LA COLÈRE, UN EXUTOIRE SAIN OU UNE ÉMOTION DISSOLVANTE… 

La colère exprime l’émotion violente, soit l’irritation, un mouvement agressif ou hostile apparemment posé à l’égard d’un agresseur extérieur, mais qui, en fait, résulte d’un manque de maîtrise de l’élément feu, dans la région du plexus solaire.  Elle se manifeste par un état violent et passager engendré par le sentiment d’avoir été agressé ou offensé et le désir de recourir à des réactions agressives.    On peut la définir comme un déplaisir soudain, causé par une injustice ou une lésion, accompagné d’un désir de vengeance, de sanction, de compensation.  Elle peut varier de l’impatience à l’indignation, à la rage, même à la fureur.  Elle s’allume lorsqu’un être se sent dérangé par quelque chose dans la fausse image qu’il a de lui-même, ce qui l’invite à en chercher l’origine ou la cAngerause en lui plutôt qu’à l’extérieur de lui.

La colère est une émotion normale et saine dans la mesure où elle ne va pas jusqu’à agresser les autres.  Elle exprime un mouvement d’hostilité ou d’agressivité qui dévoile une concupiscence (désirs matériels) inassouvie.  Souvent, on se met en colère parce qu’on croit ne pas recevoir assez d’amour, de compréhension ou d’attention de la part des autres.  La colère peut être une des premières émotions qui surgit chez celui qui se sent impuissant ou manipulé et qui accepte enfin de donner libre cours à son mouvement intime.  C’est le moyen auquel il recourt pour refuser ce qu’il juge inconvenable ou inacceptable et qu’on tente apparemment de lui imposer.  C’est sa façon de dire : «Non merci!»  Il s’en sert pour rompre ce qu’il ressent comme un contrôle subtil qu’autrui tente d’exercer sur lui, l’appelant à faire tout ce qui est possible pour donner satisfaction, alors que ces demandes sont trop opposées à ce qu’il est.  Son émotion ne provient pas de ce que l’autre fait ou dit, mais de sa façon d’en juger.  Dans cet état, il refuse de reconnaître sa part de responsabilité, par rapport à ce qui lui arrive, ce qui crée un orage invisible qui perturbe son champ magnétique, à sa limite, et qui agresse autrui sans fournir de solution autre que d’aggraver le mal.

La colère témoigne d’un mental immature, non entraîné, ce qui amène à ressentir de l’angoisse.  D’une part, le sujet ne comprend pas que tout ce qui traverse son esprit provient d’un choix personnel, d’une invitation à y entrer.  Ne comprenant pas sa responsabilité, il choisit d’exprimer sa tension plutôt que de l’abandonner ou de l’harmoniser.  L’expression de son mouvement intense ne contribue qu’à attirer davantage ce qu’il essaie d’éviter.  Car c’est en réprimant sa colère qu’on peut la dissoudre de manière à ne plus attirer de situations agressantes.  Mais c’est moins la colère qu’il faut laisser passer que ce qui l’attise : son agressivité latente, sa tristesse, son sentiment de culpabilité, son manque d’amour.  D’autre part, il se sert souvent de l’agressivité comme moyen de culpabiliser autrui pour manipuler et pour garder le contrôle d’une situation.  La personne agressive a toujours tort de croire qu’elle se met en colère pour une juste cause, que c’est le rejet qui l’a blessée ou la provocation qui l’a exaspérée.  Car elle croit trop facilement que toutes ses demandes sont raisonnables.   Or, il y a de fortes présomptions que si elle se met en colère, c’est qu’elle vit sur la défensive au lieu de réviser certains aspects de ses attentes, de ses exigences ou de ses opinions à cause de ses conditionnements et de son éducation.

Celui qui est porté à l’hostilité se donne facilement raison dans tout problème interpersonnel, croyant sa colère légitime, mais pas celle d’autrui.  Alors, se sentant impuissant ou blessé, il porte sa colère contre la personne qui a apparemment causé sa peine.  Pourtant, l’autre ne sert que de catalyseur pour faire ressortir une douleur qui existait déjà au plus profond de lui.  De là, elle n’en est pas la cause.  Par la causalité, chacun attire toujours à lui les êtres qui viennent toucher en lui ses points sensibles pour l’aider à les mettre à jour et l’aider à grandir.  Alors, devant une difficulté, il gagnerait à refuser de considérer les choses comme bonnes ou mauvaises pour ressentir l’estime de lui-même et la compassion dans son cœur.  Agir sous le coup de la colère, c’est foncer dans la tempête.

