On parle de violence lorsqu’il y a un acte par lequel s’exerce une force brutale.  Elle évoque les relents d’animalité chez une nature qui n’a pas su s’adapter ou évoluer.  Elle témoigne de la domination des sens et des pulsions intimes sur la raison, le cœur et l’Esprit.

À vrai dire, au cours de son histoire connue, l’Humanité a connu moins de dix ans de paix universelle.  Actuellement, il n’y a pas plus de violence qu’il y en a eue dans le passé, sauf qu’elle est plus médiatisée ou publicisée.  Le recours à la violence est simplement devenu plus facile.  Elle affecte plus de gens parce que la population s’est accrue, mais, toutes proportions gardées, elle n’est pas plus généralisée qu’aux pires heures du passé, quand la cruauté idéologique (parentale, tribale, commerciale, politique, religieuse) faisait rage.  Même qu’elle est moindre et plus localisée que jamais.

La violence résulte du fait que l’être humain, coupé de la  Source, cherche à s’approprier l’énergie d’autrui par des astuces psychologiques et que, oublieux de la Justice immaagressionnente, il cherche à se rendre justice par lui-même.  Elle prend sa source dans l’envie de dominer l’autre.  Il est tellement plus facile de régler le cas de l’autre en le blessant au point de le rendre inoffensif ou en le faisant disparaître que de gérer des relations interpersonnelles difficultueuses.  Elle commence avec les petites vexations qu’on impose à autrui pour lui signifier qu’on est plus fort que lui, qu’on sait mieux que lui, qu’on détient plus de droits que lui sur une réalité, qu’il a moins de valeur que soi.  Elle se poursuit par toutes ces petites incursions illicites et irrespectueuses sur le territoire de l’autre, qui indiquent qu’on ne sait pas qu’il existe des frontières inviolables ou qu’on ignore où s’arrête la frontière de son univers et où commence celle de l’autre.  Elle s’amplifie dès qu’on croit sa vision ou son mode de vie supérieur à ceux de l’autre ou plus légitimes que les siens et qu’on se croit un droit d’intervention pour le mettre au pas.

La violence, c’est le recours de celui qui ne sait pas s’occuper de ses affaires, ne sait pas vivre et laisser vivre, considère ses valeurs plus estimables que celles d’autrui.  En fait, un être cherche alors subtilement à inféoder l’autre à sa volonté, à annexer son territoire à son univers personnel, à lui démontrer sa supériorité présumée, quitte à le rendre impotent ou à le faire disparaître.

N’empêche que, essentiellement, la violence exprime la dictature du mental ou la tyrannie de l’ego chez celui qui a perdu le sens de l’Unité de toutes choses.  Dans une conversation, dès qu’une personne ouvre la bouche, elle cherche déjà à manipuler son interlocuteur, prête à dire ce qu’il faut pour obtenir raison ou se donner raison.  Dans tout échange, tout être humain cherche à dominer et à obtenir la plus large part –qu’on appelle souvent la part du lion– et s’il y parvient, il en tire une grande fierté, il se sent ragaillardi.  Un être est violent parce qu’il s’arroge le droit de brimer la liberté d’autrui, ce qu’il fait par manque de conscience.  C’est le cas des jeunes d’aujourd’hui, qui livrés à eux-mêmes, ont toute leur vie devant eux, n’ayant d’autre motivation que de trouver de l’argent et de tout s’approprier dans la facilité.  Ces enfants rois s’arrogent une importance personnelle, mais ils n’ont aucun respect pour les autres, leur univers, leurs biens, leurs besoins, leur destin.  Tout leur est dû, tout leur appartient.  Reflétant leur société matérialiste et individualiste, dépourvus de valeurs profondes, ils sombrent dans la violence.

