IL FAUT LAISSER RIRE LES DÉNIGREURS DE TOUTES ESPÈCES.

   Celui qui juge, discrédite ou dénigre l’autre, cherchant inconsciemment à le rabaisser, démontre qu’il manque de confiance en lui et que, dans une forme de sadisme voilé, il convoite les acquits d’autrui qu’il ne peut lui-même se procurer.  Il trahit un complexe d’infériorité, souvent travesti en complexe de supériorité, du fait que, sans repentir, il exprime de l’orgueil, de la condescendance, de la fatuité, de l’arrogance, de la vanité, de la prétention, indifférent à ses propres travers.   C’est la manière du faible d’évoluer, ce qui ne mérite rien d’autre qu’un retour amoureux pour l’aider à se tirer de la caverne sombre où il s’est enfermé.

   Dans ces procédés méprisants, empreints d’une méchanceté assumée, non dépourvus de violence, qui incitent à rire ou à se moquer d’un autre, employés pour exprimer un point de vue excessif afin de mieux dénoncer, l’intervenant tente d’extirper une frustration, ce qui réussit d’autant mieux qu’il se trouve un public pour le conforter dans ses conceptions vaniteuses et dénigrement-dérisionégotiques.  Il se prononce parce qu’il a fini par croire en ce qu’il pense, accordant plus de crédibilité à ses cogitations qu’à ce qui peut être, mais qu’il ne prend pas la peine de vérifier ou d’évaluer.  Car toute tentative de tourner en dérision réside sur un jugement de valeur où celui qui prononce le verdict est cause et partie puisqu’il laisse entendre que son opinion vaut davantage que n’importe quelle autre.

   Pourtant, au fond, le dénigreur ne parvient qu’à se tirer dans le pied puisqu’il révèle aux autres, malgré ce qu’il veut leur faire paraître, non ce que l’autre est, mais ce qu’il est lui-même : un être involutif polarisé qui, au lieur de chercher la collaboration, dans l’expression de l’empathie ou de la compassion, défend son idéologie ou son ego.  Surtout que son propos contient la menace voilée de repousser à l’écart ou de mettre à part ceux qui ne se rangeront pas à son avis, plutôt subjectif, de manière à ne pas les retrouver constamment sur son chemin comme un reproche permanent à l’endroit de sa rigidité de pensée.

   On peut croire cet être involutif dans le sens que, dans ses propos cinglants, qui témoignent d’un refus de dialogue, il se dépense à épier les faits et gestes d’autrui dans un désir de repérer des failles à critiquer et dans l’espoir de les rabaisser, d’atteindre leur notoriété, de dévaluer leur succès.  Ainsi, en plus de devenir diviseur, nuisant de façon délibérée, il se dégrade lui-même, il démontre la bassesse de son caractère, il complique les relations, il obscurcit la vie.

   En réalité, le dénigreur ne cherche rien d’autre que de protéger ses formes de croyance de manière à éviter la dévaluation de son image de lui-même : inconsciemment, il croit ne pouvoir se grandir qu’en rabaissant l’autre ou en le terrassant, même s’il cumule davantage les vices que les vertus.  Il ne gagne en pouvoir que dans la mesure où il se trouve une cour de béni-oui-oui donnant l’impression d’approuver sa sagesse présumée.  C’est dans une courte honte qu’il accuserait le coup d’une rebuffade ou d’une protestation de la part d’un interlocuteur qui le reprendrait dans son égarement, le ramenant à l’intention secrète de son jeu.  Car ce qu’il redoute le plus, c’est de ne pas être approuvé, ce qui l’amènerait à perdre la face.  Celui qui se centre trop sur les défauts apparents d’autrui démontre qu’il se fait diversion, tentant de se cacher les siens pour ne pas les voir et devoir s’amender.

   Comme la Bible ou Thora l’a dit, ce qui est «folie» pour l’un est souvent «sagesse» pour l’autre.  Ou, mieux rapporté, ce qui est folie aux yeux des hommes est souvent sagesse aux yeux de Dieu.

   Il faut laisser rire l’aveugle puisqu’il n’infirme en rien la vérité ou la réalité de ce qu’il ne parvient pas à percevoir ou à capter.  La planète est remplie d’endormis et de mots-vivants qui ne croient à rien d’autre que ce qu’ils peuvent voir et toucher, que ce qui leur pend au bout du nez, et qui, par leurs choix malencontreux, retarde leur retour dans la Lumière de l’Absolu.  Car celui qui a brisé ses antennes psychiques, dans sa densification exagérée, a bien du mal à capter autre chose que l’apparente réalité extérieure.  Comme si l’illusion du phénomène pouvait être plus réelle que la Vérité de sa Cause subtile.

   Annick de Souzenelle a fait remarquer un jour : «La dérision est toujours la défense facile de ceux qui, mobilisés à un niveau subtil de leur être qu’ils n’ont pas encore pénétré, refusent et détruisent alors l’agent mobilisateur.»  Un certain Owler complétait en affirmant : «On appelle absurdité toute déclaration qui diffère de la nôtre.»  Mais n’est-ce pas souvent la position qui diffère de la sienne qui aide à se tirer de ses ornières de pensée ou de sa vision limitée?

   On gagne à laisser rire les gens qui diffèrent d’opinion ou de point de vue.  Le rire de l’ignorant ou de l’aveugle n’infirme en rien la réalité de ce qu’il ne perçoit pas.  Il n’est pas facile de dialoguer avec un ignare.   Il n’est pas facile d’expliquer la réalité d’un arc-en-ciel à un aveugle de naissance.  Pourtant, c’est toujours la différence d’un propos ou d’une conception qui a amené le monde à progresser puisqu’il ramène dans le courant continu de la Vie.

   À vrai dire, la seule absurdité, c’est de cesser ou de refuser de changer, de s’accomplir à travers une lente transformation à tous égards.  Mais ce changement ne doit pas procéder des emprunts faits aux autres, dont on redoute tant le regard, mais de ses intuitions intimes.  Car chacun gagne à éviter de se laisser manipuler, à refuser tout pouvoir d’autrui sur lui-même, se reconnaissant comme son seul maître.

   On peut toujours changer d’avis, d’attitude, de comportement, à n’importe quel moment de sa vie.  Et il n’y a rien comme le changement pour vivifier, revigorer, stimuler.  Qui le sait mieux que celui qui aurait pu jurer, un jour, qu’il n’abjurerait jamais la foi de ses ancêtres, mais qui, à travers les expériences des années, en est venu à croire tout le contraire de ce qu’il a cru à l’aube de sa présente incarnation?

   À ne pas en douter, l’ennemi est toujours en soi, jamais à l’extérieur.  Mais il faut de la simplicité, de l’humilité, voire de la conscience, pour le reconnaître.

© 2012-16, Bertrand Duhaime (Dourganandâ).  Tous droits réservés. Toute reproduction strictement interdite pour tous les pays du monde.  Publié sur : www.larchedegloire.com.  Merci de nous visiter sur : https://www.facebook.com/bertrand.duhaime.

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