Quelqu’un peut sentir ne pas détenir autant de maîtrise qu’il le désire sur ce qui lui arrive, mais il peut changer sa manière de répondre aux événements, soit choisir sa manière de réagir en pareilles circonstances.  Au lieu de se concentrer sur ce qui allume sa colère, il peut se centrer sur autre chose.  Par exemple, il peut mieux accepter ce qui lui arrive en respirant profondément pour retrouver l’équilibre.  Et avec le temps, il doit apprendre à éviter qu’un autre est responsable de ses sentiments et de ses émotions.  Celui qui est porté à la colère doit apprendre à cesser de blâmer autrui pour ce qui lui arrive et intervenir directement sur ses mouvements intimes.  S’il parvient à comprendre les raisons qui les produisent, il s’élèvera bien plus que s’il s’obstine à trouve la manière de changer autrui.  Surtout, il doit apprendre à répondre à ses besoins au fur et à mesure qu’ils se présentent, poser calmement ses limites, oser exprime ce qu’il ressent au lieu de le cacher derrière la peur de ne pas être aimé ou approuvé.  Car tout mouvement intime puissant qu’on réprime finit par exploser.

Lorsqu’un autre se met en colère après soi, souvent il répond à une blessure.  Il peut croire diversement  que son amour ne lui est pas retourné, que ses attentes ne se concrétisent pas, qu’il perd le contrôle de lui-même, que ses demandes déraisonnables sont justifiées.  Or il ne faut jamais répondre à la violence par la violence, ce qui pourrait déclencher une catastrophe.  Il faut plutôt demander de pouvoir se retirer pour aller se recentrer dans la paix.  Nul n’est appelé à assumer intégralement une telle projection hostile.  À l’écart, il peut déterminer ce qui vient de lui et ce qui vient de l’autre dans cette expansion soudaine.  Mais il ne peut harmoniser que ce qui vient de lui-même.  D’autre part, il ne peut se soumettre aux attentes indues de l’autre.  Il faut comprendre que celui qui se met en colère ne cherche pas tant à repousser qu’à se faire mieux comprendre, accepter, aimer.  Il ne cherche pas d’abord à se faire rejeter, à provoquer une escalade de senticolère-fémininements négatifs, à blesser, à amener à se défendre.  Il cherche à être mieux compris et accepté.

Alors, si on ressent que l’autre exprime uniquement sa peine ou son désarroi, il faut vitre saisir que ces mouvements n’ont rien à voir avec soi.  Il faut s’empresser de reconnaître que l’attitude de l’autre résulte d’une peine ou d’un mal déjà présents.  De ce fait, on ne peut que s’ouvrir à les sentir sans juger ni condamner.  Voilà pourquoi il importe de rester centré dans son cœur et, au besoin, de se retirer si on ne le peut pas, pour éviter de nourrir ces sentiments négatifs.  Il faut trouver un moyen de prendre du recul pour prendre conscience que l’autre ne trouve simplement pas, pour le moment, un meilleur moyen que celui qu’il prend pour exprimer ses malaises.  Donc, on refusera de s’attacher à ses mots et à ses émotions qui le portent à projeter ses propres blâmes.  On doit attendre que la colère de l’autre se dissipe avant de le revoir.  Et, même là, on doit refuser d’argumenter et de se défendre, car on raviverait son mouvement agressif.  On se contentera de garder le silence, de garder le cœur ouvert, de se centrer sur son amour pour lui, de le laisser lui-même comprendre sa responsabilité.  On gagne à laisser autrui exprimer sa colère sans relever ses torts ou son erreur d’interprétation.  On préférera rester centré dans son espace d’amour et d’harmonie en exprimant l’accord avec soi-même.  Ainsi, on mettra en pratique l’une des leçons les plus difficiles à apprendre, celle de rester centré sur la Lumière de Vie.

