«Ô rage!  ô désespoir!  ô vieillesse ennemie!» (Pierre Corneille)

 

Partout dans la Création, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme, dans un cycle éternel qui amène tout à progresser, à se rapprocher de la Perfection.  Dans sa contemplation de lui-même, à titre de Sujet et d’Objet, le jeu de la Création permet simplement au Créateur, le Grand Rêveur, de tirer des énergies informelles du Néant primordial, le Grand Vide Plein qu’il représente, pour produire la Réalité des formes concrètes, les retournant ultimement au Réservoir unique de toutes ses possibilités divines, en les ramenant à lui.

Dans cette perspective, celui qui se perd dans l’illusion toute linéaire de l’espace-temps, parce qu’il accorde trop d’importance aux lieux circonscrits et à la notion du temps qui passe, perçoit son étude de la Création cosmique comme le déroulement des cycles qui comportent une montée, suivie d’une descente, qui lui semble une chute fatale, ce qui l’accable, le remplit d’un sentiment d’impuissance et le fait sombrer dans un sentiment de fatalité. Incapable de concevoir son expérience du moment comme une simple focalisation temporaire de sa conscience sur une Réalité déjà toute faite, donc qu’il n’a pas à faire, mais plutôt à découvrir, il dégage la fausse notion d’une progression continue dans le temps et l’espace qui le fait, à répétition, passer de la jeunessevie à la mort.

Pourtant, dans l’Instant éternel, l’expérience de l’incarnation permet simplement à un être parvenu dans la densité de centrer tout à tour son attention sur un aspect nouveau de la Réalité infinie, de la manière que, au cinéma, un spectateur regarde un film, image par image, alors que les mages de tout le scénario sont déjà toutes comprises dans la bobine qui déroule. Chaque incarnation permet à un être d’avancer dans la redécouverte consciente de sa Perfection originelle, le conduisant, de vie en vie, à un état plus subtil et achevé. Mais, si elle était mieux menée, cette redécouverte deviendrait à la fois moins pénible et tellement moins longue.

En effet, dans le plan illusoire de la troisième dimension, celui qui se prend pour un accident de parcours, donc pour un être impuissant, dépourvu de finalité, et qui pense que le temps modifie et dégrade toute forme de l’espace, n’obtiendra pas les mêmes résultats de son expérience en incarnation que celui qui, se sentant Un avec le Tout, sait accomplir le plan d’une âme qui le mène à un But ultime précis, celui d’être pleinement, parce que, menant ses observations dans l’esprit de la transcendance, il ne peut imaginer la mort nulle part, ne percevant que la Grande Vie unique qui palpite partout au-delà des contingences.

En fait, dans son ignorance ou son inconscience, le premier, qui ne peut que se perdre dans la densité et la dualité, fera nombre de choix erratiques qui le desservent et le conduisent peu à peu à une échéance fatale, la transition de la mort, tandis que l’autre ne peut que se préparer une échéance glorieuse, la transition dans la Lumière divine. C’est ce qui fait que, selon les expériences qu’ils ont vécues ici-bas, menées dans une limitation plus présumée que réelle, un fardeau que ne peuvent qu’alourdir les souvenirs de leurs douleurs et de leurs souffrances, la majorité des êtres incarnés ont du mal à renoncer à l’idée que la simple observation de ce qui se passe concrètement autour d’eux leur fournit la preuve que tout vieillit et aboutit à une fin, oubliant qu’il établit son verdict en s’appuyant sur des illusions qui ne résultent pas du passage du temps, puisque la Vie est éternelle. Il n’y a jamais que la Vie qui se transforme sans fin.

Dans ce contexte, ce n’est qu’en changeant sa vision du monde que chaque être incarné pourrait se tirer du cercle vicieux des réincarnations qui, après avoir porté une première fois des plans subtils à l’existence terrestre, ramène encore et encore à la vie dans la troisième dimension, après l’apparent passage obligé de la mort, suivi d’une stage de réinterprétation plus ou moins prolongé de son plus récent vécu, dans les plans subtils, de manière à le ramener dans sa juste perspective et à le rajuster au plan de son âme.