Le phénomène de la violence humaine peut s’expliquer par la dégringolade des valeurs, la pauvreté, la promiscuité et la dépendance qu’engendre l’urbanisation.  Mais il s’explique plus largement encore par le déséquilibre des aspects de la polarité dans tout être.  On ne le répétera jamais assez, tout conflit humain commence par un manque d’équilibre au niveau des polarités personnelles.  Avant de manifester un comportement extérieur hostile et agressif, tout être vit présentement en lui-même, surtout une mutilation et un viol de sa féminité intérieure par lesquels il vit un déchirement intime et une violence psychique qui s’exercent contre lui-même.  Il vit un état de conflit intérieur par lequel il tente de dominer les parties les plus vulnérables et les plus fragiles de lui-même parce qu’elles ne trouvent plus de référence stable et valorisante.

L’homme surtout commence à peine à accepter son impuissance, ses limites, ses carences, bref, sa vulnérabilité intérieure.  Il n’accorde pas davantage d’attention aux mouvements intimes des autres, surtout des autres mâles, par jeu du miroir.  Car, accepter sa vulnérabilité, cela représente une menace potentielle, celle de voir s’effondrer le fragile équilibre psychique sur lequel repose le fondement de son identité.  Ne pouvant accepter son identité vacillante, l’impuissance et la vulnérabilité des autres le ramènent à ce qu’il méprise le plus en lui, ce qui éveille son agressivité jusqu’à la colère.  Il ne peut se relier à sa féminité dévalorisée et il ne peut compatir à la peur et à la souffrance d’autrui.  On trouve là, notamment, la raison de la montée de l’homophobie, du racisme, de la crainte de toutes les minorités… et de toutes les minorisations.

Ainsi, quand on ne peut éprouver le sentiment de sa féminité comme un pouvoir intérieur, pour avoir réprimé trop fortement ses forces inconscientes, on opte pour un succédané de pouvoir en tentant de dominer et de contrôler les autres.  Ayant peur de soi-même, on se joint à des gangs.  Par ces tentatives de maîtriser ses peurs inconscientes par la dénégation et la répression, on croit pouvoir endiguer la force et la puissance de ces énergies tyranniques.  Au lieu de les projeter contre les autres, certains retournent parfois leurs pulsions agressives contre eux-mêmes.  Ainsi, les personnes peu soucieuses de leur conservation, par manque de goût de vivre, mais mues par  un besoin primordial d’affiliation et d’affection, chercheront à s’autodétruire.  C’est le masochisme féminin qui, coupé de son pôle de vie, opte pour la destruction ou la mort.

La caractéristique essentielle de la violence, c’est qu’elle inclut une contrainte ou une répression dans l’intention de faire du mal à un adversaire présumé.  En fait, elle affaiblit celui qui la subit et elle défoule celui qui y a recours, mais, en même temps, elle déprime celui qui la subit et elle dégrade celui qui l’utilise.  Elle n’a jamais rien prouvé et elle n’a jamais fait triompher la vérité, d’où elle n’illustre que la bêtise, l’ignorance et un sentiment d’impuissance.  À défaut de se sentir fort intérieurement, le sujet tente de se montrer brave et puissant extérieurement.  Elle échoue toujours dans son dessein produisant l’effet contraire à celui qui est recherché.  Et elle se retourne contre lui, ne pouvant recevoir l’assentiment cosmique.  Ainsi, elle peut apparemment produire un bien transitoire, mais elle engendre un mal permanent.

Qu’elle soit physique ou morale, la violence prend toujours sa racine dans la peur et dans la soif du pouvoir.  Exercée pour le bien comme pour le mal, elle engendre le désordre, le principe de tout mal.  Le chercheur spirituel doit éviter de désapprouver l’agitation légitime qui amène des réformes salutaires et fait évoluer.  Il ne s’oppose pas à l’application de la répercussion, dirigée par les Gardiens de la Justice.  Il s’élève en esprit contre la violence gratuite, contre celle qui dépasse la nécessité et tend à devenir habitude dans les mœurs.  Il s’insurge contre la violence qui fait fi du respect d’autrui, qui sacrifie des innocents, qui viole la règle du jeu, qui engendre le désordre social, qui détruit inutilement les biens, qui provoque la mort de paisibles citoyens, qui menace la paix publique.