Un être qui se dit évolué doit toujours pardonner complètement, par avance et prévenance, les frasques d’autrui.  Il doit rayonner constamment l’amour, uniquement l’amour, en se plaçant dans un état paisible et élevé.  Plus tard, il pourra rencontrer l’offenseur sans remuer la situation au-delà des détails, en restant serein.  Alors, on peut en profiter pour lui dire qu’on sait qu’elle ne voulait pas faire de mal et qu’on l’a compris dans ses actes.  Mais on continuera à l’entourer d’amour pour contribuer au fait que sa peine disparaisse, ne restant avec lui que le temps qu’on peut maintenir ce niveau de vibration élevé.  Autant pour soi que pour autrui, chacun doit comprendre que la colère sert toujours un but.  En conséquence, ce n’est pas en la réprimant qu’on s’approche de la compréhension de ce but.  Il faut éviter de la considérer comme répréhensible.  Elle permet d’identifier des peurs ou de dépasser des limites personnelles au niveau de l’identité et du comportement.  Très souvent, la plus grande peur, c’est celle de ne pas être accepté comme on est.  Dans son évolution, chaque être garde longtemps la peur inconsciente de ne pas être aimé ou d’être rejeté s’il pose certains actes ou s’il ressent des sentiments réprimés par la majorité.  Alors, il ne se donne pas la permission d’être pleinement lui-même.  On ne ressent jamais de la colère que parce qu’on porte des jugements sur ce qui est acceptable ou inacceptable, sur ce qu’on peut faire ou doit éviter de faire.

Celui qui cède à la colère démontre qu’il porte une peur mal maîtrisée, d’où, se sentant une victime injustement attaquée, il implique les autres dans son processus de libération intérieure.  Mais, que cache cet élan émotif négatif?  Toujours une soif de pouvoir et de domination puisque son but est de détruire ou de réprimer rapidement et avec force.  Comme cet élan provient d’un plan inférieur, où la loi du plus fort a préséance, le sujet qui y succombe perd graduellement de sa force de volonté.  Sans compter qu’il exerce des ravages néfastes dans les fonctions du corps humain, l’imprégnant d’adrénaline, favorisant en outre l’intoxication interne.  Seules les personnes susceptibles, orgueilleuses, ambitieuses, ouvertes à la flatterie, sont capables de colères extrêmes.  On peut donc s’en débarrasser en dissolvant en soi ses degrés moindres, comme l’irritabilité et l’amour-propre.  On y arrivera d’autant plus facilement qu’on en démasquera la cause. Quelqu’un a dit: «Comme l’eau éteint le feu, une douce réponse à un homme en colère, fait tomber son emportement et d’ennemi, il deviendra un ami!»

La plus grave des colères est la folie furieuse.  Toutefois, toute colère dénote un état de crise, une perte de contrôle sur soi qui empoisonne le sujet chez qui elle s’exerce.  «La colère est l’allumage de la haine ou bien c’en est l’expression concrète. C’est une haine subite, explosive, parfois mortelle. Elle est souvent superficielle, et s’éteint aussi vite qu’elle s’enflamme. Elle est le plus souvent imaginaire et purement verbale, elle est parfois contenue et cachée et se limite à une ébullition de sang, à une tempête respiratoire, à des grincements de dents et serrements de poings qui n’affectent que les coléreux. Elle s’accompagne de vœux intenses de mort ou de mutilation qui, s’ils se réalisaient, empliraient sans doute d’horreur et de remords celui qui les a formés, même s’il n’en était à aucun degré l’exécuteur.» (Lanza del Vasto)  Mais le même auteur reconnaît qu’il ne faut pas toujours confondre agressivité et colère. colère-masculineIl précise: «L’âme à qui toute agressivité manquerait serait tout à fait méprisable, veule, molle, sans force ni fierté.»