Car, dans la troisième dimension, c’est par la pensée, source de ses sentiments, des paroles et des actes, que chacun détermine ses choix conscients ou inconscients, conformément au principe de l’attraction, inhérent à la Causalité éthique, qui amène toute cause à produire un effet identique à elle-même ou toute action à produire une réaction proportionnelle à elle-même. Ainsi, celui qui peut changer sa perception de son expérience terrestre peut complètement modifier son destin et s’orienter vers l’émancipation dans la Grande Vie éternelle plutôt que d’incliner peu à peu vers la mort.

C’est bel et bien le fait que, hypnotisés par les apparences, la majorité de ses semblables lui répètent que le temps progresse et qu’il fait tout vieillir, une croyance dont il fait une certitude, qui engendre le drame du vieillissement et de la mort. Dès lors, celui qui veut cesser de vieillir et d’incliner vers la mort n’a qu’à se souvenir et se convaincre qu’il ne peut vieillir et aider sa planète à se régénérer pour dissoudre l’illusion du temps que l’humanité a instaurée. C’est le seul effort qu’il est requis de lui pour redécouvrir ses attributs divins et son état de Perfection de manière à mettre un terme au cycle de la mort et à s’inscrire dans l’Éternité bienheureuse.

À vrai dire, on appelle «vieillesse» l’expérience de la dernière phase de la vie, qui suit la maturité, qui est généralement caractérisée par la sénescence et la mort. Mais, selon la compréhension, le fait de vieillir peut commencer dès le moment de l’incarnation. Dans l’entendement humain du vieux monde, comme l’ont dit B. R. Mishara et R.G. Riegel, il s’agissait d’une «période inévitable et naturelle de la vie humaine caractérisée par une baisse des fonctions physiques, la perte du rôle social joué comme adulte, des changements dans l’apparence physique et un acheminement graduel vers une diminution des capacités». Mais, dans le Monde nouveau, où chacun peut rendre les impossibles d’autrefois possibles, cette définition devient caduque.

N’est-il pas étonnant que, il y a un siècle, les êtres humains atteignaient à peine les 40 ans. De nos jours, l’espérance de vie dépasse largement les 70 ans. Si bien que, au Canada, au tournant du XXIᵉ siècle, notre pays, pourtant assez laborieux et rude, comptait déjà plus de cinq mille centenaires. À certaines époques historiques du monde, comme le rappellent certains livres sacrés, en raison de la haute spiritualité des êtres incarnés, beaucoup d’entre eux pouvaient vivre pendant des siècles.

C’est que, au moment de sa création, l’être humain n’était pas destiné à la mort. Dans son choix de s’extérioriser à outrance, qui l’a amené à développer une personnalité individuelle qui semble le tirer de l’Unité ou le couper de l’Absolu, c’est en raison de l’oubli et d’un excès de dispersion et de densification que cette créature s’est condamnée à la mort. Alors, si l’être humain est parvenu à faire apparaître la mort, comme échéance finale de son incarnation, ne pourrait-il par la faire disparaître de son expérience, même s’il devait demander de l’aide au Ciel pour y arriver? Le Ciel ne représente-t-il pas simplement la part de lui-même qu’il ignore dans ses potentialités magiques originelles? Les maîtres spirituels affirment qu’il le pourrait dans la mesure où, dès l’enfance, son milieu lui apprendrait à faire ce pour quoi il s’est incarné – évoluer — et qu’il accepterait de le faire, au lieu de perdre, dans son désœuvrement et son ennui, tant de temps et d’énergie dans des quêtes à peu près stériles et inutiles.

