Jardin d’Éden, pour le sortir de sa complaisance dans la béatitude?  Ne s’est-il pas agi de la curiosité, u attribut d’Ève, le symbole de la féminité, l’aspect sensible et accueillant, présent en chaque être humain?  Par là, il révélait la faille de la conscience humaine pouvant apparemment mener à pécher ou fauter.

   La curiosité peut être à la fois la plus belle qualité et le plus grand des défauts, d’autant plus qu’elle est généralement au service de la soif de savoir et de l’amour-propre.  Définie comme la qualité de la personne animée du désir de comprendre une réalité, d’apprendre des choses nouvelles, de bien voir quelque chose, de savoir ce qu’il en est d’une réalité, d’atteindre une certitude légitime, d’ouvrir sa conscience, la curiosité ne peut être admise que comme une qualité.

    Apanage surtout de la jeunesse, la curiosité amène à percer les secrets qui peuvent servir son développement personnel et assurer sa sécurité, donnant un signe de vitalité et d’intérêt pour la vie, voire de présence à la vie.  Celui qui perd sa curiosité voit son esprit se fermer et se scléroser, ce qui l’amène à régresser… et à vieillir prématurément.  C’est un peu ce qui se passe dans le cas de la sénilité (nocuriositétamment dans le cas de la maladie d’Alzheimer qu’on tente présentement de traiter, à défaut de remède efficace, par une réactivation de l’esprit, ce qui a du reste donné naissance à un commerce en ligne très lucratif).  Car, pour rester jeune, plein de vitalité, d’élan, d’enthousiasme, il faut rester curieux, ouvert au changement et à la nouveauté.

   La curiosité permet de sans cesse augmenter le savoir, d’obtenir de nouvelles réponses à ses questions, d’ouvrir les horizons, de découvrir de nouveaux centres d’intérêt, de garder l’imagination en éveil, de développer la créativité.  Ainsi, vouloir connaître, savoir, comprendre, tout cela dérive d’un besoin fondamental de l’être humain.  Ainsi, la curiosité mène à nourrir l’esprit, comme la faim amène à satisfaire la faim.  De toute manière, quand l’esprit ne sait pas, il s’invente des hypothèses, érigeant celle qui lui paraît la plus plausible en savoir, car il ne peut rester sans explications.  En pareil cas, s’il ne satisfait pas sa curiosité, il s’expose à multiplier les a priori, les fausses certitudes, les préjugés, les stéréotypes.

   C’est sans doute ce qui a amené François Gros à dire un jour : ((La curiosité est probablement l’un des plus beaux mobiles lorsqu’ile st convenablement servi,))  De là, nous pouvons dire, avec Paul Léautaud : ((Les professeurs sont faits pour le gens qui ne s’apprennent rien tout seuls.  Le savoir qui compte est celui qu’on se donne soi-même, par curiosité naturelle, passion de savoir.))  On pourrait dire la même chose des gourous, des maîtres spirituels et des directeurs de conscience.  C’est probablement la motivation de la plupart de ceux qui savent rester étudiants à vie, désireux de toujours progresser et grandir.

   Du reste, le Maître Janakanandâ a dit avec raison: ((La curiosité est un stimulant puissant pour conserver l’intérêt et la concentration.  Le premier pas vers la concentration, c’est de trouver un stimulant qui incite à la pratique.  La curiosité joue son rôle à ce moment.  Un esprit désireux de connaître un fait est déjà dans l’état propice à la concentration; il veut s’absorber dans un sujet, il est intéressé.  Donc, les gens qui veulent connaître l’univers qui existe en eux et autour d’eux se mettent en marche: ils vont chercher et, de là, ils construiront leurs forces mentales, arrivant à beaucoup connaître.))  En elle-même, la curiosité bien ordonnée mobilise et développe l’attention, l’imagination, la mémoire, le jugement, elle active nombre de facultés latentes, formant la conscience.

   En cela, là où la curiosité peut le mieux s’appliquer, c’est dans les domaines rares, les sentiers vierges ou inexplorés.  N’est-ce pas elle qui a mené à tellement de découvertes, notamment à celle de l’Amérique et de presque tous les territoires terrestres, amenant à creuser des mines, à explorer les profondeurs océaniques, jusqu’aux planètes, aux étoiles et aux galaxies?

   Cependant, l’autre forme de curiosité qui consiste à espionner la vie qui dégénère en indiscrétion et en voyeurisme déguisé doit être sévèrement réprimée.  Car, mal comprise et mal utilisée, elle peut conduire une personne à mépriser le danger ou à piétiner les plates-bandes d’autrui.  Le problème est celui de savoir quand la curiosité devient répréhensible?  Tous répondront en chœur que c’est lorsqu’elle dépasse les bornes dans un besoin de savoir inconsidéré.  Mais il n’est pas dit que les diverses sociétés humaines posent les bornes de l’indiscrétion au même endroit.  En effet, en société, le désir de connaissance, qui nourrit la curiosité, peut parfois heurter les sensibilités et les intérêts d’autrui, ce qui l’amène souvent à être ressentie comme gênante et envahissante en fonction des codes sociaux locaux.