La colère peut encore prendre la forme d’une sainte indignation ou d’un noble emportement, masques d’une prétention à la vertu, par la voie de l’hostilité, tentative maladroite de se justifier de ses fureurs, une bien minable imposture.  La colère, c’est «la rage d’avoir raison» qui conduit aux pires cruautés, conçues comme légitimes.  Sous prétexte qu’il existe des mouvements d’impatience légitimes, il faut éviter de mettre tous les mouvements d’agressivité dans le même sac, d’identifier tout accès de fureur à une justice de son invention qui les légitimerait.  L’emportement de deux interlocuteurs peut paraître juste pour chacun des intervenants et n’en pas moins dégénérer en un combat en règle.  Des deux, il doit bien y en avoir un dont la colère est moins légitime que celle de l’autre.

En fait, le mécontentement, sous toutes ses formes, révèle un état qui témoigne d’un besoin intérieur frustré, un manque, une moindre possibilité de vie. André Cotty dit avec raison: «Il ne faut pas arrêter l’énergie de celui qui est prêt à se mettre en colère, mais il peut donner une autre direction à cette énergie pour qu’elle accomplisse quelque chose: il faut la faire travailler.»  Pensons-y un peu: chaque minute de colère nous fait perdre soixante secondes de bonheur.  Le plaisir qu’on peut en ressentir est toujours faux.  Il n’y a souvent qu’un pas de la colère contre soi-même à l’emportement contre les autres.

***

La colère ou le courroux de Dieu traduisent l’implacable répercussion de la Causalité céleste ou de la Justice immanente.  Pour l’être ordinaire, celui qui n’aspire pas à évoluer, elle s’applique dans toute sa rigueur, sans clémence, en proportion de la perversité, de la méchanceté, de l’impiété et de l’impénitence du sujet.  Mais puisque la Loi divine ne vise pas à punir, mais à faire comprendre la dynamique de l’Énergie cosmique et à tout ramener dans l’Ordre universel, le Créateur ne répond jamais à un acte malveillant par la colère.  Dieu, l’Être d’Amour par excellence, ne s’impose jamais de façon impérieuse à l’être humain.  Au nom de sa Magnanimité, il faut affirmer qu’il n’a jamais été dans l’intention du Père-Mère d’imposer des sanctions sévères à l’Humanité en raison de sa chute apparente ni d’exiger d’elle quelque forme de sacrifice expiatoire pour apaiser sa colère.  De ce fait, ces expressions ne peuvent qu’exprimer le choc en retour qu’un être inconscient ou maladroit s’inflige à lui-même par le mauvais usage de son libre arbitre.  Un être pensant s’impose sa propre sanction, se refusant l’accès à la grâce de Dieu, lorsqu’il viole la Loi cosmique.  Ainsi, la miséricorde de Dieu n’est refusée à personne.  En pareil cas, l’humble aveu de ses erreurs, la compréhension de leurs conséquences, la détermination à ne plus les répéter et l’effort sincère pour en corriger les effets nuisibles peuvent, à eux seuls, faire beaucoup pour purifier un être de ses dettes karmiques.  Et la miséricorde de Dieu, si elle est sollicitée, pondérera la rigueur naturelle de la Loi et veillera à faire le reste de la transmutation.

L’expression sainte colère découle de l’incident raconté dans le Nouveau Testament des Chrétiens alors que Jésus s’en prit énergiquement aux vendeurs du Temple, muni d’un fouet, les accusant de souiller la Maison du Père par leurs activités mercantiles.  On explique que, dans le calme intense de sa volonté de démontrer la vérité, il aurait alors tenté de prouver à l’Humanité qu’un homme conscient peut s’opposer, seul, à tout un clergé bien implanté, s’il le fait pour la gloire de Dieu.  En effet, pour qu’une colère reste légitime, elle doit comprendre un acte de désapprobation bien signifié, mais exécuté sans émotions.  Avec le temps, cet épisode justifia toute attitude musclée, supposément fondée sur un désir de réveiller les endormis ou d’aider les âmes à voir clair dans leur révolte intérieure, afin de les ramener à la Vérité ou à la Lumière.  On ne peut nier que la colère peut constituer une expression d’amour et un instrument d’équité si elle est appliquée de façon constructive et maîtrisée, manifestant alors un acte rigoureusement bien dirigé.  Elle se distingue de la haine dans ce fait qu’elle ne représente pas un débordement des pulsions animales (de la sensibilité ou de la passion), un soulagement des pulsions, une satisfaction purement primaire.

 

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