En fait, puisqu’un être commence à réaliser qu’il vieillit d’abord par ce qu’il observe visuellement de ses changements physiques, pour retarder l’échéance fatale, il devrait se remettre en question dès qu’il se rend compte qu’il commence à changer dans son corps. Il faut dire que, même là, il n’aurait pas la tâche facile parce que, dans le plan de la matière, ne pouvant rester sans âge ni son âme, il ne peut empêcher certaines transformations physiques et psychiques qui le conduisent au sommet de sa maturité. Peut-on empêcher un grain de maïs sain, planté en terre, de finir par porter un fruit qui jaunit, pour signifier qu’il est prêt à entreprendre un nouveau cycle?

«Vieillir», au sens de«s’ajouter des années», fait partie de l’expérience commune des êtres incarnés sur la Terre. Mais ce mot n’implique pas la nécessité de perdre de sa vitalité, de s’affaiblir, de se déformer, de se désagréger. Et, dans les faits, tous ne vivent pas cette phase de la vie de la même manière. Tous ne savent pas faire de leur vie une simple succession de saisons, soit, à travers les hauts et les bas des cycles, une expérience centrée sur le moment présent remplie de joie et d’espérance. Il est certain que, à moins d’accident, ceux qui vivent dans le moment présent, gardent leur jeunesse de cœur et refusent de se projeter dans l’avenir pour se considérer dans une forme qui décline vieillissent moins rapidement que les autres. Car les problèmes de la vieillesse augmentent d’autant plus qu’un être vit sans but et que, pour compenser, il s’attache à son passé et s’inquiète de son futur.

L’inconscient personnel, comme l’inconscient collectif, porte encore les souvenirs douloureux et souffrants de la décrépitude physique et psychique : choc de la naissance, problèmes de croissance, départ du foyer familial, ruptures amoureuses, usure du travail, départ des enfants de la maison, prise de la retraite, deuils successifs de la disparition des personnes chères, perte progressive des forces physiques et des facultés psychiques, longues périodes de solitude, sentiment d’inutilité et de surcharge, perte de l’estime de soi, dépression prolongée, maladie chronique, longue agonie, quand un être n’a pas transité par une mort subite ou un accident fatal.

Il n’empêche que, au point de vue spirituel, la vieillesse représente la maladie d’un être qui ignore les possibilités de sa force vitale et le sens de sa souveraineté, un phénomène entretenu par la vieille trame vibratoire résiduelle de la planète. Il importe de souligner ce dernier aspect de trame vibratoire puisque, ayant été complètement rénovée au cours des dernières années, elle redonne à l’être incarné son pouvoir d’accéder à l’immortalité même physique. Mais si la trame vibratoire de la planète a changé, l’esprit humain, truffé de peurs, consécutives aux expériences mitigées de ses diverses vies en incarnation, ne parvient pas à changer assez rapidement pour transformer radicalement son destin.

A-t-on déjà observé que, dans le mot «vieillesse», il y a le mot «vie»? Cette observation peut paraître anodine, mais elle peut porter à penser que la vieillesse, au sens de décrépitude, n’a pas de raison d’être puisqu’elle ne témoigne pas d’une maturation, d’une culmination dans un état vibratoire, révélant plutôt le déséquilibre chronique qu’un être a laissé perdurer par ignorance et inconscience. Dans la vie, sur les plans physique et mental, la santé, qui est vitalité parfaite et intégrité, devrait être la norme, dans la mesure où un être n’abuse pas de ses énergies en transgressant les lois, notamment celle de l’Amour et de la Modération ou du Juste Milieu.

En fait, tel qu’il a été créé, nul ne devrait vieillir : s’il vit dans la vérité et rayonne l’Amour, il devrait simplement avancer en âge et en sagesse, accumuler les instants d’expérience. Dans la réalité, un être ne peut vieillir s’il accepte de rester éternellement à la recherche d’un destin meilleur et d’un accomplissement supérieur et s’il fait confiance à son Créateur, qui n’est que sa Source vitale. Car il s’use surtout en cherchant à combler son vide intérieur ou à chercher une manière d’être, au lieu de pénétrer au plus profond de lui et d’être tout simplement. Pas étonnant qu’un être vieillisse si, dépourvu d’idéal et passant à côté de l’essentiel, il se garde dans l’activisme et la performance, il s’alimente mal, respire dix fois trop peu, néglige de se divertir et de se reposer, vit dans la tension de l’inquiétude et de la peur ou dans la concurrence et la rivalité, ne cherche qu’à être reconnu dans les apparences et les masques qu’il cumule, mine ses réserves émotionnelles dans la succession des renoncements et des deuils.