   Ainsi, pour établir la norme ou la frontière que la curiosité ne doit pas franchir,  on gagnerait à oublier les critères de diverses sociétés pour s’élever au niveau des principes de la Loi unique de la Création.  En principe, la curiosité n’est légitime que lorsqu’elle aide à comprendre ce qui regarde la personne qui l’exerce et qu’elle ne contrevient en rien à la loi de l’amour, de la liberté personnelle et de l’innocuité. Chacun devrait avoir moins la curiosité des événements et de la vie d’autrui que celle de se connaître lui-même dans tous ses aspects.  Il en évoluerait plus rapidement.  En cela, la curiosité de chacun devient très révélatrice de ce qu’il est puisqu’un être ne pourrait concevoir ce qu’il ne porte pas et n’attise pas son goût de savoir.

   En revanche, la curiosité compulsive, donc incontrôlée, qui devient espionnage, inquisition de la vie d’autrui à n’importe quel prix, sans servir au bien personnel, mais servant largement à nourrir les commérages, les rumeurs, les qu’en-dira-t-on, les jugements téméraires, les médisances et les calomnies, doit être sévèrement dénoncée.  En outre, chez les jeunes, la curiosité excessive peut mener à la témérité qui amène à foncer la tête baissée sans prise de précautions.  L’immodération, produit de la vitalité, n’est-elle pas l’apanage de la jeunesse qui sait peut, qui aime se lancer dans les plaisirs marginaux, parfois pervers et dangereux, mais moins celui de la vieillesse, qui, dans sa sagesse, mène une vie plus réservée, ne pouvant plus grand-chose?  Les uns veulent trop pour ce qu’ils savent et peuvent et les autres savent trop pour ce qu’ils veulent et peuvent!

   Il existe une forme de curiosité que ne sert qu’à masquer l’ennui en donnant l’impression d’occuper utilement, mais celle-ci ne peut pas longtemps répondre aux meilleures intentions.  Trop de gens ne cherchent à tout savoir que pour meubler leur conversation, se montrer renseignés ou doctes, ou pire, pour se démontrer intéressants.  En pareil cas, la curiosité-1curiosité ne sert pas à s’instruire au vrai sens du terme et à transformer l’être personnel.  D’ailleurs, lorsqu’une quête de savoir ne sert qu’à satisfaire la curiosité personnelle, sans vraiment renseigner et porter à devenir meilleur, plus accompli, celui qui la mène délaisse rapidement l’objet de sa quête, sans y revenir, ne laissant que les ravages qu’il a accomplis par ses bavardages.  Elle amène à développer une mentalité paresseuse et superficielle qui amène à tenter de tout expliquer, même quand on ne sait pas qu’on n’a rien compris.

   Bien sûr, la curiosité devient malsaine quand elle viole l’espace psychique des autres, appelant une rétribution sévère.  En effet, celui qui s’introduit fautivement dans la vie d’autrui développe entre lui et l’autre personne un canal d’échange énergétique qui permet à une part du destin malheureux de l’être étudié de passer dans sa propre vie.

   Conformément à la Loi unique, bien qu’uni à tous, dans la Conscience unique, chacun détient le devoir de s’accomplir dans le silence et le secret.  Il ne sert à rien d’essayer de prendre le Ciel d’assaut: chaque vérité sait se révéler en son temps, la curiosité n’y amenant pas grand-chose à avancer.  En revanche, sans curiosité, l’imagination s’effrite, amenant un être à devenir moins créatif et évolutif.

   Si la curiosité poussait vraiment un être à mieux se connaître, et de l’intérieur, où tout réside, nul ne pourrait s’opposer à son exercice.  Mais n’’est-il pas étrange que l’être humain sache tant de choses sur une multitude de sujets, du plus complexe au plus simple, et qu’il néglige le plus important, la connaissance de lui-même?

   Quoi qu’il en soit, il faut savoir que ce ne sont pas les incursions mentales, motivées par la curiosité, si éclairantes qu’elles soient, qui vont aider à s’illuminer, mais l’aptitude à vibrer à l’unisson de la Vibration totale, celle de la Source suprême.  En ce sens, la majorité des quêtes intellectuelles se démontrent vaines, stériles et inutiles.  Mais, pour s’initier, il faut parfois faire un grand détour et épuiser toutes les ressources humaines pour découvrir celles qui ne mènent nulle part et découvrir, du coup, la seule Voie qui produit l’Ascension.

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