Le chercheur sincère réprouve le viol de conscience, décrie le lavage de cerveau, abhorre la profanation des libertés, désapprouve l’intimidation, méprise les jeux de pouvoir, plus subtils.  Mais il ne dénonce rien et il évite de partir en croisade contre le mal.  Sachant que tout a une cause et détient un sens, il préfère rayonner l’amour dans le silence et le secret pour agrandir les consciences.   Il agit psychiquement contre les violences des gens nerveux et hostiles, comme contre celles des gens qui ne sont calmes qu’en apparence, couvant un feu intense d’envie et de jalousie.  Mais il n’essaie pas de contrer la violence par la violence.  Il la dissout par les lois de la pensée créatrice, toujours triomphantes, et par l’alchimie spirituelle, toujours victorieuse.  La compassion peut commander, dans certains cas, une violence salutaire, une sainte réprobation.  Mais il faut alors agir sans haine, sans passion, sans intérêt personnel, sans attachement au fruit de l’action.  Et il ne faut y recourir qu’en dernière instance quand tous les autres moyens ont fait défaut.

Après avoir sereinement manifesté son opposition à une agression, il est toujours légitime d’employer la force suffisante pour paralyser un attaquant.  Mais il ne faut jamais le juger en évaluant ses mobiles plausibles.  On peut protéger le faible pour lui permettre d’échapper à un assaillant, mais sans prononcer la justice, qui est affaire de Dieu. Le mal se détruira toujours par lui-même.  Face à une injustice flagrante, il est toujours difficile à l’homme de trouver une sanction efficace, qui doit du reste relever de la clémente sagesse de Dieu.  Dans un délit ou un méfait, seul Dieu connaît les motifs et les antécédents qui ont amené un être à les commettre et sait comment en tenir compte.  Svetoslav Roerich a su dire : «La violence hésite à pénétrer sous les voûtes d’une haute cathédrale alors qu’elle s’infiltre dans un antre de laideur

Une trop grande masse d’énergie dans un espace anormalement limité explose et se détruit.   On dit qu’une communauté de plus de deux cent mille habitants cesse de se comporter de façon normale.  Aujourd’hui que Dieu est écarté des préoccupations humaines de la majorité et que les églises des villes ne rallient plus les bonnes volontés, les énergies libérées par la masse, laissée sans puissance directrice équivalent, s’affrontent en deux forces contraires avec une violence accrue.  Quel paradoxe de constater que le fait d’avoir regroupé les êtres humains dans les villes a servi de meilleur moyen de les réunir en ghettos et de les diviser, au lieu de les unir.  On les a entassés dans de grands ensembles, constructions érigées en dépit du bon sens et au détriment de la Nature, faisant incliner la société vers l’individualisme et, de là, vers une quête d’anonymat.

Dans ces immenses complexes où chacun vit sur le voisin, mais en prenant bien soin de l’éviter, même de l’ignorer, avec seul décor la grisaille du béton et de l’asphalte, les gens consacrent une large part de leurs revenus à payer leur loyer et les commodités courantes.  Sans l’argent nécessaire pour satisfaire toutes les tentations auxquelles ils sont soumis, souvent sans travail, sans but, sans valeur à laquelle se raccrocher, stressés et agressifs, ils errent dans un cadre sans vie.  On le voit par ceux qui succombent au mal de la délinquance routière ou de la rage au volant parce qu’ils se croient les seuls usagers des artères de circulation des agglomérations ou des routes de campagne ou qu’ils croient y détenir des droits prioritaires.  Loin de la Nature, dans un environnement assourdissant, ils créent leur envie d’exister pleinement, prenant souvent des moyens drastiques pour y parvenir ou pour en sortir : violence ou suicide.  Dans les villes, l’évolution spirituelle n’a pas suivi la mécanisation à outrance.  Ainsi, l’être psychique a perdu au profit de l’être physique.  Et la société, privée d’amour, dépourvue de sa raison d’être, qui devrait se fonder sur l’échange et le partage, y apparaît comme un corps sans âme.

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