À vrai dire, un être vieillit d’abord parce qu’il cesse d’aimer la vie, en venant à la trouver trop monotone, se sentant impuissant parce qu’il n’a pas assumé la responsabilité de son destin et qu’il se sent de plus en plus déphasé, esseulé, dépendant et inutile. C’est alors que son corps commence à s’ankyloser, son esprit, à se figer, ce qui le porte à se valoriser davantage de son expérience antérieure que dans celle du le présent, rempli d’espoir pour l’avenir. Incapable de s’actualiser dans le temps, de laisser sa vision s’élargir, il devient anachronique, il cesse d’être du temps où il vit encore. Il ne dit plus que : «dans mon jeune temps…»

À ce propos, Ingmar Bergman a su affirmer : «La vieillesse est comparable à l’ascension d’une montagne. Plus vous montez, plus vous êtes fatigué et hors d’haleine, mais combien votre vision s’est élargie.» Plus cynique, Philippe Bouvard s’est plutôt permis de dire : «La vieillesse commence le jour où on ne s’intéresse plus à la jeunesse». Pour un chercheur spirituel, il faudrait entendre le mot «jeunesse» au sens de vie qui se renouvelle spontanément d’elle-même, incapable de s’épuiser, ou de contact avec son Enfant intérieur. Dans ce contexte, la mort devient le résultat d’une régression au lieu d’une évolution.

Il est probable qu’un être puisse cesser de vieillir dans la mesure où il peut retrouver l’esprit d’enfance et cesse de trouver les inconvénients du grand âge ou de l’avancée en âge comme naturels. C’est dans une telle conception que la vieillesse, qui aboutit à la mort, devient la phase finale que le Soi supérieur impose à un être qui est passé trop longtemps à côté de la raison pour laquelle il avait choisi de s’incarner et qui risque de s’emprisonner dans un cycle de vie où ses expériences contribuent davantage à le densifier, à le disperser dans la dualité, qu’à l’unifier intérieurement, à le transmuter et à élever savieillesse (1) conscience.

Pour oublier l’âge un moment, chacun peut toujours en rire en se remémorant quelques boutades à son sujet. Sainte-Beuve a dit : «Vieillir est ennuyeux, mais c’est le seul moyen que l’on ait trouvé de vivre longtemps.» Il est vrai que, si nous n’y prenons garde, nous sommes tous des vieillards en puissance. Mais ne pourrions-nous pas nous mettre en quête d’un moyen de retarder cette échéance, peut-être de l’éliminer? On connaît si bien la maxime : si jeunesse savait et si vieillesse pouvait. Autrement dit, si les jeunes avaient plus d’expérience et les vieillards plus de force, les vieux paradigmes changeraient du tout au tout. Maintenant, on ne peut plus compter que sur le sauvetage de la Lumière spirituelle pour opérer ce prodige.

Mais la bonne nouvelle, c’est que, désormais, si un être n’est pas trop avancé dans la décrépitude et la sénilité et s’il sait se renouveler, en se détachant des illusions du monde, des vieilles croyances, des faux liens, de ses peurs ataviques et des habitudes du passé, il peut demander d’accéder à l’immortalité sans devoir de nouveau passer par la mort. Il suffit d’en faire la demande à la Source suprême et, abandonnant tout rêve mondain et matérialiste, de s’abandonner sans la moindre résistance à l’Œuvre de la Lumière divine à travers soi qui saura bien réaliser cet apparent miracle, dans la mesure où il restera centré sur le moment présent.

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